Très souvent, les hôtels-restaurants en zone rurale ne trouvent pas de repreneurs. Trois sur quatre sont appelés à disparaître d'ici une vingtaine d'années selon un rapport de l'ENA sur le tourisme. Investissements, mise aux normes, prévisionnel de chiffres d'affaires, absence d'image de l'établissement, etc., ces éléments refroidissent les plus optimistes. Pourtant, en face de cet état de fait, la demande existe. Le succès des chambres d'hôtes et autres gîtes d'étape montrent qu'une clientèle recherche la campagne, le calme, le terroir et une certaine ambiance, un goût d'autrefois. Fort de ces constatations, la Chambre régionale de commerce et d'industrie de l'Auvergne (CRCI) a lancé le concept Auberge de pays d'Auvergne. Comme son nom l'indique, l'idée repose sur deux notions : celle d'auberge et celle de pays ; et sur trois caractéristiques : un bâtiment de caractère, un site intéressant et un aubergiste de qualité.
Auberge de la Forge : le bâtiment doit être typique de la région.
Les premiers candidats au label ont été auditionnés, auscultés mais surtout épaulés, conseillés. De plus, une véritable concertation a regroupé les acteurs intervenant dans ce domaine : Union des Chambres du Commerce et d'Industrie du Massif- Central, CCI d'Ambert, délégation régionale au Tourisme, direction régionale de l'Agriculture et des Forêts, Conseil régional, etc. Ce dernier a donné un coup de pouce décisif au projet en apportant des subventions. Les auberges de pays touchent les mêmes aides que les hôtels deux étoiles, soit 20% des investissements. Cumulées avec d'autres sources, comme les bonifications de prêts, les subventions peuvent atteindre le plafond des 33% de la facture.
«Nous quittons la notion de deux étoiles. Nous nous détachons des normes du ministère du Tourisme, souligne Michel Boulais, chargé de mission tourisme et développement local à la CRCI Auvergne. L'hôtellerie rurale doit franchir un pas pour suivre l'évolution de la clientèle.»
Mais devenir Auberge de pays n'est pas de tout repos. Il faut tout d'abord contacter sa Chambre de commerce et d'industrie où les attachés tourisme et hôtellerie ont reçu une formation spécifique. Il faut se situer proche d'un bourg ou dans un petit village, c'est-à-dire moins de 5.000 habitants ; que la zone rurale possède une identité propre, une caractéristique ; les nuisances à proximité sont à bannir et le bâtiment lui-même doit être typé. «En résumé, c'est un endroit où il fait bon vivre. Les critères ne présentent donc pas d'impératifs absolus. Les demandes sont étudiées au cas par cas», explique le chargé de mission.
Si une candidature est retenue, très rapidement, deux démarches sont lancées : une sur le plan architecture et l'autre sur le plan marketing. Il s'agit de définir si besoin, en passant obligatoirement par un architecte, comment transformer le bâtiment et d'en évaluer le coût. Des aides de la région sont accessibles à ce niveau. En parallèle, une étude de marché sonde la faisabilité pour donner toutes les chances de réussite au projet.
Le (ou la) futur(e) aubergiste doit aussi présenter certaines qualités. La convivialité prime pour l'accueil des clients. Il doit pouvoir donner l'envie de découvrir, de connaître les environs. Sur le plan culinaire, le service à l'assiette est proscrit. Les plats, du terroir bien entendu, passent de la cuisine à la table, celle-ci de préférence en bois avec un joli nappage en tissu, où les convives, assis sur des bancs, se servent eux-mêmes. C'est le retour à l'ambiance de la campagne de nos grands-parents. «Pour le petit déjeuner, par exemple, motte de beurre et confitures maison sur la table, en toute simplicité et à volonté», sourit avec une pointe de gourmandise Michel Boulais. «Et la simplicité n'exclut pas la créativité», ajoute-t-il. Formations et rencontres entre les aubergistes de pays doivent permettre à chacun de progresser.
Les prix devraient se situer de 55 F pour le plat du jour à 120 F, avec un menu régional à 90 F. «Comme la famille est la clientèle privilégiée des Auberges de pays, les enfants trouveront toujours à se régaler, en dehors des steak/frites ou purée/jambon.» Une partie hôtellerie vient s'ajouter au restaurant, avec de trois à dix chambres maximum. Le parc ou le jardin est indispensable. La cotisation annuelle, non encore déterminée, pourrait atteindre 5.000 F et l'aubergiste s'engage à maintenir le label pendant dix ans, avec des audits de contrôle régulier.
L'Auberge de pays n'est pas réservée aux professionnels, mais concerne les personnes ambitieuses et motivées. Ce qui fait grincer des dents certains. D'ailleurs, les deux premiers aubergistes labellisés sont issus d'une autre activité et viennent tous les deux de la région parisienne. Quant aux municipalités qui souhaitent relancer une activité café-restaurant-hôtel sur leur commune, elles ne peuvent obtenir directement le label. Celui-ci est toujours décerné nominativement au propriétaire ou au gérant. Maintenant, il faut renforcer le tissu des auberges. «Une douzaine va voir le jour en Auvergne d'ici la fin de l'année, souligne Michel Boulais, avec une majorité de candidats issus de la profession.» A la fin du trimestre, une association regroupera les Auberges de pays d'Auvergne, plus des membres de droit (Conseil régional et CRCI). Elle sera chargée de l'attribution des labels, de la mise en place des plans de communication et de commercialisation, etc.
«Pour atteindre véritablement notre but, nous devons maintenant nous «exporter», que l'Auberge de pays devienne une enseigne nationale», précise Michel Boulais. Des contacts ont déjà été pris avec les CCI de la Loire (voir encadré) et d'autres régions.
P. Boyer
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Label à exporterDes membres des CCI de la Loire, de l'Auvergne et du CDT de la Loire se sont
rencontrés fin janvier pour aborder la question de la survie des petits établissements
hôteliers en zone rurale. Le rendez-vous avait été fixé à mi-chemin, au Relais du
Vermont, à 15 km d'Ambert (Puy-de-Dôme). Ce choix n'était pas fortuit, puisqu'il s'agit
de la première Auberge de pays d'Auvergne, un label initié par la CRCI Auvergne et le
Conseil régional. Un réseau à naîtreMais surtout, la discussion s'est centrée sur la notion de réseau que la CRCI et
le Conseil régional souhaite vivement étendre hors de l'Auvergne. «Nous devons
reprendre les points forts des chaînes hôtelières, mais sans la normalisation du cadre,
de l'ambiance», a souligné la représentante du Conseil régional.
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L'HÔTELLERIE n° 2562 Hebdo 21 Mai 1998