Ils étaient là. Le tuyau de la brigade de la répression du banditisme était bon. Devant les yeux des hommes du service de recherche des enquêtes douanières, un groupe déchargeait, dans un entrepôt de Sartrouville en banlieue parisienne, la cargaison d'un trente-huit tonnes. Des pierres de maçonnerie, des contrefaçons de la marque Levis, des T-shirts, mais aussi et surtout 10.000 cartouches de cigarettes. Des blondes en tout genre, Lucky Strike, Marlboro, Winston et Camel. Soit, l'équivalent de deux tonnes d'américaines, qui en l'espace d'un temps trois mouvements remplissaient l'arrière de trois fourgonnettes. Voulant démanteler le réseau le plus en aval possible, les policiers ont suivi les bandits jusqu'à leur lieu de livraison. Là, ils ont procédé aux interpellations. Une à Romainville (Seine-Saint-Denis), une à Sartrouville et une à Paris dans le XIXème arrondissement. Au total, six personnes, toutes d'origine portugaise, ont été déférées au parquet de Versailles. Tout est bien qui finit bien et les trafiquants ont été pris la main dans le sac, ou plutôt la cartouche à la main.
Mais ce beau coup de filet, ne doit pas faire oublier la situation alarmante du trafic de tabac. En effet, selon les services des douanes, la contrebande de cigarettes ne cesse d'augmenter, voire de prendre des «proportions considérables». Pour le premier semestre 1996, ce service a enregistré une progression de 30% du nombre des infractions au commerce des cigarettes par rapport à l'année passée. A Paris, il semblerait que 1 à 2% de la consommation de tabac émane du marché noir. «Les cigarettes proviennent fréquemment de la Principauté d'Andorre où elles sont détaxées. Elles alimentent, le plus souvent, les débits de boissons, des boîtes de nuit, et des stations-service, qui échappent ainsi au monopole que l'Etat applique sur les débitants de tabac», explique Maurice Joubert, de la direction régionale des douanes.
Première explication à cette hausse de contrebande, l'ouverture récente des frontières dans la Communauté européenne. Autre phénomène à prendre en compte, qui par un système de cause à effet dépend du premier, la plus- value qu'engendre ce type de trafic. «Les dernières cigarettes saisies avaient été achetées une bouchée de pain à Lisbonne, pour être revendues sous le manteau à 14 francs l'unité. A Paris, comme en province, le paquet de Marlboro a augmenté de 75% depuis 1991. Les taxes sont telles que les contrebandiers réalises de substantiels profits en s'approvisionnant dans les pays limitrophes.» commente un enquêteur. Qui plus est, vu l'aspect peu dissuasif des peines que peuvent encourir les malfaiteurs, à savoir, un emprisonnement de trois ans, maximum et des amendes n'excédant pas la valeur des marchandises et de leurs moyens de transport, le trafic de tabac a, semble t-il, malheureusement, encore de beaux jours devant lui. F. Montagne
Manne non négligeable, le tabac a rapporté, en 96, plus de 54 milliards de francs à l'Etat, soit une augmentation de 6,6% par rapport à l'an dernier. Les recettes fiscales progressent ainsi plus vite que le chiffre d'affaires du secteur qui s'est accru de 5,7% durant la même période. Avec un taux moyen de fiscalité sur les cigarettes de 76%, la France s'est placée, cette année, au cinquième rang des quinze pays de l'Union européenne.
Si l'on regarde de plus près l'évolution des produits, on constate certaines différences. Le chiffre d'affaires
des cigarettes a augmenté de 5,3%. Celui des cigares et des cigarillos s'est accru de 6,6% et celui des tabacs à rouler et à fumer la pipe de 16,2%. Ces évolution sont à rapprocher de l'augmentation du prix moyen d'un paquet de cigarettes de 7,95% en 96, car en tonnes de tabac, on note une baisse de 1,6% par rapport à 95. Toutefois, la hausse des ventes de cigares et cigarillos et des tabacs à fumer et à rouler compense, en partie, le fléchissement des ventes des cigarettes qui a atteint 2,1%.
(Source : CDIT)
L'HÔTELLERIE n° 2497 Hebdo 13 fevrier 1997