«L'Hôtellerie» s'en était fait l'écho à deux reprises depuis le début 98 : le
Château de l'Yeuse, superbe «4 étoiles» ouvert en mars 97 sur les hauteurs de
Châteaubernard, près de Cognac, n'était pas en bonne santé. Mis en redressement
judiciaire le 13 mars dernier par le TC local, suite à le cessation de paiement de la
SARL Revola (gérée par Dominique Vedel), constatée le 2 mars, l'établissement s'était
vu accorder un sursis de quatre mois. Ce qui a permis de continuer une activité qui
n'aura pas cessé un seul jour et de prendre de nouvelles dispositions.
Le montage juridique, qui avait été à la naissance du projet, était issu de la
volonté d'un industriel du Nord de la France, patron de la SCI Rodyn, possesseur de 60%
des parts. Le reste étant du fait de Martine et Bernard Lambert, et d'un autre couple
associé, M. et Mme Vedel (anciens propriétaires du lieu). Ce sont ces derniers que
Martine Lambert estime à l'origine des actuels soucis de l'Yeuse :
«Le financier avait confié la réalisation du projet à M. Vedel, explique
t-elle, avec un apport de 21 MF. Cela s'est très mal passé, dès le début, avec des
dépassements de travaux de près de 9 MF et un manque de rigueur qui devraient amener
cette personne devant un tribunal à brève échéance. Lors de notre AG en fin 97, nous
avons prié ce couple de quitter la société.»
Une société reprise en main par l'industriel, qui en a confié le
10 avril 98 la responsabilité à sa nièce, Céline Démazières (auparavant chargée de
la commercialisation) et aux époux Lambert, dont Bernard, resté chef de cuisine. Tout se
remet en ordre, dans le cadre du redressement, l'aboutissement de ce dernier pouvant
s'envisager à présent avec un optimisme raisonnable.
«Nous avons rencontré le 18 juin notre administrateur judiciaire, confirme Mme
Lambert. Notre financier est en passe de tout remettre d'aplomb, car il en a les moyens
et il n'a pas l'intention de voir l'affaire s'arrêter. Il nous fait confiance et nous
travaillons main dans la main avec sa nièce. Tout est donc reparti et dans la bonne
direction».
Reste à l'Yeuse de se donner les moyens de ses ambitions. Au niveau de l'outil, les 24
chambres plus les suites (la plus grande affiche 200 m2), les quatre salles de restaurant
(100 couverts) et le cadre superbe de cette ancienne bâtisse très bourgeoise, agrandie
en forme de château, sont opérationnels et fonctionnent à plein. Pour les hommes, les
quinze salariés présents sont du même niveau, avec en partie restaurant un chef au
passé remarquable. Bernard Lambert a déjà été étoilé à l'Echassier de Cognac, (1*
au Michelin) que le couple tenait avant de se lancer dans l'affaire.
Le château voit donc pointer le bout du tunnel avec des comptes apurés et un avenir non
exempt de promesses, même si ses dirigeants restent lucides et prudents.
«Rien n'est acquis malgré tout, remarque Céline Démazières. Mais les
chiffres relevés par l'administrateur nous incitent à l'optimisme, sans oublier une
clientèle qui nous a gardé toute sa confiance. L'Yeuse, malgré ses soucis, malgré une
mauvaise presse, n'aura jamais fermé ses portes depuis son ouverture, et nous n'avons
jamais connu de baisse de fréquentation».
La réelle crise du Cognac aura vu le départ d'une partie des commerciaux de haut niveau
aimant à s'attabler chez Bernard Lambert, mais d'autres sont venus de plus loin, attirés
par la réputation culinaire de ce dernier. Et les projets ne manquent pas, entre repas
d'affaires et golfeurs (à 5 mn de là se trouve le golfe de Cognac, qui est partenaire
commercial de l'hôtel), sans compter les touristes visiteurs de chais ou de grands
négociants.
«Notre nom est réputé, estime l'épouse du chef. Nous allons nous attacher à
développer une clientèle de congressistes et certains noms du Cognac pourraient entrer
en partenariat avec nous. Nous affichons des prix plus que raisonnables avec des menus à
partir de 155 francs, et des chambres allant de 550 à 900 francs la nuit».
A l'heure où l'hôtellerie charentaise connaît des hauts et des bas, notamment dans la
catégorie la plus prestigieuse (comme le
3 étoiles l'Aliénor de Cognac), l'espoir renaît au château de l'Yeuse. Et la saison
estivale 98 s'annonce déjà comme un bon cru. En terre viticole, le bon sens a toujours
été la première des qualités.
J.-P. Gourvest
L'HÔTELLERIE n° 2568 Hebdo 2 Juillet 1998