Grand Hôtel Inter-Continental à Paris
En juillet dernier, Christian Le Squer, chef depuis quatre ans au Restaurant Opéra,
annonce son départ à la direction du Grand Hôtel Inter-Continental. Il part chez
Ledoyen, en remplacement de Ghislaine Arabian. Au Grand Hôtel, ce départ imprévu
entraîne une "remise en question importante". En effet, le Restaurant
Opéra vient tout juste de décrocher son deuxième macaron Michelin, en mars dernier.
C'est le résultat de quatre années d'investissements et de travail de toute une équipe
derrière Christian Le Squer. Cette deuxième étoile tant espérée a d'ailleurs
entraîné une hausse de chiffre d'affaires de 25%. Pour Dominique Michaud, directeur de
la restauration du Grand Hôtel, la question de la succession est donc d'une extrême
importance. Deux possibilités sont envisagées : soit reprendre un jeune chef, peu connu
mais à fort potentiel (sur le modèle du profil de Christian Le Squer il y a quatre ans),
soit miser sur un chef déjà reconnu avec deux étoiles Michelin. Moins aléatoire, c'est
la deuxième solution qui emportera tous les suffrages.
Il faut désormais trouver le candidat idéal. Suite à une "fuite" dans la
presse annonçant le départ de Christian Le Squer, de nombreuses candidatures affluent au
Grand Hôtel. Mais pas celle de François Rodolphe. La direction étudie le cercle très
fermé des étoilés. Et c'est l'excellente réputation de François Rodolphe et le fait
qu'il ait réussi à maintenir plusieurs années consécutives les deux macarons de
L'Auberge des Templiers aux Bézards, qui ont convaincu les dirigeants du Grand Hôtel de
le rencontrer.
Un parcours professionnel sans faute
A 16 ans, François Rodolphe, originaire du Sud-Ouest, part faire son apprentissage près
de Valenciennes, à La Crémaillère. Deux ans plus tard, il débute au Café de Paris à
Biarritz auprès de Pierre Laporte. Puis Les Ambassadeurs (Crillon) avec Jean-Paul Bonin,
L'Etoile d'Or (Hôtel Concorde Lafayette) avec Joël Robuchon, Laurent avec Marc Pralon,
L'Arpège avec Alain Passard, le Louis XV avec Alain Ducasse en tant que sous-chef, La
Palme d'Or à Cannes avec Christian Willer en tant que chef adjoint. Son premier poste de
chef le mène à Hong-Kong au Peninsula avant de rejoindre le Relais & Châteaux
L'Auberge des Templiers.
"Lorsque ce poste m'a été proposé, déclare François Rodolphe, je n'ai
pas hésité un seul instant. A mon arrivée à L'Auberge des Templiers, j'avais précisé
que je resterais au moins trois ans. Cela fait trois ans et aurait pu en faire quatre.
Cette proposition, c'est une chance et un défi que je me devais de relever." A
39 ans, François Rodolphe est bien décidé à ne pas laisser passer cette opportunité.
Début septembre, il signe son nouveau contrat de travail. Dominique Michaud, directeur de
la restauration, très enthousiaste, attend de lui qu'il exprime "son style à
lui, sa personnalité dans sa cuisine". "On m'a demandé de garder mon naturel,
souligne François Rodolphe. J'ai carte blanche. Je tiens à appliquer la méthode de
travail que j'ai acquise auprès d'Alain Ducasse et réaliser une cuisine d'esprit, de
goût. Il faut faire une cuisine bien à soi, compliquée dans sa préparation mais sobre
une fois servie." Une cuisine qu'il veut authentique, dans l'air du temps,
allégée, avec éventuellement des inspirations du Sud-Ouest ou étrangères pour
répondre aux attentes de la clientèle d'affaires et cosmopolite du Grand Hôtel. Une
attention toute particulière sera portée aux légumes, "souvent laissés pour
compte et qui laissent une impression d'inachevé".
François Rodolphe sera donc en poste le 19 octobre prochain. Christian Le Squer restera
encore une dizaine de jours pour une "passation des pouvoirs" dans les
meilleures conditions. Quant à la nouvelle carte du Restaurant Opéra signée Rodolphe,
elle est prévue pour la mi-novembre et le nouveau chef sait ce qu'il veut : "Je
compte faire une carte assez courte mais avec de nombreuses suggestions qui changent très
souvent. Surtout pas une carte statique."
François Rodolphe, qui préfère le mot savoir-faire à celui de talent, attend avec
impatience de rejoindre sa nouvelle brigade. "Je tiens à avoir une bonne
ambiance. Il faut savoir être dur, ferme, mais aussi relâcher la pression. De bonnes
conditions pour un bon travail." Elles semblent réunies. Il lui reste désormais
à relever à nouveau le défi du maintien de la seconde étoile. Un défi qu'il aborde
avec détermination, enthousiasme et beaucoup de... savoir-faire.
N. Lemoine
Le credo de François Rodolphe : "Il faut faire une cuisine bien à soi,
compliquée dans sa préparation mais sobre une fois servie."
L'HÔTELLERIE n° 2582 Hebdo 8 Octobre 1998