Après une période difficile, voire très difficile, pour un grand nombre d'entreprises, la France redresse la tête et de très nombreux indicateurs laissent espérer une année 1998 favorable. Les entreprises sont mieux gérées, plus agressives sur le plan commercial, plus réalistes quant à leur offre et à leurs tarifs ; une situation dont nous rêvions voici encore quelques mois. Et pourtant, l'inquiétude persiste tant chez les chefs d'entreprises que chez les salariés. L'emploi est au coeur du débat, au coeur de leur angoisse.
Alors que les chômeurs occupent les ASSEDIC, descendent dans la rue pour demander du travail, les politiques répondent «fonds sociaux» et cherchent, au sein du budget, à dégager moins de 300 F par chômeur pour aider les cas les plus critiques. Parce que les chômeurs insistent sur le fait que c'est du travail qu'ils demandent, les politiques ressortent de leur pochette surprise les 35 heures et, de s'étonner de ne pas être applaudis. Comment ne pas frémir quand Michel Rocard qualifie de «nantis» ceux qui ont un emploi, comment considérer crédible un discours qui affirme qu'une baisse du temps de travail, sans baisse de salaire, peut se faire sans altérer la compétitivité des entreprises ?
Pendant ce temps, certains chefs d'entreprises font leurs comptes. Leurs affaires marchent bien et dans les deux ans qui viennent, parce qu'ils devront produire plus, ils devront recruter. Malheureusement, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Aujourd'hui, une heure d'ouvrière spécialisée leur revient à 120 F, demain par le jeu des 35 heures payées 39, le coût sera de 132 F. A une heure de vol de France, les coûts sont dix fois moins élevés... Un peu plus loin, cent fois moins... Pire, quand ces chefs d'entreprises vont plus loin dans l'analyse des autres charges, ils observent qu'en réalisant un CA du double du leur, avec des produits importés, ils ne paieraient que le quart de la taxe professionnelle qui leur est demandée aujourd'hui. Autant dire que tous ceux qui pourront délocaliser le feront et que le chômage ne reculera pas du fait de la loi sur les 35 heures. Quand les politiques auront compris que le travail est trop précieux pour être taxé, on aura fait un pas en avant mais pour cela, il faudrait peut-être que nos élus, ces analystes confirmés, bêtes de politique et de tribune, aient eu, pendant quelques années, à gérer une entreprise, une PME de préférence, dont ils auraient été personnellement responsables avant d'arriver en politique...
P.A.F.
L'HÔTELLERIE n° 2544 Hebdo 15 janvier 1998