Ainsi le maire, Michel Destot aura-t-il tenu parole lorsqu'il affirmait, au sujet de cette institution «qu'il parviendrait à réaliser ce que ses prédécesseurs n'avaient pas pu faire» (NDLR : les maires Henri Dubedout et Alain Carignon, lesquels ont toujours eu de grandes ambitions pour leur ville).
Depuis une décennie, en effet, la situation est bloquée. Le Conseil d'administration de cette association loi 1901 est, de cooptations en modifications de statuts, verrouillé. Depuis quinze ans, la présidente Danièle Chavant, soeur du maître cuisinier Jean-Pierre Chavant, et Henri Ducret, toujours président départemental des hôteliers même s'il a abandonné la présidence de la Chambre syndicale CHR de l'Isère (FNIH), règnent en maîtres sur cet office qui perçoit 2,4 millions de la ville sans que cette dernière ait voix au chapitre.
Les manoeuvres se sont donc succédé au rez-de-chaussée de la Maison du tourisme qui, elle, est bien gérée par diverses associations départementales soutenues par le Conseil général de l'Isère. Construite en plein centre, certes, mais dans une sorte de nasse inaccessible aux touristes étrangers à Grenoble, elle abrite un des plus vieux syndicats d'initiative de France, plus que centenaire, ainsi qu'un bureau de poste et des guichets de la SNCF.
En plus des affaires politico-financières qui continuent d'altérer l'image d'une agglomération de 447.000 âmes et d'un département d'un million d'habitants, l'OT de Grenoble a lui aussi contribué à cette détérioration par une série d'incidents : trois grèves en période de vacances scolaires, une mission de médiateur qui tourne court, des audits financiers dont les résultats n'ont pas été rendus publics, le départ d'une directrice réclamant un million pour renvoi abusif, son remplacement par une directrice imposée par la mairie, mais que le Conseil d'administration renvoie à ses chères études après trois mois d'essai, un personnel pratiquement entièrement renouvelé en quelques années, etc.
Alain Pilaud, l'élu délégué à la décentralisation, aux animations et aux manifestations commerciales, également «Monsieur Montagne» à la Maison du tourisme, n'entend pas pour autant «casser la baraque». Pour lui, l'EPIC, dont la comptabilité sera vérifiée par le trésorier-payeur général du département, «aura un compte d'exploitation plus rigoureux et plus transparent, identifiant bien ce qui relève soit du service public soit du paracommercialisme».
Le Conseil d'administration comprendra trois collèges de cinq membres : le premier représentant les élus de la ville ; le deuxième les corps constitués comme la CCI et diverses associations et le troisième les professionnels de l'accueil et du tourisme.
Il n'y aura plus d'exclusivité pour l'organisation des grandes manifestations et des congrès : l'EPIC traitera avec tous les prestataires en ce domaine, lesquels seront normalement commissionnés.
La convention passée entre la ville et la CCI, notamment pour l'utilisation des salles du World Trade Center et du grand auditorium de l'Ecole supérieure de commerce, ne sera pas modifiée, de même que la concession dévolue par la CCI au groupe Atria qui a permis une remontée spectaculaire des congrès de 100 à 500 personnes, c'est-à-dire pratiquement toutes les manifestations correspondant à la vocation universitaire et industrielle aux laboratoires et aux centres de recherche ainsi qu'au profil «high tech» de l'agglomération grenobloise. Les nombreux colloques, entre autres, organisés par les universités de Grenoble en s'appuyant sur la couronne des hôtels économiques (de chaîne) de la périphérie comme sur le syndicat des hôteliers indépendants du centre-ville ne seront plus les «laissés pour compte» d'un système jugé aujourd'hui fermé et dépassé. Comparée à bien d'autres villes maintenant suréquipées, Grenoble ne peut plus prétendre à des congrès de prestige réunissant des milliers de personnes, ni à une véritable vocation touristique.
Alain Pilaud estime que le budget de l'EPIC devrait rapidement atteindre 5 millions : mais de nombreux obstacles, propres à Grenoble, se dressent sur ces perspectives.
Le premier, qui est de taille, est celui de la nature même de l'agglomération. Autoproclamé «office de tourisme du Grand Grenoble» par Danièle Chavant, l'institution ne touche en fait aucun centime de la «Communauté de communes» mise en place il y a trois ans. Grenoble est un cas unique en France, puisque la deuxième et la troisième ville du département, Echirolles et Saint-Martin-d'Hères sont intimement liées au chef-lieu qu'elles jouxtent. Toutes deux administrées par des maires communistes, elles n'accepteront jamais de se dissoudre dans une entité plus vaste, du type «district urbain» ou «communauté urbaine».
Autre problème : celui du Palais des congrès, excentré, obsolète, situé dans un quartier peu avenant et qui attend toujours d'être réhabilité. Depuis sa construction il y a un quart de siècle, beaucoup de villes françaises ont construit des Palais des congrès plus performants, mais au coeur de la cité, condition sine qua non pour l'organisation de congrès d'une certaine envergure : Nantes, Lyon, Tours, etc. Le meilleur exemple est fourni par Montpellier qui s'est doté d'un opéra de deux mille places, parfaitement réussi sur tous les plans, mais utilisable, à cinq minutes de «la place de l'oeuf» comme Palais des congrès : l'opéra Berlioz et le Corum. L'inverse n'a jamais marché.
Enfin, Grenoble intra-muros, coincée par l'histoire comme par le cadastre, ne dispose plus de terrains constructibles : l'expansion n'est possible qu'à la périphérie.
En 1938, lorsque l'agglomération n'atteignait même pas 100.000 habitants (Echirolles et Saint-Martin-d'Hères étaient des villages encore agricoles), deux palaces distingués par le guide Michelin étaient situés dans le centre historique de Grenoble : le «Majestic» dans les anciens bâtiments nobles des hôpitaux, somptueusement aménagé pour l'exposition internationale de la Houille Blanche en 1923 (250 chambres) et «Les Trois Dauphins» (200 chambres).
L'un et l'autre ont disparu, remplacés par de juteuses opérations financières : ils auraient constitué les pièces maîtresses du «Club grenoblois des hôteliers de Congrès» lancé à grand tapage il y a trois ans, mais toujours virtuel. A cinq minutes, à pied, de l'ancien opéra à l'italienne de 1.200 places, malheureusement détruit en 1950, à côté du château de Lesdiguières et de l'ancien Parlement du Dauphiné : un Palais des congrès quasi idéal, au coeur de la ville.
C. Bannières
L'HÔTELLERIE n° 2510 Hebdo 15 mai 1997