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Avec une charte «terrasse qualité»

Etablir quelques règles afin de réussir l'intégration des terrasses dans la rue : c'est en quelques mots l'esprit de la charte «terrasse qualité», proposée par la ville de Lyon aux cafetiers et restaurateurs. Cosignée par l'adjoint délégué au Cadre de Vie, le maire d'arrondissement et le responsable de l'établissement, elle implique des engagements communs.

La charte «terrasse qualité» est beaucoup plus que ce simple autocollant délivré par la ville de Lyon et apposé sur la vitrine des établissements signataires. En cinq articles clairs et précis, droits et devoirs de chacun sont exposés. Du commerçant bien sûr, qui s'engage à respecter les limites autorisées, à ne pas entraver l'accès aux immeubles, à respecter les horaires de fonctionnement et à maîtriser le bruit. De la ville aussi, qui promet de mobiliser ses moyens pour permettre d'atteindre l'objectif qualité fixé.

«Il est tout à fait normal que la ville fasse un pas en direction des commerçants, mais en contrepartie, ceux-ci doivent être respectueux de l'espace public», explique Alain Moyat, adjoint délégué au Cadre de Vie.

Avec le nombre important de demandes d'autorisation de terrasses à traiter (plus d'un millier en 1997), il devenait impératif d'édicter quelques règles précises. Et si la législation, par le biais de l'article L 2212/2 du Code des collectivités territoriales, permet la saisie du matériel d'éventuels contrevenants par les mairies, celles-ci préfèrent un bon accord à cet arsenal répressif...

Des autorisations pour 3 ans...

«Depuis un an, nous travaillons en parfaite concertation et même s'il reste des efforts à faire, tout commence à se mettre en place», dit encore Alain Moyat. C'est dans cet esprit qu'a été défini en collaboration avec un cabinet d'architectes, un concept de terrasse «à la lyonnaise» permettant une utilisation annuelle. «Un modèle en glaces transparentes, léger et facilement démontable. Sans obligation d'aucune sorte pour le commerçant qui peut s'en inspirer, nous préconisons son utilisation. Et de même, nous prônons l'emploi de bâches vertes ou de couleurs écrues pour arriver à une certaine harmonisation.»

Avec la précocité des beaux jours, l'ouverture des terrasses à Lyon a été avancée du 1er avril au 21 mars. Si aujourd'hui les terrasses fermées ne sont plus d'actualité, les utilisateurs qui ont «joué le jeu» bénéficient d'une autorisation d'ouverture pour trois ans et dans certains cas et en fonction de l'investissement, d'une exonération partielle ou totale de la redevance... «Mon établissement étant situé dans une rue semi-piétonne, je souhaitais obtenir le droit d'ouverture à l'année», explique Robert Chasson, propriétaire de La Manille où il emploie 7 salariés depuis 1989.

«J'ai déposé ma demande à l'automne 95 et l'ai renouvelée l'année suivante, pour obtenir une autorisation en janvier 97. Les travaux ont duré deux semaines et la terrasse m'a permis d'ajouter 16 places à ma capacité habituelle de 60 places. L'installation est démontée pour l'été et sera remontée en octobre, en deux jours de travaux. C'est un bon «plus» qui plaît à la clientèle et j'espère que l'investissement (150.000 francs au total) sera rentabilisé en 3 ou 4 ans

A Lyon, une dizaine de demandes ont été faites dans le même esprit. C'est encore peu en regard des 1.041 autres autorisations accordées, dont 29 pour la rue Mercière, 19 pour la rue des Marronniers et 86 pour le Vieux Lyon qui restent les secteurs les plus demandeurs...

«C'est là aussi que se posent en général les problèmes. En 1996, 31 des 35 infractions relevées dans la saison se situaient dans le Vieux Lyon. Nous pouvions infliger des amendes de 900 à 100.000 francs, nous nous sommes limités à 4.000 francs et nous avons toujours été suivis par le procureur», explique encore Alain Moyat.

Il se refuse pourtant à n'être que répressif. «Il est évident que les terrasses sont indispensables et que leur impact économique est important, leur ouverture permettant parfois des créations d'em-
plois. Mais il faut aussi éviter un envahissement de l'espace public et respecter la liberté des riverains. C'est le but de notre charte.
»

Baisse de certains tarifs ?

Si la Courly s'est longtemps chargée de la gestion des terrasses pour le compte de la ville de Lyon, celle-ci assume ce rôle depuis 1993 avec sa division «Cadre de Vie».

«Nous souhaitons une meilleure gestion, tant de la superficie (sur les trottoirs d'une largeur inférieure à 2 m, un passage minimum de 1,40 m doit rester libre pour les piétons ; au-delà, l'emprise autorisée est égale au tiers de la largeur du trottoir) que de l'esthétique des terrasses. Depuis 1989, pour réguler le développement des terrasses (1), la ville de Lyon mène une politique de redevances élevées. La hausse des droits de voirie est de l'ordre de 10% sur les trois dernières années et le prix d'un chevalet est passé, par exemple, de 40 à 1.000 francs. Il faut savoir que le coût de la gestion (surveillance nocturne estivale par des agents du service) est élevé. En 1997, il sera de 66.700 francs pour le Cadre de Vie et de 9.000 francs pour la police municipale.»

Visiblement, cette augmentation ne semble pas entraîner la grogne des commerçants qui, en 1996, ont apporté 4,9 millions de francs de droits de terrasses dans les caisses de la mairie !

«La ville de Lyon tire le meilleur parti de l'exploitation du domaine public», dit même une étude de la division Cadre de Vie en soulignant que si depuis 1994 le produit des droits de voirie a augmenté de 15%, le nombre d'autorisations de terrasses s'est accru dans le même temps de 20% !

Ces chiffres ne devraient pas inciter une «politique de diminution des droits de voirie» qui conduirait à «la baisse des recettes du domaine public». Par contre, il est précisé à l'attention de Christian Philip, premier adjoint de Raymond Barre et destinataire de l'étude, que «pour répondre éventuellement au souhait des commerçants, il pourrait être développé une tarification mieux adaptée à l'activité des petits établissements. Le système de tarification actuel semble plus pénalisant pour les petites structures que pour les grands établissements». Certains vont en prendre bonne note en attendant la concrétisation dans les faits...

J.-F. Mesplède

(1) Après la piétonnisation du Vieux Lyon en 1978, les travaux rue Mercière en 1989 ont permis l'implantation de 30 terrasses. Ceux de la rue des Marronniers de 19 terrasses en 1990.


Pour Le Sud, une structure légère et le charme d'une terrasse douze mois sur douze.

Tarif des terrasses à Lyon
Annuel/m2 Classe exceptionnelle Classe 1 Classe 2
Terrasse simple sur trottoir 451 411 246
Terrasse simple sur voie piétonne 619 567 280
Terrasse aménagée sur trottoir 565 513 311
Terrasse aménagée sur voie piétonne 773 705 698
Terrasse concédée sur trottoir 645 630 378
Terrasse concédée sur voie piétonne 812 727 414








Robert Chasson (La Manille) espère une rentabilité de son investissement sur 3 ou 4 ans.


A Valréas dans le Vaucluse

Les terrasses sont gratuites

Rares sont les municipalités à pouvoir en dire autant. Il n'y a pas de droits de terrasses à Valréas. Mieux encore, les jours de carnaval par exemple, la municipalité limite les tribunes payantes afin de favoriser l'activité commerciale en terrasses. Si tous les maires de France...

Valréas, classée station verte et cernée de vignes, reste cependant très liée au monde de l'industrie avec quelque 1.800 emplois directement dans le secteur. C'est beaucoup pour une ville de 9.500 habitants. Celle qui fut pendant plus d'un siècle la capitale française du cartonnage conserve sans doute le titre de commune la plus industrialisée du Vaucluse. Le cartonnage de luxe, la métallurgie et l'équipement automobile sont les trois principaux créneaux d'activité. Cette vie «ouvrière» a longtemps favorisé le développement des bistrots, mais comme partout, sur les 18 établissements encore debout, deux sont quand même en réelle difficulté. A l'image de l'industrie et d'une économie fragilisée : quelques morceaux de carton portant l'inscription «usine en grève» sont accrochés dans les rues de Valréas. L'usine de carton vient en effet de perdre son plus gros client.

Ce tableau économique, d'autres communes le connaissent. Ce n'est donc pas, et de loin, ce qui caractérise Valréas. Nous sommes dans la partie méridionale du vignoble des côtes du Rhône et géographiquement aux portes de la Provence. L'office de tourisme, présidé par Georges Chaulet, a entrepris depuis plusieurs années un travail de fond pour mettre en avant les richesses culturelles longtemps éclipsées par le phénomène industriel. La vieille ville, en fin de rénovation, est ravissante et le touriste averti s'arrête désormais volontiers pour apprécier les sculptures de l'église romano-gothique, la tour de l'horloge ou la chapelle des Pénitents blancs. Il fait bon flâner dans Valréas et les bistrots, toutes terrasses dehors, apportent avec eux une animation bienvenue à l'heure du Pastis et de l'anisette. Sans parler des soirs de matchs de rugby ou de compétitions de moto-ball (Valréas se défend tout particulièrement dans ces deux sports).

Les terrasses sont ici extrêmement importantes. Elles encouragent le tourisme et préservent un certain art de vivre, un état d'esprit parmi les gens du cru. L'oeil du professionnel va remarquer en outre que la majorité des établissements possède des terrasses et qu'il n'y a pas seulement deux tables qui se battent en duel, mais de vraies grandes terrasses, voire des contre-terrasses.

Une volonté d'animation de la part de la municipalité ? Mieux que ça. A Valréas, les terrasses sont gratuites.

Corso fleuri

Quand Thierry Mariani, député-maire, a démarré son premier mandat municipal (il en est à son deuxième), les services préfectoraux se sont empressés de lui rappeler qu'il n'y avait pas de droits de terrasses et qu'il avait tout loisir pour en instaurer. Mais le jeune maire, originaire de Valréas, s'est bien gardé de céder à la tentation. «Vous savez, on ne peut pas vouloir développer le tourisme et en profiter pour matraquer le commerce. Ce ne serait pas sain, ni viable.» Pour Thierry Mariani, le partenariat avec les cafés est une nécessité qui prend toute sa dimension les jours de fêtes. Pour le traditionnel Corso fleuri, la municipalité limite volontairement les tribunes payantes au profit des bistrots. Le trajet emprunté par les chars prend même en considération l'implantation des terrasses. «Ça fait vivre le commerce et c'est bon pour la commune.» Réflexion que l'on aimerait bien retrouver plus souvent dans d'autres municipalités*.

Le soir du 14 juillet, certains établissements vont jusqu'à quintupler l'étendue de leur terrasse. «C'est un échange de bons procédés entre les bars et le Comité des fêtes, ajoute Thierry Mariani. Les cafés participent au succès de la manifestation. En revanche, on leur demande de savoir gérer leur terrasse. Ne croyez surtout pas qu'on laisse faire les développements anarchiques qui seraient tout aussi néfastes au commerce. Tous les emplacements ne peuvent bénéficier d'un même nombre de tables. Tout dépend de la disposition des lieux.» Quels que soient l'emplacement ou la manifestation, un passage suffisant doit être respecté pour les piétons et les poussettes. Ça fait partie des règles du jeu.

S. Soubes

* Dans le Vaucluse, tous les bistrots ne sont pas logés à la même enseigne. Dernier exemple en date à Orange, où la municipalité vient d'augmenter considérablement les droits de terrasses.


Gérard Meyer (à gauche) lève son verre de bière en fervent défenseur de l'équipe de rugby de Valréas. L'homme est aussi le président des cafetiers (FNIH) du Vaucluse. Il bénéficie d'une contre- terrasse sur la place sur laquelle donne son bar, Le Central. En été, celui-ci a imaginé des lâchers de cigales sous les yeux des touristes attablés. La petite place devient un lieu d'animation
populaire et joyeux et «tout le monde en profite», lance-t-il à juste titre.

Vie locale

Quand Thierry Mariani parle des bistrots, il évoque le rôle social des établissements et le maintien de la population locale sur place. C'est aussi une des raisons pour laquelle il ne souhaite pas appliquer de taxes sur les terrasses des cafés. «Les cafés sont nécessaires et participent à l'animation d'une ville», invoque-t-il. Et il l'a prouvé dernièrement dans un litige opposant la patronne d'un café à la gendarmerie. Un mois de fermeture administrative avait été réclamé par la maréchaussée dans une affaire banale : quelqu'un avait été pris en état d'ivresse et avait expliqué qu'il sortait de cet établissement, c'est là qu'il avait bu son dernier verre. «Autant, je trouve normal qu'on pénalise un établissement qui favorise le travail au noir, autant le témoignage du dernier verre me paraît injuste. L'ivresse n'est pas systématiquement visible et les meilleurs professionnels peuvent être piégés. D'autre part, le principe est trop facile, il est porte ouverte aux abus de toutes sortes. C'est la parole d'un ivrogne contre celle d'un commerçant. Là, une réforme du Code des débits de boissons s'impose.»

La condamnation a pu être ramenée à 15 jours. Encore beaucoup trop au regard du délit commis (si délit il y a !). La patronne de l'établissement qui s'est installée à Valréas il y a moins d'un an (avec dix ans d'expérience professionnelle derrière elle) trouve la pilule difficile à digérer et se demande si elle va rester, malgré le soutien du maire.

Un maire qui, autre motif de satisfaction pour les bistrots de Valréas, a réussi à obtenir une «attitude réaliste de la part de la gendarmerie» aux heures de fermeture des établissements. Depuis trois à quatre ans, les cafetiers peuvent terminer le ménage après l'heure légale de fermeture. Sans abuser, là encore, du principe, ils bénéficient ainsi d'une souplesse de travail appréciable et appréciée.

Sy.S.


Thierry Mariani, rendons-lui cet hommage, fait partie de ces trop rares maires qui prennent vraiment en considération l'activité de leurs commerçants.



L'HÔTELLERIE n° 2511 Hebdo 22 mai 1997

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