Retour sur images
Il est ainsi admis que les restaurants de plages
fonctionnent le midi, les vendredis et samedis soirs, les soirs de feux d'artifice et à
l'occasion de soirées à thème privées. Mais au fil des années, les plagistes ont
multiplié les dérogations et une partie de bras de fer s'est engagée entre eux et les
restaurateurs de la ville qui crient «au paracommercialisme». Alors que de leur côté,
les plagistes estiment subir un véritable diktat de la part des restaurateurs.
Qui a tort, qui a raison ? Pour Alain Roy, propriétaire du restaurant Le Sevrina et
président du jeune syndicat Confédération de Cannes, mais qui fut pendant 15 ans à la
tête de l'UPRL* (l'autre syndicat hôtelier de la ville, affilié à la FNIH), le combat
est faussé. «Les plages étaient d'abord réservées aux jeux et on ne pouvait y servir
que des repas froids, type salade. Petit à petit, ce sont devenus des restaurants à part
entière. Si les palaces ont derrière eux des structures qui permettent de suivre, ce
n'est pas le cas des plagistes indépendants. Ceux-là n'ont pas de cuisines.»
Et quand la profession a entériné l'ou-verture systématique à midi, c'était
«uniquement parce que nous avons pris conscience que les con-sommateurs se tournaient
vers d'autres séjours touristiques et qu'il fallait offrir de nouvelles prestations.
C'était un plus pour tout le monde tandis que l'ouverture du soir pénalise réellement
les restaurateurs de la ville». Alain Roy n'a néanmoins jamais souhaité attaquer en
référé les plagistes qui outrepassaient le protocole de 1978. Aujourd'hui, ce dernier
souhaiterait que ce soit la municipalité qui tranche. «Ce sont aux élus de la ville de
prendre leurs responsabilités dans l'affaire.»
Satisfaire la clientèle des palaces comme le grand public
Daniel Alessio, actuel président de l'UPRL, a proposé, pour la saison 98, quatre jours
d'ouverture en soirée par semaine. Mais sa position est d'abord de faire «respecter ce
qui a été signé en 1978 par les parties concernées». Cette année «pendant la durée
du festival de Cannes, ça a été tout et n'importe quoi. Que les palaces ac-cueillent
leur clientèle est une chose, mais que les autres établissements installent des tables
jusqu'au bord de l'eau - alors qu'il y a des limites prévues par loi - ce n'est pas
acceptable.» Si Daniel Alessio reconnaît l'absurdité de la division et estime que
«nous appartenons à la même famille et c'est ensemble que nous devrions combattre»,
celui-ci met en garde les plagistes sur le terrain de l'hygiène et des nuisances sonores.
«Il y aura des problèmes, ce n'est pas possible autrement. Cela va également rejaillir
sur l'image des restaurateurs. Vous savez, je ne suis pas pour que la Croisette devienne
une foire agricole avec merguez et sandwichs à volonté. Cannes doit rester très haut de
gamme et c'est aussi une des raisons qui me pousse à rester catégorique.»
Il n'y a néanmoins pas eu de guerre cet été et l'UPRL a accepté juste avant le mois de
juillet un protocole qui prévoyait l'ouverture midi et soir des plagistes pour les deux
mois à venir. Une défaite pour les restaurateurs de la ville ? Non, car seulement
quelques plagistes ont tenté l'aventure du soir. Vouloir est une chose, faire en est une
autre. Morale de l'histoire : le métier de restaurateur ne s'improvise pas aussi
facilement que ça.
S. Soubes
* L'UPRL regroupe les restaurateurs, limonadiers, discothécaires, cabaretiers, kiosques, glaciers et campings de Cannes et sa région.
Les plagistes cannois sont-ils trop gourmands ?
Alain Roy estime que c'est à la municipalité de prendre position.
Pour Daniel Alessio, l'image de Cannes est en cause.
L'HÔTELLERIE n° 2581 Hebdo 1er Octobre 1998