Une addition
L'addition, sa formulation, sa présentation, c'est une partie de l'image de votre
établissement. Une addition est aussi révélatrice qu'une analyse psychologique pour le
client attentif. Prenez-en soin car c'est le dernier document qui rappellera à vos hôtes
leur passage dans votre restaurant. Sans oublier que pour le client, l'addition =
soustraction !Voici un exemple d'addition destinée sans doute à satisfaire le besoin de
discrétion de clients qui n'aiment pas que leur secrétaire, leur épouse ou leur
comptable suivent leurs pérégrinations en appréciant leur style de vie à la lecture de
leurs notes de frais.
Ecrite à la main, donc sans caisse enregistreuse, ce qui est parfaitement légal, cette
addition pèche, aux yeux de la loi, par son absence du cachet de l'établissement. Un tel
document ne peut que susciter interrogations et interpellations, voire jeter une inutile
suspicion et qui est forcément un oubli. Car ce petit restaurant, du moins le
suppose-t-on ainsi, n'a pas pour parti pris d'assommer la clientèle avec des tarifs
dissuasifs : deux plats de la mer, produits toujours onéreux, sont facturés très
raisonnablement à 60 F chacun, ce qui est plus qu'honnête, si l'on considère que
beaucoup de gargotes n'hésitent pas à vendre à plus de 50 F les sempiternelles
«moules-frites», un des must de l'été.
En revanche, et le constat devient banal, 45 F pour 37 cl de Picpoul, un cépage
intéressant du bord de l'étang de Thau mais à la réputation locale, peut paraître
surestimé si l'on songe que les cavistes de la région proposent notamment au public une
bouteille du même Picpoul aux alentours de 20 F les 75 cl.
Et c'est l'un des points qui incitent chaque jour davantage les consommateurs à
délaisser le vin au restaurant : les prix sont, comme ici, trop élevés par rapport au
tarif du «solide» et il faudra bien un jour que les professionnels sachent en ce domaine
faire la part des choses.
Bien sûr, ce type d'addition ne devrait être que l'exception, car ses défauts sont trop
nombreux : pas d'identité de l'établissement, pas de nom de propriétaire ni de chef,
pas de date d'ouverture, pas d'indication sur le service, la TVA, ou le prix de l'euro.
Vraiment trop discrète.
L'HÔTELLERIE n° 2582 Hebdo 8 Octobre 1998