L'article 1er de la loi Doubin du 31 décembre 1989 prévoit que : toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.
La loi précise également que ce document ainsi que le projet de contrat doivent être communiqués vingt jours au minimum avant la signature dudit contrat.
Le décret d'application du 4 avril 1991 énumère les informations qui doivent être
contenues dans ce document.
* Informations sur le franchiseur (notamment adresse du siège de l'entreprise, nature de
ses activités avec indication de la forme juridique, identité du chef d'entreprise,
informations sur la marque, domiciliation bancaire, date de création de l'entreprise avec
un rappel des principales étapes de son évolution, expérience professionnelle du
franchiseur) ;
* Présentation de l'état général et local du marché et ses perspectives de
développement ;
* Informations sur le réseau (présentation du réseau d'exploitants en précisant
notamment le nombre d'entreprises qui ont cessé de faire partie du réseau au cours de
l'année précédant celle de la délivrance du document) ;
* Informations sur le contrat (durée, conditions de renouvellement, de résiliation, de
cession, champ des exclusivités) ;
* Nature et montant des dépenses et investissements spécifiques.
En imposant la remise d'informations sincères ainsi que le projet de contrat vingt jours au minimum avant sa signature, la loi Doubin a permis une certaine moralisation dans la vie des affaires. Il est désormais difficile pour des pseudo-franchiseurs de faire signer en presque totale impunité à des franchisés un contrat en leur faisant miroiter un concept et un savoir-faire soi-disant original et spécifique en contrepartie d'un droit d'entrée prohibitif.
Toutefois, son exigence et son formalisme sont à l'origine de très nombreux litiges
opposant des franchisés à leur franchiseur.
Bien que le décret du 4 avril 1991 ait sanctionné le non-respect de la loi Doubin par
des seules peines d'amendes prévues pour les contraventions de la 5ème classe, les
tribunaux ont sanctionné de manière fort diversifiée les franchiseurs qui ne l'avaient
pas respectée.
Plus de huit ans après l'entrée en vigueur de cette loi, on constate en effet
plusieurs courants jurisprudentiels.
Certaines décisions, qui sont les plus nombreuses, ont prononcé la nullité automatique
du contrat, dès lors que le franchiseur n'avait pas transmis au candidat franchisé
l'ensemble des informations précontractuelles. Elles estiment que le contrat n'a jamais
existé ne remplissant pas les conditions de validité requises pour sa formation.
D'autres décisions ont prononcé la résolution du contrat, celle-ci ayant le même
effet rétroactif que la nullité.
D'autres encore ont prononcé la résiliation du contrat avec effet uniquement pour
l'avenir.
Quelques décisions ont néanmoins validé le contrat, estimant que le non-respect de la
loi Doubin n'avait pas vicié le consentement du franchisé.
Face à cette jurisprudence contradictoire et donc incertaine, la Cour de cassation vient par un arrêt du 10 février 1998 de se prononcer sur les effets du non-respect de la loi Doubin.
Condamnant à juste titre la nullité de plein droit, elle estime que le juge doit
rechercher si l'absence d'informations précontractuelles a eu ou non pour effet de vicier
le consentement du candidat-franchisé, l'empêchant ainsi de
s'engager en connaissance de cause.
La Cour de cassation renverse ainsi la charge de la preuve.
En effet, avant cet arrêt, il suffisait au franchisé d'affirmer que son franchiseur ne lui avait pas remis les informations précontractuelles ; dès lors que le franchiseur n'était pas en mesure de prouver qu'il les avait transmises, les tribunaux annulaient quasi-automatiquement le contrat.
Désormais, il appartient d'une part, au franchisé de prouver que l'obligation d'information contractuelle a été violée par le franchiseur et que son consentement a été vicié, d'autre part, au juge de rechercher si l'absence d'informations a empêché le franchisé de s'engager en connaissance de cause.
Bien que la Cour de cassation ait quelque peu vidé la loi Doubin de son sens et de son contenu, dès lors que son non-respect n'entraîne plus quasi-automatiquement la nullité du contrat, on ne peut que se féliciter d'une telle décision.
Il était en effet anormal qu'à la demande de franchisés des tribunaux annulent des contrats de franchise parfois plusieurs années après leur conclusion, alors que le franchiseur exécutait parfaitement ses obligations contractuelles.
Bien que la Cour de cassation tende à privilégier l'esprit et la finalité de la loi Doubin au détriment de son contenu formaliste, on ne peut toutefois que conseiller aux franchiseurs de continuer à respecter la loi Doubin en donnant aux candidats-franchisés les informations précontractuelles.
L'expérience prouve que de très nombreux franchiseurs respectent scrupuleusement le loi Doubin et l'on ne peut que s'en féliciter pour la vie et l'avenir de la franchise.
Dominique Baschet
Docteur d'Etat en droit
Avocat à la cour de Paris
Membre du collège des experts de la Fédération Française
de la Franchise
Pour en savoir plusGuide pratique de la franchise et des adhérents de la FFFTout personne intéressée par la franchise, que ce soit pour exploiter un
établissement en franchise ou au contraire proposer un concept en franchise, doit avant
tout chose se procurer le guide pratique de la franchise et des adhérents de la FFF
(Fédération Française de la Franchise). Vous pouvez vous procurer ce Guide pratique de la franchise aux coordonnées
suivantes :
|
L'HÔTELLERIE n° 2565 Hebdo 11 Juin 1998