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Restauration

A l'annonce de l'ouverture d'un nouveau centre commercial, les cafetiers, restaurateurs s'inquiètent de voir les centres-villes se vider et leurs clients déserter leurs établissements.Certains choisissent de jouer la carte du centre commercial pour justement suivre leur clientèle. D'autres imaginent des solutions pour attirer les clients en ville. Lille, Marseille et Dunkerque : trois itinéraires qui montrent que la solution est difficile à trouver.

Euralille a deux ans
L'Edito et les autres

Proche de ses prévisions, le centre commercial Euralille taille doucement sa place dans la conjoncture morose. La restauration vit du midi, survit le soir. Marie-Lise Buchet, de l'Edito, "aime les centres commerciaux".

Euralille, le centre commercial construit avec l'arrivée du TGV Nord entre les deux gares de Lille Europe (gare surtout fréquentée par Eurostar) et de Lille Flandres (en centre-ville) fête ses deux ans avec 200.000 visiteurs par semaine. Le chiffre d'affaires hors hypermarché Carrefour a atteint 750 MF de septembre 1995 à septembre 1996, indique son directeur Roch-Charles Rosier. Les Belges représentent 15 à 18% du chiffre d'affaires d'Euralille. La restauration ne pèse pas plus de 50 MF dans le paysage avec des enseignes de fast-food (Quick, le premier Sbarro de France, le local Class'Croûte), Lin Traiteur, un ensemble de cafétérias et salons de thé produisant de la petite restauration, une Boulangerie Paul avec un espace repas non négligeable, et trois enseignes type pub ou brasserie, le Cambridge, le Réverbère et l'Edito. Rien de comparable avec l'ampleur de la "Cité Gourmande" auprès du terminal Eurotunnel véritable locomotive du centre commercial Cité de l'Europe. Il reste un espace disponible de 1.100 m2 pour l'implantation d'une vaste cafétéria et ce sera tout pour la restauration.

Aux détracteurs d'Euralille qui constatent la lenteur de son développement, la direction du centre répond qu'il "faut lui laisser le temps de s'installer" et "que les objectifs, soit 800 MF de CA à trois ans, sont largement tenus". Les actions prioritaires des mois prochains concernent la propreté, la sécurité, la signalétique, un parking encore plus accueillant et l'animation. Le centre a un budget de promotion modeste de 4,5 MF insuffisant sans partenariats actifs. Or, si la restauration fonctionne bien le midi, elle est en berne passé neuf heures du soir et extrêmement sensible aux animations.

De grands chiffres
ou rien

Dans un tel centre, on peut très vite atteindre des chiffres importants, mais il faut pouvoir suivre avec un train de charges et une organisation à l'avenant. Face au pizzaïolo américain Sbarro porté par un franchisé belge, au-dessus du Belge au concept américain Quick, le franco-français l'Edito de Marie-Lise Buchet en fait foi. Cette commerçante chevronnée a quitté le prêt-à-porter pour la restauration avec un grand vaisseau à thème de 770 m2, trois quarts en intérieur, un quart en extérieur (si l'on peut dire, car on se situe encore à l'intérieur de la galerie aux superstructures très élevées). "J'aime les centres commerciaux, c'est le sapin de Noël du XXème siècle", affirme-t-elle. Elle croit à Euralille "qui devient peu à peu une référence" et tresse des lauriers à son directeur "qui n'est pas seulement gestionnaire mais commerçant". Avec son mari, par ailleurs dans une affaire de contrôle automobile, elle y a investi huit millions de francs et y emploie une trentaine de personnes. La cuisine ultra-équipée a englouti une bonne partie de la dépense. L'Edito sert plus de 400 couverts le midi, beaucoup moins le soir et fonctionne en limonade sans fermer jusqu'à 22 h.

"Je voulais faire grand, j'ai dessiné moi-même le concept avec l'aide d'un architecte", explique Marie-Lise Buchet. A contre-courant de la mode des pubs elle a choisi le bois clair avec un très long bar sans rupture avec l'ambiance du centre. L'Edito a bien sûr pris pour thème de décoration des journaux anciens encadrés.

La difficulté et la raison de l'investissement en équipements de cuisine est la variété des plats. Le plat du jour à 49 F et à moindre mesure le menu du jour à 66 F sont les grandes vedettes mais l'Edito joue la variété : plats régionaux à 50 F, salades de 40 à 68 F, classiques de brasserie en sus. La difficulté est de servir 400 couverts variés en un temps très court. Ce n'est pas l'idéal en gestion, cela réclame un personnel et des investissements au niveau de la pointe de trafic et donc impose une charge fixe excessive. L'affaire a tout de même passé le seuil de rentabilité au bout d'un an environ, ce qui n'est pas le cas de tout le monde en centre commercial.

A noter le mix des boissons différent de celui de la ville. L'Edito traite une clientèle de bureaux alentours et d'employés du centre commercial autant plus que de clients pressés. Sans contrat de brasserie -"rien ne vaut la liberté", commente M. Buchet- les bières pressions sont variées de 10,50 F la Kronenbourg à 16 F la Grimbergen ou la Carlsberg, mais les boissons sans alcool tiennent le haut du pavé, eaux, softs et café.

Vivre en centre commercial, c'est aussi accepter une clientèle "d'habitués tournants", chinois aujourd'hui, italiens demain, Edito après-demain et sandwich la semaine prochaine. Il faut travailler ensemble la promotion du centre et intégrer l'idée que tout en étant concurrents une bonne entente est nécessaire pour attirer ensemble le chaland. Il faut tous aimer les centres commerciaux, en somme.

A. Simoneau

L'Edito est ouvert à toute heure, c'est écrit dessus.

Mais à 11 h 25, le client

n'est pas encore là. Il faudra servir 400 repas en moins

de deux heures vraiment

préparés sur place.


Ouverture de 25 restaurants à Marseille

Des indépendants misent gros

sur le Grand Littoral

Le centre commercial Grand Littoral, commercialisé par le groupe Tréma, a enfin ouvert ses portes au Nord de Marseille, le 29 octobre dernier. Ce géant de 140.000 m2, qui surplombe la rade marseillaise, abrite le plus grand des hypermarchés Continent et près de 200 enseignes commerciales. 25 restaurants et traiteurs ont misé gros sur «le centre commercial de l'an 2000», y compris des indépendants marseillais.

Après deux ans de travaux dans les anciennes carrières de Saint-André, dans les quartiers Nord de la cité phocéenne, le groupe Tréma y a aménagé un gigantesque centre commercial sur deux niveaux avec 180 boutiques, 25 restaurants et le plus grand des hypermarchés Continent (surface de vente de 16.000 m2). Ce projet a nécessité un investissement total de 1,5 milliard de francs, dont 143 MF financés par la ville de Marseille. Il générera à terme 1.200 emplois dont 800 créations nettes. Objectifs : redynamiser le secteur Nord de la ville et fixer à l'intérieur de la cité une clientèle qui allait faire ses achats à l'extérieur.

10 millions de visiteurs espérés

Dans ce géant commercial qui surplombe la rade marseillaise, les commerces indépendants représentent 37% des boutiques de la galerie contre 63% d'enseignes nationales et internationales. 18% des boutiques et moyennes surfaces concernent la restauration et l'alimentation. Des grands noms de la restauration rapide ont évidemment investi la place comme McDonald's (2 implantations), Quick (2), Flunch, ainsi que d'autres enseignes plus ou moins connues : «Bleu Blanc Wich», «Buena Vista», «Bistrot Romain», «Buff' et Bif», «Häagen-Dazs», «la Brasserie du Village», «la Brioche Dorée», «Romagna mia Diadina», «la Chocolatière», la crêperie bretonne, «le Dauphin», «le Foresta», «le Littoral», «le Paradis du Fruit», «le Trocadéro», «les Restanques», «Segafredo», «la Pissaladière» et enfin le restaurant-boulangerie Paul. Parmi ces 25 restaurants, traiteurs, brasseries ou snack-bars, répartis sur les deux niveaux de la galerie marchande, des indépendants marseillais ont eux aussi misé gros dans l'aventure «Grand Littoral». «Nous avons investi plus de 4 MF dans la création de la Brasserie du Littoral», confie Muriel Pianeta Mardjoian, patronne de ce restaurant de 95 couverts avec kiosque à sandwiches. La famille Pianeta a quitté le centre-ville de Marseille, où elle tenait un bar-snack au centre Bourse. «Nous comptons beaucoup sur la sécurité et la bonne fréquentation de ce centre pour assurer la réussite de la brasserie.» A deux-trois boutiques de là, Paul Flon a quitté le marché de La Plaine, quartier populaire de Marseille, pour injecter près de 800.000 F dans le «Rôtisseur». Il s'agit d'un commerce de poulets et de légumes rôtis à emporter. Son ambition : que le poulet détrône la pizza !

Au deuxième étage, les frères Sammut, bouchers de profession-ils conservent trois ateliers de découpe à Marseille-, ont créé un nouveau concept grill sous le nom de «Buff' et Bif». Ces spécialistes de la viande présentent un restaurant grill plutôt traditionnel en intégrant des notes ludiques. Le logo est en effet représenté par deux petits indiens et la salle de 228 couverts est surélevée au centre par une cabane en bois. De plus, François et Didier Sammut offriront prochainement pour les enfants des gadgets personnalisés au nom de Buff' et Bif. «Nous voulions faire une belle affaire. confie François Sammut. Le centre Grand Littoral nous semble être le site rêvé pour accrocher le client.» Avec des pizzas à 39,90 F et des formules qui démarrent à 24 F, «Buff' et Bif» compte réaliser près de 300 couverts par jour et implanter à terme un second établissement dans la région Paca.

Indépendants ou grandes enseignes, les professionnels du centre commercial Grand Littoral parlent d'implantation sûre et attendent avec impatience, pour la première année d'exploitation, les 10 millions de visiteurs espérés par le groupe Tréma.

I. Legnazzi

Au Nord de Marseille, le gigantesque centre commercial Grand Littoral accueille dès son ouverture 25 restaurants.


Réplique aux centres commerciaux de périphérie

Dunkerque se refait un centre-ville

L'opération est controversée chez les commerçants d'aujourd'hui. Il s'agit d'étirer le centre-ville vers les bassins portuaires. Près de 3.000 m2 de surfaces de restauration sont prévus. Les clients seront-ils là ?

L'affaire défraye la chronique en ville depuis cinq ans. Le maire de Dunkerque (73.000 habitants pour la commune, 210.000 pour l'agglomération, 250 à 300.000 pour le bassin économique) allié au président de la Chambre de commerce, Jo Dairin, défend une thèse et met en oeuvre un projet risqué : aujourd'hui près de 60% des achats sont effectués en centres commerciaux à l'extérieur de la ville. L'irruption de nouveaux pôles concurrentiels comme la Cité Europe près du terminal Eurotunnel ou Euralille près du "noeud" Eurostar/TGV de Lille, ne risquent-ils pas d'aspirer ce qui reste de clientèle aux commerçants de ville dunkerquois ? Conforté par diverses études, le maire se propose de répliquer en recherchant une offre critique suffisante de services en centre-ville, en "hissant le centre à la hauteur d'une agglomération de 200.000 habitants", explique-t-il. Cela s'est déjà traduit par des travaux de requalification du centre existant, mais le plus gros est à venir. Il s'agit de l'opération "Bollaert-Marine". En résumé, depuis le centre actuel, la place Jean Bart, l'architecte du plan de masse général le Britannique Rogers, a tiré une artère jusqu'au premier bassin du port, aujourd'hui abandonné, de la marine marchande et guère accueillant et propose d'animer cet axe jusqu'au quai.

On trouvera sur cet axe dans l'ordre, une rue déjà piétonnisée, une place actuellement utilisée en parking, lieu futur d'une halle couverte de commerces dont 420 m2 de restauration, puis un parc flanqué d'un centre commercial alimentaire avec grande surface "sèche" (sans produits frais) avec parking et enfin un complexe de loisirs réunissant en particulier 20 salles de cinéma sur 11.200 m2 et 2.450 m2 de restauration dont un drive-in. On comprend que les commerçants et professionnels du présent se fassent un peu de souci. Ces nouvelles surfaces ne vont-elles pas aspirer la clientèle déjà bien hésitante depuis trois ans ?

Tendance à la concentration

L'affaire est sérieuse. L'architecte est nommé, Bernard Reichen de Reichen et Robert. La grande surface alimentaire est déclarée, il s'agit de Cedico du groupe Catteau. Le promoteur est la Compagnie de Bâtiment et de Construction (CBC), le créateur de l'espace loisirs est AMC Europe. AMC exploite 1.800 salles aux USA et débarque sur le vieux continent. Le calendrier prévoit les premiers travaux dès le milieu de l'année prochaine. Les surfaces seront commercialisées par la Compagnie des Métiers du Commerce de Sophie Simonet.

Tout cela répond point par point aux souhaits du consommateur exprimés dans la dernière enquête effectuée par les CCI de Dunkerque, Calais, Boulogne, Saint-Omer à propos de la fréquentation de la Cité Europe de Calais. Mais entre les études et la réalité, il y a du temps et de l'argent, et surtout le libre choix d'un consommateur regardant et frileux. A Dunkerque, on note une tendance à la concentration des affaires de restauration et des cafés entre quelques mains expertes, même si les individus subsistent, et à une forte sélection en fonction des efforts d'attractivité de l'exploitant. Il y a à parier sur une accentuation de ces tendances avec l'arrivée de concepts entièrement nouveaux sur place et l'accentuation de la concurrence. Même si le centre-ville ratisse plus large et résiste mieux à la périphérie. Le débat est ouvert.

A. S.

Le projet consiste

à tirer une artère depuis le centre-ville existant au premier plan jusqu'aux

bassins maritimes auprès duquel

serait installé

un ensemble de

11.200 m2

de cinémas et

2.450 m2

de restauration.



L'HÔTELLERIE n° 2483 Hebdo 14 novembre 1996

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
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