* Les formalités juridiques
La création et le fonctionnement juridique d'une entreprise individuelle sont simples. En effet, vous n'avez nullement besoin de rechercher des associés, ni de rédiger des statuts, ni de constituer un capital social ni de tenir des assemblées. En revanche, vous devez effectuer des démarches auprès du Centre de Formalités des Entreprises (CFE) dont vous dépendez. Le CFE transmettra votre dossier au registre du commerce et des sociétés au greffe du tribunal de commerce du lieu où se situe votre fonds de commerce. Le greffe vous communiquera votre numéro d'immatriculation. Les formalités de l'immatri-
culation vous seront facturées environ 1.000 francs.
L'inconvénient notable de ce type d'exploitation est que l'entrepreneur individuel est responsable indéfiniment et personnellement des dettes de l'entreprise sur ses biens propres. Le patrimoine de l'entreprise se confond avec celui de l'entrepreneur. Par conséquent, vos biens personnels pourront être saisis puis vendus pour apurer le passif du fonds de commerce.
Toutefois, la loi Madelin tend à protéger l'entrepreneur individuel en établissant que la saisie des biens personnels de l'entrepreneur individuel doit porter en priorité sur les biens affectés à l'activité. Par ailleurs, il est conseillé d'opter pour le régime matrimonial de la séparation de biens puisque les créanciers ne peuvent dans ce cas saisir les biens propres du conjoint ni sa part indivise sur les biens acquis par les deux époux pendant leur mariage.
La transmission du fonds de commerce en cas de décès de l'exploitant est peu commode puisque les héritiers deviennent des indivisaires, c'est-à-dire qu'ils sont les propriétaires détenant une quote-part égale sur le bien mis en indivision, régime sous lequel les décisions doivent être prises à l'unanimité.
* La protection sociale de
l'entrepreneur
En qualité d'entrepreneur individuel, vous ne bénéficiez pas du régime général de la Sécurité sociale. Vous avez donc l'obligation d'adhérer à un régime spécial d'allocations familiales, d'assurance vieillesse et d'assurance maladie et maternité.
Les cotisations sont calculées sur l'intégralité du résultat de l'entreprise, même s'il n'est pas prélevé, ce qui peut rendre le montant de vos cotisations élevé si l'entreprise est bénéficiaire. En outre, ce régime est moins favorable que celui des salariés dans la mesure où l'entrepreneur individuel ne bénéficie pas d'assurance chômage et où la retraite est moins indemnisée.
Il est recommandé d'adhérer à un régime facultatif d'assurance maladie et de retraite en vue d'obtenir des prestations complémentaires. Cependant, l'entrepreneur individuel peut déduire des bénéfices de l'entreprise les cotisations aux régimes facultatifs de protection sociale, les primes de contrats d'assurance de groupe souscrits pour bénéficier de prestations de prévoyance complémentaire, d'indemnités en cas de perte d'emploi ou d'une retraite complémentaire.
* Le statut fiscal
Le résultat de l'entreprise individuelle est imposé sur le revenu des personnes physiques dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Or, le taux de cette imposition est progressif et peut atteindre jusqu'à 56,80% pour la partie des revenus qui dépassent certains montants.
Afin de bénéficier d'une diminution de l'impôt sur le revenu, il est préférable d'inscrire au bilan de l'entreprise un bien qui vous appartient plutôt que de le conserver dans votre patrimoine privé. En effet, vous pourrez déduire l'intégralité des charges relatives à ce bien et notamment les amortissements pour les biens amortissables à l'exception du fonds de commerce et des terrains. Ce qui vous permet de déduire les frais liés à la mise en état d'utilisation du bien, les frais d'assurance, d'actes et honoraires, la taxe foncière pour les immeubles, les intérêts d'emprunt ainsi que les frais de réparation et d'entretien.
En outre, l'adhésion à un centre de gestion agréé vous permet de bénéficier d'un abattement de 20% si l'entreprise est bénéficiaire. Au cas où l'exercice serait déficitaire, vous pouvez déduire les déficits des autres revenus éventuels.
Si votre conjoint travaille à vos côtés en qualité de salariée et si vous adhérez à un centre de gestion agréé, vous pouvez déduire sa rémunération jusqu'à 36 fois le SMIC brut mensuel, soit pour l'année 1996, la somme de 228.600 francs.
En matière de TVA et d'imposition sur le bénéfice, l'entreprise individuelle peut relever de quatre régimes d'imposition applicables en fonction du chiffre d'affaires. En effet, si votre chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 100.000 francs hors taxes, vous bénéficiez du régime des micro-entreprises et vous êtes exonéré du paiement de la TVA, entre 100.000 HT et 150.000 F TTC, vous relevez du régime du forfait, entre 150.000 F TTC et 1.500.000 F HT du régime simplifié d'imposition, et supérieur à 1.500.000 F TTC du régime normal.
Dans l'hypothèse d'une vente du fonds de commerce, les droits d'enregistrement sont très élevés car leur taux varie entre 7% et 14,20%. En outre, vous serez imposé sur l'éventuelle plus-value dégagée lors de la cession du fonds de commerce.
Le choix d'une forme sociétaire pour exploiter un fonds de commerce peut pallier les principaux inconvénients de l'entreprise individuelle qui sont la responsabilité personnelle et indéfinie de l'entrepreneur, ainsi que son statut fiscal et social.
Il convient d'exclure de cette étude les sociétés de personnes telles que la société en nom collectif et la société en commandite simple car la responsabilité des associés est illimitée. En effet, ils sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes de la société. Le redressement ou la liquidation judiciaire de la société entraîne le redressement ou la liquidation de chacun des associés. La création d'une société anonyme n'est pas envisageable dans nos propos, car le coût de sa création et de son fonctionnement sont élevés.
En revanche, l'exploitation d'un fonds de commerce paraît plus judicieuse sous la forme d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée si le dirigeant prétend demeurer l'associé unique ou d'une SARL si les deux époux désirent être associés. Le mode de fonctionnement d'une EURL est calqué sur celui de la SARL.
* Les formalités juridiques
Sur le plan juridique, la création d'une SARL impose aux associés de constituer un capital minimum de 50.000 F libérés immédiatement, mais qui seront bloqués jusqu'à l'immatriculation de la société. Toutefois, vous pouvez apporter le fonds de commerce dans le capital comme apport en nature et le faire évaluer par un commissaire aux apports si sa valeur excède la moitié du capital social.
Les frais de constitution sont plus élevés que ceux de l'entreprise individuelle (élaboration des statuts qui sont soumis aux fins d'enregistrement au droit fixe de 500 francs, frais d'enregistrement afférents aux apports, frais de publicité et de greffe). Les frais de fonctionnement comportent la tenue d'assemblée, les frais de publication et d'information concernant l'activité de la société et les honoraires d'un commissaire aux comptes. La nomination de ce dernier n'étant requise que si certaines conditions sont réunies.
La limitation de la responsabilité des associés à hauteur de leurs apports constitue un avantage essentiel de cette forme d'exploitation d'un fonds de commerce. Dans l'hypothèse où vous apportez la somme de 30.000 francs dans le capital, le risque que vous encourez est de perdre votre mise de fonds initiale et non pas vos biens personnels. Encore que ce principe n'est plus vraiment vérifié. En effet, l'acheteur éventuel d'un fonds de commerce n'a souvent pas suffisamment de fonds disponibles pour acheter le fonds. Il doit alors emprunter à la banque qui lui demande alors des garanties portant sur des biens personnels ou ceux de sa famille, comme par exemple la maison des parents. En cas de faillite de l'entreprise, la banque viendra récupérer sa garantie et faire vendre la maison familiale pour couvrir les dettes du fonds de commerce.
* Le statut fiscal
La SARL qui n'a pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, est soumise à l'impôt sur les sociétés. Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 1996, le taux de l'impôt sur les sociétés est fixé à 33,33%, auquel s'ajoute une contribution de 10%. Mais il est réduit à 19% en cas d'incorporation d'une fraction des bénéfices au capital. Les associés qui bénéficient de dividendes distribués ne supporteront pas en principe l'impôt sur le revenu grâce au mécanisme de l'avoir fiscal.
Les associés d'une SARL de famille qui a opté pour l'impôt sur le revenu, sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour la perte des bénéfices qui leur reviennent même s'ils n'ont pas été distribués. Toutefois, les associés peuvent adhérer à un centre de gestion agréé et bénéficier à ce titre d'un abattement de 20% sur leur quote-part de bénéfices imposables sous réserve de ne pas dépasser certains plafonds.
La transmission de l'entreprise aux héritiers est facilitée puisqu'il sera attribué à chacun d'entre eux le nombre de parts sociales auxquelles ils ont droit. La cession du fonds de commerce exploité sous forme d'une SARL est moins onéreuse puisque la cession des droits sociaux est soumise au taux de 4,80% à la condition d'avoir conservé ses parts pendant cinq ans.
* La protection sociale
du gérant
Le gérant minoritaire (- 50% des parts sociales) qui perçoit une rémunération est assimilé à un salarié. Si vous ne possédez pas plus de la moitié des parts sociales de la société, vous bénéficierez du régime général de la Sécurité sociale. Vos cotisations seront calculées sur votre salaire brut. De plus, vous pourrez cumuler votre mandat social avec un contrat de travail à la condition d'occuper une fonction technique et d'effectuer un emploi effectif dans un état de subordination. Vous pourrez être également affilié aux ASSEDIC et percevoir des indemnités si la société a cotisé au régime des allocations chômage.
Le gérant majoritaire, même non rémunéré, est assujetti à un travailleur indépendant et est affilié au régime de Sécurité sociale des travailleurs non salariés. Si vous optez pour ce statut, vous bénéficierez de prestations moins avantageuses (pas de couverture chômage, retraite plus faible), mais vos cotisations seront un peu plus faibles que celles des salariés. Au surplus, la SARL pourra adhérer à des régimes facultatifs d'assurances afin de faire bénéficier le gérant majoritaire de prestations complémentaires.
Au vu de l'ensemble de ces éléments et en dépit des améliorations de la loi Madelin, il serait souhaitable d'exploiter un fonds de commerce sous la forme d'une SARL à la condition d'opter pour le statut de gérant minoritaire et d'être éventuellement salarié de la SARL.
Manon Abitan
L'HÔTELLERIE n° 2500 Hebdo 5 mars 1997