Avec un titre particulièrement polémique, l'ancien inspecteur de police Gaudino, le
«tombeur» des financiers occultes du P.S., s'attaque cette fois à un thème auquel tout
professionnel ne peut rester insensible, celui des tribunaux de commerce.
Certes, l'auteur se contente d'instruire à charge, et donc se montre forcément partiel
sinon partial, en focalisant ses investigations sur les coups les plus tordus réalisés
au détriment d'entreprises en difficulté.
Il est vrai que le tableau est édifiant ; la description minutieuse de la collusion entre
magistrats consulaires et administrateurs judiciaires, les montages complexes au plus
grand bénéfice de «repreneurs» pas toujours très nets, les acrobaties destinées à
«faire tourner les compteurs» des honoraires, autant de pratiques hélas courantes et
bien connues de tous ceux qui ont été un jour ou l'autre confrontés à la dure
réalité de la justice commerciale en France.
Et les exemples d'Antoine Gaudino sont révélateurs d'une immense complicité dans l'art
du dépeçage des victimes, pas toutes innocentes d'ailleurs.
Car il faut se garder, à la lecture de ce pamphlet, de tout emportement vertueux, de
toute répulsion abusive : si des entreprises se retrouvent devant le juge consulaire,
elles avaient pour la plupart d'entre elles toutes les chances de finir sans gloire. Il
suffit, et l'auteur de l'ouvrage ne manque pas d'y faire référence, d'analyser certains
ratios, le plus simple étant le rapport du chiffre d'affaires au nombre de salariés,
pour déceler l'issue fatale. Mais une mauvaise gestion ne devrait pas être la porte
ouverte à tous les abus que dénonce avec un grand talent de polémiste Antoine Gaudino.
Et du libraire d'Aurillac au restaurateur de Fort-de-France, de l'entreprise de plomberie
de Bobigny au fabricant de meubles de Dol de Bretagne en passant par le viticulteur de
Libourne et le producteur de foies gras de Mont-de- Marsan, il est difficile d'échapper
aux griffes d'un système parfaitement rodé où ce sont toujours les mêmes qui perdent.
A lire le livre d'Antoine Gaudino, la justice consulaire est une arène, et comme dans les
corridas, on connaît d'avance le vainqueur et le vaincu. En fait, la bête une fois
épuisée et saignée n'a aucune chance de s'en sortir. Il en va de même pour les
entreprises citées dans cet ouvrage destiné à attirer l'attention sur le scandale
permanent de certains tribunaux de commerce.
Il ne faut pas hésiter à lire ce document afin d'éviter, éventuellement, de se trouver
confronté à des situations comparables. Car, ne l'oublions pas, l'accident n'arrive pas
qu'aux autres, contrairement, sans doute, à ce que croyaient tous ceux qui se sont
retrouvés devant un tribunal de commerce.
L.H.
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La mafia des tribunaux de commerce. Antoine Gaudino. Ed. Albin Michel.
L'HÔTELLERIE n° 2566 Hebdo 18 Juin 1998