C'est pour le moins édifiant : des années durant, le syndicaliste a combattu le
patronat et n'a cessé de refuser tous les plans sociaux proposés pour sauver les
entreprises, un refus au nom de l'emploi. Certaines entreprises, malheureusement,
n'avaient que cette porte de sortie pour sauver leur peau.
Les pressions ont été telles qu'elles ont dû renoncer à licencier au moment où il
était encore possible de réagir et ont continué à s'enfoncer. Les dépôts de bilan
qui ont suivi n'ont épargné personne et surtout pas l'emploi. Bien sûr, les syndicats
n'ont pas manqué de réagir et de mettre en avant l'incompétence des dirigeants qui
n'ont pas su prendre les bonnes décisions de gestion. Des décisions, justement,
auxquelles les syndicats s'opposent systématiquement. Parce que la roue tourne, Edmond
Maire a dû quitter un jour la CFDT et il s'est alors transformé en patron en prenant a
présidence de VVF. On allait enfin voir une entreprise bien gérée où le personnel
serait heureux : des effectifs confortables, de bonnes conditions de travail, de
rémunération et, bien sûr, pas de licenciement puisque la maison était dirigée par un
ancien syndicaliste qui, lui, savait protéger l'emploi.
Edmond Maire n'a pas hésité à jouer les pionniers, à grand renfort de communication,
il a donné l'exemple et a été un des premiers à signer un accord de Robien sur la
réduction du temps de travail. C'était en 1996 et, décidément, VVF se donnait des
allures de modèle de gestion.
C'était sans compter sur l'intelligence et la compétence d'Edmond Maire qui, au bout de
quelques années justement, est devenu gestionnaire et s'est mis à voir les choses d'une
manière bien différente... Le syndicaliste est loin, aujourd'hui, il gère une
entreprise, c'est lui le patron. Aussi n'hésite-t-il pas à prôner ce qu'il dénonçait
hier et prévient : «L'avenir appelle des changements importants», avant d'annoncer un
plan social touchant environ 140 emplois. Quelle surprise que d'entendre cet ancien
syndicaliste expliquer que «la recherche du rendement, de la rentabilité, doit
désormais être un préalable à chacun des actes» et d'avouer que les prestations VVF
sont «trop riches en emploi» parce que «l'histoire de VVF est généreuse». Bien
entendu, les syndicats sont dans leur rôle, ils s'opposent et menacent.
Edmond Maire reste inflexible, il a la responsabilité d'une entreprise et il sait que
pour assurer sa pérennité il se doit de faire certains choix, aussi pénibles
soient-ils. Incontestablement, si tous les syndicalistes pouvaient passer quelques années
à la tête d'une entreprise, les relations sociales seraient d'une tout autre teneur !
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2582 Hebdo 8 Octobre 1998