A l'heure des bilans inévitables de la saison
touristique, auxquels il faut ajouter cette année «l'effet Mondial» qui ne se
reproduira pas de si tôt, il serait excessif de s'enthousiasmer à la lecture des
chiffres a priori flatteurs.
Côté jardin, allons-y pour un cocorico décerné par la très sérieuse Organisation
Mondiale du Tourisme, dont il n'y a aucune raison de mettre en doute la fiabilité des
statistiques. Cela deviendrait presque une habitude : toutes catégories confondues, nous
sommes, et de loin, les champions du monde de la fréquentation touristique, loin devant
les Etats-Unis, l'Espagne et l'Italie, nos principaux concurrents sur ce marché très
convoité. Réjouissons-nous donc d'avoir accueilli en 1997 quelque 66,8 millions de
visiteurs étrangers, alors que les Etats-Unis en recensait 49 millions, l'Espagne 43 et
l'Italie 34. On nous dit arrogants, peu accueillants, voire franchement désagréables :
les chiffres tendraient à démontrer que les étrangers ne sont pas tous de cet avis. De
là à en déduire que nous sommes un peuple aimable, ouvert et convivial, il y a
peut-être quelques réserves à émettre...
Mais les chiffres sont cruels : avec de tels scores, la France ne risque pas de se hisser
au premier rang de la rentabilité, puisqu'elle réalise, en 1997, un montant de recettes
touristiques estimé à 28 milliards de dollars, ce qui nous place au 4ème rang !
En effet, avec 49 millions d'étrangers, les Etats-Unis enregistre 75 milliards de dollars
de rentrées, et avec 34 millions de visiteurs, l'Italie se situe au 2ème rang en
engrangeant 30 milliards de dollars ; l'Espagne parvient à se hisser à la troisième
place, avec un peu plus de 28 milliards.
Ne nous réjouissons pas trop vite, mais constatons que notre tourisme étranger est loin
d'être le plus rentable, avec
une recette de 4.200 dollars par visiteur, contre 6.500 pour l'Espagne, 8.790 pour
l'Italie, et de... 15.320 pour les Etats-Unis !
Or, cet afflux de visiteurs est loin de ne présenter que des avantages. Accueillir près
de 67 millions d'étrangers, auxquels il faut ajouter les touristes de l'Hexagone,
entraîne des charges très lourdes, tant au niveau des infrastructures, des transports,
des services publics de voirie, d'assainissement ou d'accueil. Or, le coût financier de
cette fréquentation est en grande partie assuré par la collectivité nationale ou les
institutions territoriales, auxquelles les vacanciers de passage contribuent relativement
peu. D'autant qu'en France, si l'on se fie aux chiffres de l'OMT, ce sont les moins
dépensiers parmi les touristes qui choisissent notre beau pays. Un thème de réflexion
qui ne manquera pas d'interpeller tous ceux qui ont la charge de déterminer et de
conduire une politique du tourisme qui ne se contenterait pas d'un trompe-l'oeil. La magie
des chiffres n'a jamais fait bon ménage avec la réalité économique : la France est en
train de devenir le pays européen du tourisme bon marché, paradis du camping sauvage et
des baraques à frites. Est-ce l'avenir touristique de notre pays ?
L.H.
L'HÔTELLERIE n° 2577 Hebdo 3 Septembre 1998