Sous prétexte de vie associative, tous les abus sont
aujourd'hui permis avec la bénédiction de l'Etat et de ses représentants qui, à tous
niveaux, profitent de l'occasion pour récupérer la satisfaction de ceux qui se
félicitent d'avoir fait une bonne affaire. Une bonne affaire sur le dos des contribuables
en général et sur celui des restaurateurs en particulier ! Le mécanisme s'est tellement
banalisé que plus personne ne se pose de question et la presse se fait l'écho
régulièrement de ces fêtes où les bénévoles sont légion, où les règles d'hygiène
ne sont pas respectées, où les taxes ne sont pas prélevées et où bien sûr, les
clients sont venus nombreux du fait du tarif alléchant de la prestation !
C'est exactement ce qui s'est passé les 15 et 16 août derniers, à Munchhouse, au coeur
de l'Alsace pour «la Fête de la Carpe». Le journal local titrait le lendemain, sans
malice, «la carpe frites fait toujours recette» et fournissait les données
chiffrées... édifiant ! En deux jours, 2 tonnes de poisson ont été dégustées, 150
bénévoles assuraient le service dont une soixantaine d'enfants ! En cuisine, une
cinquantaine de personnes dont certaines n'hésitaient pas à donner des détails sur les
cadences infernales qu'ils s'imposaient et parlaient d'esclavagisme. Côté animation,
sept groupes de musiciens se succédaient pour répondre à toutes les demandes musicales
du public. La fête était réussie et les clients s'émerveillaient du rapport
qualité/prix de la prestation, il y avait de quoi : pour 50 F ils dégustaient carpes,
frites, salade, dessert et participaient gratuitement à une grande tombola ! Facile de
réussir à faire salle comble dans de pareilles conditions : pas de TVA à reverser à
l'Etat, pas de salaires à payer, pas de règles de sécurité et d'hygiène, peu ou pas
de Sacem, pas de taxe professionnelle ! On notera, au-delà de l'absence totale de
charges, la banalisation du travail des enfants que les bonnes âmes dénoncent quand il
s'agit du tiers-monde où les enfants travaillent pour faire vivre leur famille mais
admirent quand il s'agit d'aider à la pratique du paracommercialisme en France. Jusqu'à
quand administrations et politiques continueront-ils à laisser faire et à favoriser
ainsi d'une manière scandaleuse le non respect de la loi ? En laissant se perpétuer de
telles pratiques, ils laissent croire aux consommateurs que de telles prestations sont
accessibles à des niveaux de prix très bas et ternissent considérablement l'image des
restaurateurs qui, du fait de leurs obligations fiscales, commerciales, sont dans
l'impossibilité de pratiquer des tarifs aussi bas.
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2578 Hebdo 10 Septembre 1998