Samedi 7 juin : dernier jour d'activité de la pizzeria Fidelio, à Clermont-Ferrand. La liquidation de l'établissement a été prononcée la veille par le tribunal administratif. La pression du fisc a été la plus forte. Comment travailler dans de bonnes conditions avec une "ardoise" virtuelle de 9 millions de F ? Car tel est le montant du redressement que l'administration fiscale réclame à Roger Boulet et Jean-Claude Simonet, les deux associés de l'entreprise, pour fraude. La somme avait même été fixée à 12 millions de F en correctionnelle. La Cour d'appel de Riom l'avait réduite, le 2 mai dernier, mais seulement pour des raisons "techniques", à cause des délais de prescriptions.
Le redressement judiciaire a été prononcé à la mi-mai. Le déficit de l'exercice 1996 était de l'ordre de 120.000 F, et le total des dettes de 250.000 F. C'est peu comparé aux 3,6 millions de F du chiffre d'affaires annuel. Mais l'administrateur judiciaire a noté que: «l'importance du passif privilégié attaché au redressement fiscal (...) compromet de façon irrémédiable les possibilités pour l'entreprise de déposer un projet de plan de redressement par voie de continuation».
En clair, «c'est le redressement fiscal qui provoque la liquidation du Fidelio», souligne Maître Guillaume Sahuc, avocat des patrons de la pizzeria. Car Roger Boulet ne cesse de clamer son « innocence» et sa bonne foi depuis le début des procédures, depuis sept longues années. Il a passé des nuits blanches à compter et recompter sans jamais pouvoir comprendre où et comment l'administration des impôts pouvait trouver une somme aussi colossale (1). «J'ai l'impression de perdre un enfant», soupire-t-il, « mais c'était impossible de continuer à travailler dans de telles conditionss».
En arrêt longue maladie depuis décembre dernier, Roger Boulet ne peut plus assumer l'exploitation du fonds de commerce. Son gendre et associé, Jean-Claude Simonet, est dans l'impossibilité d'assurer seul la direction de l'établissement principal et de l'annexe, le Fidelio 2, qui dispose d'une terrasse et n'ouvre qu'en été. Ce qui ne peut qu'entraîner une baisse du chiffre d'affaires et rend la poursuite de l'affaire non réalisable.
Aujourd'hui, bien que gravement malade, Roger Boulet ne baisse pas les bras. Il poursuit ses actions sur le plan pénal, avec un pourvoi en cassation déposé après l'arrêt de la Cour d'appel de Riom et sur le plan administratif. «Avec mon gendre et ma fille, nous nous battrons jusqu'au boutt» , confirme-t-il.
Pierre Boyer
Les services fiscaux ont estimé que des recettes de l'ordre de 5 millions de F, pour la période de 1986 à 1990, avaient été dissimulées, notamment à partir des plats du jour qui ne représentent que 3% du CA de l'entreprise. Ce qui donne pour le fisc 2,8 millions de F de TVA et d'impôts sur les sociétés non réglés et surtout 6,2 millions de pénalités.
L'HÔTELLERIE n° 2518 Hebdo 10 juillet 1997