Actualités

Actualité

Corse

L'opération mains propres touche aussi l'hôtellerie

L'établissement de l'Etat de droit en Corse est engagé. L'île se trouve dans une «tourmente» surmédiatisée qui ne devrait pas perturber une saison touristique 98 qui s'annonce exceptionnelle. pourtant, contrôles de légalité, destruction de constructions illégales et enquêtes financières sur les comptes de la Caisse régionale du Crédit Agricole et de la caisse de Développement de la Corse se multiplient.

Sur les deux dernières opérations, les enquêteurs s'attachent à déterminer les conditions d'octroi et d'utilisation d'un certain nombre de crédits. A la caisse du Crédit agricole, des comptes d'agriculteurs sont particulièrement étudiés, à la caisse de développement de la Corse, il s'agit des dossiers hôtellerie qui sont visés.

La CADEC est en effet dans une situation plus que délicate, attendant désespérément une seconde recapitalisation (140 millions de francs) pour éviter la liquidation judiciaire. La précédente assemblée de Corse avait refusé de payer. La Société de développement régional, qui a pour principaux actionnaires l'Etat et la Région, a cessé toute activité prêteuse depuis fin 94, depuis l'arrivée à la présidence de Noël Pantalacci. La CADEC gère donc un encours total de 912 MF dont 216 MF relèvent de créances contentieuses, 401 de créances douteuses (ayant fait l'objet d'au moins deux impayés sur une année) et 295 de créances saines. Sur les 216 MF de contentieux, les deux tiers sont concentrés dans l'hôtellerie : «lorsque le crédit hôtelier a quitté la Corse au début des années 90, la CADEC a pris le relais, explique Noël Pantalacci. Elle a été créée en 1982 pour prendre les risques que le réseau bancaire traditionnel se refusait à prendre. La Caisse a donc financé des opérations dans divers secteurs comme le bois, l'aquaculture ou la pierre qui se sont avérés catastrophiques. Nous avons dû provisionner pour plus de 80 MF. Dans le secteur du tourisme, notre engagement s'élève à plus de 300 MF. Il est vrai que nous avons subi beaucoup d'impayés, mais la situation de la CADEC est due à la situation économique de la Corse».

"Nous sommes d'accord pour que l'on fasse le ménage"

Selon le président de la Caisse, les impayés observés ne relèvent pas pour la plupart de la mauvaise volonté des emprunteurs ou de pratiques de bandits, mais plutôt d'une conjoncture économique catastrophique jusqu'à l'année dernière : «Un dossier a été jeté à la vindicte populaire dans la presse nationale, il s'agit du groupe touristique de Santa Giulia, situé sur la côte Est de l'île, près de Porto Vecchio. Ce groupe est composé de deux hôtels et deux sociétés touristiques regroupant près de 2.000 lits et 140 emplois. Le nom de l'un des quatre associés a été cité : Jean-Charles Colonna D'Istria, membre de la Coordination des industries touristiques. Ce groupe a été construit en 1989, en plein cœur du développement touristique de la Corse. Il s'agit d'un crédit bail de 15 ans : la filiale de la CADEC, la Corsa Bail est donc officiellement propriétaire des locaux et des terrains jusqu'en 2004. Pendant trois ans, les gérants ont normalement payé leur loyer (pour un total de 50 MF), jusqu'à ce que la crise de 1993 ne le leur permette plus. Depuis, nous négocions des protocoles d'accord d'aménagement de la dette. Les gérants ne sont pas des mauvais payeurs, ils reprennent d'ailleurs le remboursement de leurs échéances».

«Nous sommes d'accord pour que l'on fasse le ménage, renchérit Roland Dominici de la Coordination des industries touristiques, mais il faut le faire de manière sereine. Il ne faut pas subitement changer les règles du jeu pour taper sur les entreprises qui ont traversé une grave crise due à l'absence de l'Etat de droit dans l'île. La surmédiatisation de l'action «normale» de l'état dans l'île risque à terme de redétruire l'image de la Corse au moment où elle a le plus besoin du redémarrage qui s'annonce. Nous n'avons jamais demandé d'effacement de nos dettes, nous n'avons toujours réclamé que du temps pour y faire face. Les enquêtes en cours ne pourront que constater que l'argent emprunté pour construire ou rénover des établissements a été utilisé à bon escient : nos hôtels sont là, même s'ils sont restés quasiment vides ces dernières années».

Malgré tout, même si les dirigeants de la CADEC affirment aujourd'hui que 80% de leurs clients payent, les impayés sont observés sur les dossiers les plus lourds. Les conclusions des enquêteurs de la brigade financière risquent malgré tout de mettre à jour certaines irrégularités...

L. Peretti


L'HÔTELLERIE n° 2558 Hebdo 23 Avril 1998

L'Application du journal L'Hôtellerie Restauration
Articles les plus lus...
 1.
 2.
 3.
 4.
 5.
Le journal L'Hôtellerie Restauration

Le magazine L'Hôtellerie Restauration