Les représentants syndicaux patronaux ont eu beau
tempêter que cette réduction du temps de travail allait à l'encontre de la conjoncture
économique, ils n'ont pas convaincu. Leur refus de négocier cette loi lors de son
premier passage devant l'Assemblée nationale, au motif qu'elle était inapplicable et
qu'ils refusaient toute négociation, les a conduits à prendre le train en marche et à
négocier lors du second passage devant l'Assemblée nationale.
La loi d'orientation et d'incitation sur la réduction du temps de travail a pour
principal objectif de réduire le chômage en créant des emplois. Le gouvernement table
sur le fait qu'en réduisant le temps de travail à 35 heures les entreprises vont
embaucher d'autres salariés pour effectuer ces heures libérées. Les 35 heures vont donc
être la nouvelle durée légale du travail contre 39 heures pour l'instant. Le
gouvernement a choisi une méthode souple mais résolue quant à l'application de cette
loi.
Résolue, car elle a fixé une date butoir pour l'application de ce temps de travail. Au
1er janvier de l'an 2000, toutes les entreprises de plus de 20 salariés devront appliquer
les 35 heures à leurs salariés. Elle laisse deux ans supplémentaires pour les petites
entreprises de moins de 20 salariés qui ne devront faire travailler leurs salariés 35
heures, qu'en l'an 2002.
Souple, car en attendant, elle incite les entreprises à anticiper et à passer aux 35
heures avant les dates butoir en récompensant les bons élèves aux moyens d'aides
financières.
Les petites entreprises face aux 35 heures72%des petites entreprises interrogées se déclarent peu ou pas favorables du tout à la réduction du temps de travail à 35 heures par semaine, selon le baromètre trimestriel réalisé par CSA Opinion pour le compte du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables. 84%des patrons des petites entreprises estiment que la nouvelle organisation du travail qui doit être mise en place va être difficile et constitue leur préoccupation ma-jeure. Ils sont, en outre, 80% à penser que la réduction du temps de travail n'est pas compatible avec l'exercice de responsabilités. |
A l'heure actuelle, les CHR sont logés à la même enseigne que toutes les entreprises, c'est-à-dire 35 heures. Les différents contacts qu'ont obtenus les organisations syndicales de la profession laissent supposer qu'il pourrait y avoir des aménagements permettant aux CHR de conserver leurs équivalences par rapport à la durée légale du travail. Actuellement, la durée légale du travail est fixée à 39 heures, celle des CHR est de 43 heures. Quand elle sera fixée à 35 heures, cela permettrait de mettre les CHR à 39 heures. Mais rien n'est acquis pour l'instant.
En outre la profession se trouve confrontée à un dilemme. Certaines entreprises des CHR pourraient être tentées de négocier individuellement des accords de réduction du temps de travail afin de bénéficier des aides financières, qui se traduisent par de substantielles réductions de cotisations sociales. Pour bénéficier de ces aides, il faut absolument réduire le temps de travail de 10% en sachant que la durée hebdomadaire ne doit pas être supérieure à 35 heures et s'engager à embaucher 6% de l'effectif dans un délai d'un an. Si les entreprises des CHR sont nombreuses à participer au dispositif, comment peut-on ensuite demander que la durée du travail soit fixée à 39 heures dans les CHR ? En outre, Si le gouvernement accorde les 39 heures à la profession, celles qui auront déjà négocié sur la base des 35 heures ne pourront par la suite revenir à 39 heures.
Les entreprises qui réduisent le temps de travail à 35 heures avant que cela ne devienne obligatoire pourront bénéficier d'aides financières. Cette aide est dégressive, plus on se rapproche de l'échéance moins l'aide est importante. Elle prendra la forme d'un abattement de cotisations patronales de sécurité sociale.
* En 1998, elle est de : 9.000 F par an et par salarié pour les entreprises qui passent à 35 heures, mais à la condition d'augmenter les effectifs de 6% ou dans le cadre d'un plan social qui évite de licencier 6% des effectifs.
En 1999, elle sera de 8.000 F ;
En 2000, elle sera de 7.000 F ;
En 2001, elle sera de 6.000 F.
* 4.000 F (majoration constante maintenue sur 5 ans) par an et par salarié pour les
entreprises qui réduisent les horaires de 15% (32 heures) et embauchent 9% des effectifs
(ou sauvent 9% des effectifs).
* 1.000 F par an et par salarié (majoration constante maintenue sur 5 ans) pour les
entreprises qui font des efforts particuliers, c'est-à-dire embauchent plus que le
minimum obligatoire ou un public en difficulté : jeunes, chômeurs de longue durée,
handicapés.
* Une majoration dégressive sur 3 ans est également prévue pour les entreprises de
main-d'oeuvre. Elle concerne les entreprises qui emploient au moins 60% d'ouvriers et dont
70% des salariés sont payés entre 1 et 1,5 fois le SMIC.
Elle sera de 4.000 F par salarié en 1998, 3.000 F en 1999, puis dégressive chaque
année.
Qu'en pensent les organisations syndicales ? |
Pour Roland Magne, président de la CFHRCD, il n'y a pas de doute, les professionnels
des CHR sont concernés par cette loi sur les 35 heures. «D'ores et déjà le couperet
est tombé. Cette loi est applicable, mais elle va être aménagée. En effet, nos
différents contacts avec les services du ministère du Travail nous permettent de penser
qu'il y aura un assouplissement de cette loi pour les métiers de services qui emploient
une forte main-d'oeuvre. La durée du travail dans la profession des CHR ne serait pas de
35 heures mais 39 heures.
Oui ! aux 39 heures, mais à la condition d'obtenir 50% d'exonérations de charges
patronales. Si nous n'obtenons pas cette condition, la mise en place des 39 heures sera
impossible. Sans exonération de charges, c'est impensable. On a déjà les charges les
plus importantes qui existent, les entreprises de main-d'oeuvre sont comme toujours
fortement pénalisées. Et nous n'avons pas la possibilité comme d'autres de délocaliser
nos entreprises. Nous ne sommes pas contre le principe d'une réduction des horaires. Il
est nécessaire que la profession apprenne à gérer son temps de travail. Il ne faut pas
oublier que 60% des jeunes quittent la profession. Nous avons, en outre, soulevé
un problème auquel les services du ministère n'avaient pas pensé : la loi Godart. En
effet, les salariés rémunérés au service vont voir leurs rémunérations diminuer
fortement du fait de la réduction des horaires.»
Le SNRLH ne s'estime pas concerné par cette loi des 35 heures : «Nous sommes protégés par la signature de notre convention collective qui a fixé à 43 heures la durée hebdomadaire du travail pour tous les salariés des CHR. Cette convention a été étendue en décembre 1997 par les services du ministère de Martine Aubry, alors qu'on parlait déjà du projet de loi des 35 heures. Si la convention collective des CHR a été étendue avec une durée de 43 heures hebdomadaires, cela montre bien que le ministère n'entendait pas nous appliquer les 35 heures ! Soumettre la profession des CHR aux 35 heures, cela revient pour le ministère à se déjuger». Pour le SNRLH, il n'est pas question de négocier (d'autant que négocier c'est déjà accepter), même s'il a conscience que le gouvernement semble vouloir inclure les CHR dans les 35 heures. En outre, la nouvelle section des établissements multiples du SNRLH, c'est-à-dire les employeurspossédant plusieurs établissements qui sont les plus à même de mettreen place un dispositif de réduction du temps de travail, a pris l'engagement formel de ne pas entamer de négociations sur les 35 heures dans leurs entreprises.
Quant à la FNIH, en la personne de André Gosset, son secrétaire général, elle déclare «nous n'avons pas attendu la publication de la loi des 35 heures pour travailler sur le sujet, nous avons mis en place des groupes de réflexion, mais nous ne souhaitons pas communiquer pour l'instant le résultat de nos travaux».
Les 35 heures concernent les CHRLes professionnels des CHR ne se sentent pas vraiment, si ce n'est pas du tout concernés par cette loi des 35 heures. Et pourtant ! Il est vrai que pendant longtemps la position dominante était de dire : «Nous
sommes protégés par la signature de notre convention collective qui a fixé à 43 heures
la durée hebdomadaire du travail pour tous les salariés des CHR.»
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VECU Loi Robien à la Brasserie Jules d'Amiens40% de réduction de charges socialesPatrick Letellier, patron de la Brasserie Jules à Amiens, réduit les horaires de plus de 10 % et crée deux postes et demi sans réduction des revenus. Cela impose un effort de réorganisation du travail complet. Le personnel est d'accord, mais doit s'impliquer fortement dans la mutation.«L'entreprise s'appelle Brasserie Jules en référence à Jules Verne, pour son goût de l'aventure. Réduire le temps de travail en est une». Patrick Letellier commente ainsi dans son affaire
d'Amiens une application de la loi de Robien en vigueur chez lui depuis le 1er avril
dernier. Cette belle brasserie en centre commercial près de la gare employait 22
personnes pour un chiffre d'affaires TTC de 10,5 MF (8,7 MF HT) pour l'exercice clos le 31
mars dernier, en hausse de 11% sur l'exercice précédent. Une progression liée au
dernier investissement, la création de salons de séminaires en 1996. Un accord d'intéressementIl fallait donc lui présenter une proposition acceptable, sans baisse de salaire.
Sur ce dernier point, l'accord comprend trois volets : un, une baisse de salaire en brut
de 10% ; deux, une indemnité compensatrice de réduction de travail de 5% ; trois, un
plan d'intéressement. Ce plan sera monté en septembre prochain. L'entreprise distribuera
30% d'un bénéfice estimé à 300.000 F pour 1998-99, soit 90.000 F. Ces 90.000 F
permettent de rattraper les 5% manquant à l'appel, et même légèrement au-delà. Flexibilité et productivitéRestaurant d'affaires, la Brasserie Jules travaille moins en été et le week-end.
Le dernier record de journée affiche 60.980 F de C.A. TTC pour 103 couverts le midi et
176 le soir. En basse saison, on est loin de ces chiffres, autour de 150 à 160 couverts
à 210-220 F de prix moyen. Depuis les débuts de l'activité séminaires, quelques petits
déjeuners sont servis en salons. Voici la base. Pour assumer cette saisonnalité,
l'accord d'entreprise établit l'annualisation du temps de travail. La semaine varie de 33
h à 48 h. En été, il faut donc économiser les heures pour les récupérer l'hiver. Le
problème est à résoudre à l'échelle annuelle, mensuelle et quotidienne. Les équipes
de salle et de cuisine doivent se montrer aussi efficaces sinon plus qu'auparavant, afin
que chacun y trouve son compte. Le chef de cuisine, Jean-Luc Lingner, a cogité deux à
trois mois avec sa brigade... «L'horaire classique en cuisine, c'est 9 h-15 h
et 18 h-22 h, avec parfois des heures supplémentaires», décompte-t-il. «Dans le
nouvel horaire, certains vont arriver tel jour à midi. De midi à 15 h, ils ne feront pas
du tout de mise en place, uniquement de la production. Ils reviendront par exemple à 19 h
30. En cuisine, la mise en place est décalée et confiée à une équipe spécifique.
Puis en production une équipe travaille les entrées, une autre le poisson, une autre les
viandes, et une équipe tournante appuie les premières pour les coups de bourre. Mais la
composition des équipes tourne. Il a donc fallu travailler la polyvalence», souligne
le chef. Auprès de lui travaillent un second, trois chefs de partie, un pâtissier, trois
apprentis dont deux Bac Pro et un BEP. Les apprentis déjà utiles en seconde année font
également 38 h 70 quand ils sont présents en entreprise. Précisons que cette cuisine
travaille le frais. Pas question de liaison froide. Alain Simoneau
L'avantage clé pour les salariés :deux jours de congéLe délégué Fabrice Gardin et le chef de cuisine Jean-Luc Lingner insistent sur l'avantage «aussi bien à l'intérieur de l'entreprise qu'à l'extérieur», de travailler huit heures par jour et surtout de s'arrêter deux jours par semaine. Sans changer de métier, ils ont manifestement le sentiment de modifier profondément leur style de vie. A méditer ,quand on se souvient de la difficulté de recruter au sortir des écoles hôtelières. |
La durée légale du travail est fixée à 35 heures au 1er janvier 2000. Mais il est
prévu pour les petites entreprises, c'est-à-dire de 20 salariés et moins, que cette
échéance soit reportée deux ans plus tard, soit au 1er janvier 2002.
Les entreprises qui réduisent le temps de travail à 35 heures avant que cela ne devienne
obligatoire pourront bénéficier d'aides financières. Cette aide prendra la forme d'un
abattement de cotisations patronales de Sécurité sociale. Le montant de l'aide sera
dégressif sur cinq ans en fonction de la date d'entrée de l'entreprise dans le
dispositif. Quant à l'aide supplémentaire pour les entreprises de main-d'oeuvre, elle
est prévue pour une durée de 3 ans et ce sans condition de seuil. La seule condition
étant que l'entreprise emploie au moins 60% d'ouvriers et dont 70% des salariés sont
payés entre 1 et 1,5 fois le SMIC.
La convention collective nationale des CHR du 30 avril 1997 a prévu que dans un délai de 3 ans à compter de son application au plus tard (soit le 6 décembre de l'an 2000) les heures d'équivalences non rémunérées auront disparu et donc, dans la profession, tout le personnel travaillerait 43 heures hebdomadaires payées 43 heures. Mais la loi sur les 35 heures prévoit qu'au 1er janvier de l'an 2000 les entreprises de plus de 20 salariés doivent appliquer les 35 heures. Les 35 heures étant instaurées par une loi qui est postérieure à la convention collective, c'est la loi qui s'applique. Donc, à défaut d'un texte réglementaire prévoyant une dérogation ou un aménagement pour les CHR, au 1er janvier de l'an 2000 c'est la loi qui s'appliquera et tous les CHR de plus de 20 salariés devront travailler sur la base de 35 heures.
La CGPME demande aux entreprises de ne pas négocier !La CGPME n'y est pas allée par quatre chemins, dans une note
interne remise aux membres du comité directeur, elle a donné des consignes claires et
précises. «N'ouvrez pas de négociations dans vos entreprises. Rien ne peut vous
obliger à réduire la durée du travail à 35 heures avant l'an 2000 si vous employez
plus de 20 salariés et avant l'an 2002 si vos effectifs sont moindres». |
Dans un premier temps, rien ne sert de se précipiter, il vaut mieux s'informer et
comprendre clairement les avantages, mais surtout les engagements qu'il faut respecter.
Nous vous conseillons de vous procurer les documents suivants :
* «35 heures mode d'emploi les idées nettes pour négocier», édité par le
ministère. Ce guide est disponible dans la majorité des lieux publics. Il explicite de
façon claire et pédagogique les principaux points de la loi et sa mise en oeuvre.
* «35 heures : une avancée à négocier», de Jean Le Garrec. Il s'agit d'une analyse
du texte de loi sur les 35 heures, accompagnée de 55 questions-réponses sur le
dispositif d'incitation financière.
Ce fascicule est en vente au kiosque de l'Assemblée nationale : 4 rue Aristide
Briand, 75007 Paris. Tél. : 01.40.63.61.21.
Vous pouvez aussi le consulter sur son site internet : http
://www.assemblee-nat.fr
La ministre entend mobiliser tous les services de l'Etat, aussi bien les services du
ministère, que les préfets, les régions, jusqu'aux antennes locales de l'inspection du
travail.
Une plate-forme téléphonique est mise en place pour informer, expliquer les textes et
conseiller les différents interlocuteurs.
Tél. : 08.03.35.20.00.
Un site internet (http ://www.35h.travail.gouv.fr) délivrera gratuitement les textes
applicables et tous documents utiles, ainsi que l'état des avancées conventionnelles au
fur et à mesure de leurs réalisations.
Un dispositif statistique sur le suivi des négociations sera mis en place afin
d'évaluer chaque mois le nombre de conventions déjà signées, les effectifs concernés
et leurs effets sur l'emploi. De même, un suivi qualitatif des accords sera
régulièrement réalisé et mis à la disposition des acteurs et des observateurs.
L'HÔTELLERIE n° 2570 Hebdo 16 Juillet 1998