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Restauration

Opération «Toques en herbe»

Philippe Douste-Blazy ne fait pas l'unanimité

Plein de bonnes intentions, le ministre de la Culture a voulu intervenir pour aider ce qu'il appelle les «artistes de la cuisine» en trouvant des mesures de soutien aux chefs renommés qui rencontrent des difficultés financières. Dès lors, il créait un antécédent en qualifiant quelques-uns d'entre eux «d'artistes» alors que les plus compétents demandent à être reconnus en tant qu'artisans. Immédiatement, les réactions de ceux qui se sentent exclus de cette catégorie, se font entendre. Ils s'insurgent (voir L'Hôtellerie n° 2497). Après ces réactions vives, on ne peut que faire une pause afin de permettre au CNAC d'étudier les dossiers et de les traiter, comme il s'y est engagé, pour toutes les catégories de professionnels. Il faudra attendre deux à trois mois pour faire le point et, qu'en toute transparence, l'on sache comment les aides ont été attribuées, sur quels critères et en quoi l'intervention du ministère de la Culture a pu avoir une efficacité sur le traitement des problèmes des cuisiniers concernés. Quant aux trois bourses de 100.000 F attribuées à de jeunes cuisiniers pour leur première installation, bourses accordées «sur les deniers de l'Etat donc du contribuable», nous ferons également le point sur le nombre de demandes et l'aboutissement de ce projet.

Etes-vous «toqué» ou «pas toqué» ?

Telle est ma question ? Dites-moi qui sont vos clients, je vous dirai qui vous êtes ? Ou plutôt, si vous êtes dignes d'être dans la cour des grands chefs ! Et si vous allez pouvoir être soutenus et aidés par le ministère de la Culture.

Si la cuisine est un des arts qui fait la renommée de la France, nombreux sont les artistes inconnus et méconnus dans toutes les catégories artisanales qui font la richesse économique et productive de notre pays. (...).

Monsieur Douste-Blazy, ministre de la Culture, veut préserver les grands chefs des conséquences des difficultés économiques dont ont été victimes quelques étoilés l'année dernière et il annonce dans le journal professionnel de L'Hôtellerie du 23 janvier 1997, pour eux des mesures d'aide !

Les autres, tous les autres, les petits et les moyens, n'ont-ils pas, eux, aussi subi les difficultés économiques dues à la conjoncture ? (...)

Qui défend qui ?

Notre ministre de tutelle, Monsieur Pons, fait la sourde oreille à notre demande d'audience et ne semble pas s'intéresser à toute cette catégorie professionnelle dont il est le garant !

Et si un «grand chef» (monté par certains côtés médiatiques) ne sait pas gérer ses affaires, on va l'aider ! Tandis que pour les autres, on leur envoie les contrôles fiscaux, les contrôles d'Urssaf, les contrôles sanitaires, enfin les 7 contrôles capitaux, qui font d'eux : les voleurs de l'Etat, les profiteurs d'employés, etc., qu'enfin exsangues, ils ne puissent plus travailler...

Mais de quel droit et avec quels deniers, allez-vous gérer ces aides ? Avec l'argent des moyens et des petits ? Comment allez-vous établir les règles de l'aide ? Qui participera à la sélection ? (...).

Messieurs les ministres, c'est grave, quand tout va mal, de soigner certains maux chez les privilégiés... par quel trafic d'influence ou quel abus de pouvoir ?

La république n'a-t-elle pas pour base : «l'absence de tout privilège» ? Il est donc si facile de trouver des aides pour quelques amis ?

Personnellement, je pense que si vous trouvez des moyens pour aider les «toqués», il va falloir trouver des mesures pour alléger les charges et les taxes des autres, car je fais partie de ceux-là et je ne supporterai pas l'injustice et les privilèges.

C. Prod'Homme,

présidente de la Fédération Tourisme,

CIDUNATI

L'aveu

Le ministre de la Culture arrive lui aussi au chevet de la restauration malade... ! Des mesures conservatoires doivent être prises d'urgence, car les bons professionnels sont en danger de mort.

Si l'on n'y prend garde, ils seront vite en voie de disparition et avec eux, le patrimoine ! France réveille-toi, l'heure est grave !

Le mal n'est pourtant pas nouveau, Monsieur le ministre ! Les symptômes étaient nombreux et la mort programmée de longue date.

La banque n'accorde pas de crédits à la restauration commerciale. Il faut dire qu'elle a des arguments, solidement étayés par l'inconscience de nos gouvernants successifs. Il faut se rendre à l'évidence : la logique fiscale, sociale et comptable dans laquelle nous sommes engagés conduit inexorablement à la disparition d'une certaine forme de restauration. Et la plus touchée est celle qui précisément touche le patrimoine culturel.

Votre intervention est donc pertinente, Monsieur le ministre.

Elle appelle cependant quelques observations :

1) Les entreprises en difficulté seront aidées quand elles seront : «culturellement essentielles». La subjectivité d'un tel classement ne vous échappera pas.

2) Votre démarche d'aider celui-là (mais pas l'autre !) à s'installer est tout à fait louable. Vous avez le mérite de reconnaître l'existence d'un danger imminent, un état de fait inquiétant. Mais une fois de plus, c'est en utilisant de l'argent public que l'on va «aider» à la création d'entreprises. Peut-être s'agira-t-il de la reprise d'une, morte la veille ! Il est un devoir impérieux, c'est celui d'assurer la pérennité de celles qui existent.

3) Enfin, au nom de l'égalité de tous devant la loi, la démarche n'est pas très morale. Vous savez, cette égalité qui a fait suspendre la promesse de la baisse de la redevance TV pour les petites entreprises... c'est la même égalité !

Mais n'abandonnez pas en si bon chemin, Monsieur le ministre, vos constats sont réels, le mal est grave et structurel. Faites-vous aider par Monsieur Raffarin, il est plein de bonnes idées. L'appui de «Bercy» ne sera pas non plus négligeable, mais là, nous avons plus de réserves. Quoiqu'il en soit, bon courage, la profession est avec vous.

J.-L. Giansily,

président des restaurateurs
de la FNIH Vaucluse

L'art culinaire
est un art populaire

S auvez l'art culinaire français ! Mais pour ce faire, il faut avant tout sauver le «vivier» constitué par la majorité des cuisiniers-restaurateurs, dont on ne voit jamais la toque ni la tronche dans les photos de vernissage que vous êtes amené à fréquenter.

Les responsables passent ainsi allègrement à côté du problème essentiel qui consiste à arrêter de suite, pas demain, une déroute financière déjà engagée -TVA 20,6%, charges sociales délirantes sur une masse salariale très élevée dans cette profession- et pour finir, une désertion de ce métier qui s'amplifie de jour en jour.

Pour s'en apercevoir, il faut s'éloigner un peu des Picasso du «piano», qui auront toujours leur clientèle dorée et leurs chantres attitrés. Un Gagnaire s'en sortira toujours, tant mieux, on n'est pas jaloux ! Mais pour les autres, c'est le naufrage annoncé et avec lui, celui de la véritable gastronomie française.

L'art culinaire, comme tout art, est un art populaire et il est en voie de disparition. Comme les dinosaures. Mais si pour eux on ne sait pas trop pourquoi, pour l'art culinaire, on sait. Alors médicaments, s'il vous plaît !

Les McDo de tout poil qui occupent les places laissées vides ne signifient pas fatalement une évolution normale des habitudes. Cherchez plutôt du côté de la TVA à 5,5% majoritaire sur les prestations équivoques de ce type de restauration dit «rapide» et un personnel réduit au maximum.

M. Berrut

Restaurant «Au Petit chez Soi» à la Celle-St-Cloud.



L'HÔTELLERIE n° 2498 Hebdo 20 fevrier 1997

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