Hotrec présente le café La Futura Europea
Hotrec s'est assuré les services d'une troupe de théâtre britannique pour expliquer le 22 septembre à Bruxelles avec (à peine) un peu d'exagération où les bistrotiers risquent d'en arriver. Sur les tréteaux, le décor du café La Futura Europea est planté . Sous titré : « Où tout est choisi à votre place ». Sur les murs, on pense à votre sécurité : « Attention, vos genoux se plient si vous vous asseyez ; les dérogations doivent être signées à la commande ; attention, il se peut que la nourriture soit chaude ; interdit de fumer sauf dans un local isolé », etc. Dans ce café, tout doit être servi selon les règles de protection du consommateur. D'ailleurs quand la cliente demande un menu, on lui amène une demi-douzaine de documents très épais écrits dans onze langues européennes du style « menu sans » : sans sel, sans goût, sans obésité, sans graisse, sans arômes, et pourquoi pas sans nourriture aussi. Etant donné sa classification dans les règles tout-ce- qu'il-y-a-de-précis qui définissent et régissent son activité, le café est de toute manière interdit de servir ce qui ferait vraiment plaisir au client. Le sandwich au poulet que réclame la cliente doit être constitué de x % de viande, y % d'eau et z % d'autres fluides. Elle tente ensuite une part de fromage qui se révèle encore surgelée. Elle jette rageusement ses couverts et sa serviette de plastique, et tente le café. Pour raisons de sécurité, il est froid. Elle essaye une cigarette. Alarme ! Le garçon fait du zèle et se jette à terre pour ramasser un reste de ticket qui pourrait polluer le sol. Il explique, démonstration à l'appui, comment fonctionne le système d'alerte en cas de danger ou de dérogation aux règles. Quand l'autre client tente une drague appuyée de la cliente, c'est la panique à bord, car selon les nouvelles lois, le patron est responsable du harcèlement sexuel dans ses locaux. Finalement, l'addition est astronomique, composée de 90 % de taxes (dont 33 % de TVA), charges sociales et autres et seulement 10 % de chiffre d'affaires réel. Les clients partent furieux, le garçon qui était très étonné d'avoir encore des clients se dit qu'il n'en aura plus et ferme boutique. Hotrec (Confédération des hôtels, restaurants, cafés et établissements similaires dans l'Union européenne) a fait écrire et jouer cette pièce pour sonner l'alarme - une vraie, celle là - sur l'inflation des mesures législatives paneuropéennes déjà présentes et surtout à venir. L'association publie un épais recueil intitulé 150 mesures européennes affectant les hôtels, les restaurants et les cafés . Ces mesures sont attendues dans les domaines des affaires sociales, de la protection des consommateurs, de la fiscalité, de la standardisation et de la protection de l'environnement.
Un client sans libre arbitre ?
Elles méritent toutes d'être analysées et discutées en profondeur entre la
représentation européenne de la profession et les institutions. Certaines sont utiles
moyennant modifications et assouplissements. Beaucoup sont nuisibles. Pour Alain-Philippe
Feutré, le président d'Hotrec, l'avenir du million et demi de PME (souvent de très
petites affaires) du secteur qui emploie six millions de personnes n'est pas brillant si
on laisse faire. Le monde des CHR est universel, divers, régional, local, ses services
sont essentiels dans la vie quotidienne et la convivialité des humains. Ces services sont
proposés par les entreprises et consommés par les clients dans un contexte de libre
choix. Il n'est vraiment pas souhaitable de choisir à la place de clients adultes aux
goûts heureusement différents. C'est contre l'excès et l'uniformisation que s'élève
Hotrec. Le risque d'uniformisation de la TVA à 33 % par exemple n'est pas nul puisque les
Etats membres n'ont pu se mettre d'accord sur un taux plafond. Hotrec reste très opposé
à la classification paneuropéenne des hôtels sur la base de normes très strictes de
surfaces, volumes équipements etc. « C'est une affaire commerciale entre l'hôtel ou une
marque et ses clients », commente Alain-Philippe Feutré. Il se développe en Espagne, et
le projet existe en Allemagne, des labels minimums de qualité, mais à titre volontaire,
et le client en fait ce qu'il veut. Sur la question de la fumée, Trevor Forecast
président de la British hospitality association (BHA) estime que la profession dans son
pays a agi depuis longtemps, a créé des zones non-fumeurs, a développé la ventilation,
et qu'au final il faut laisser le client choisir entre des établissements ou des zones
d'établissements où on fume ou on ne fume pas. Cela dit, halte à « l'antieuropéanisme
» primaire. D'abord faciliter les contacts, le tourisme et les affaires en Europe est bon
pour la profession. Les CHR européens vivent pour une bonne partie de la diversité
européenne et de la croissance des voyages. Mais il faut raison garder dans la
réglementation du marché. Il faut, bien sûr, des règles de protection contre
l'incendie et pour l'hygiène. Pour le président de la FNIH André Daguin, il faut
seulement y mettre du bon sens, citant l'exemple de l'impossible escalier de secours. Mais
la directive 93/43 européenne sur l'hygiène, si elle présente un danger du fait que le
restaurateur doit désormais faire la preuve qu'il sert les consommateurs en toute
sécurité, présente des avantages, notamment pour les Français. « Avec nos bons
produits et notre compétence, nous sommes avantagés. Plutôt qu'une réglementation
française tatillonne qui essaye de me dire tout ce que je dois faire ou ne pas faire, je
préfère une directive européenne qui me donne une obligation de résultat en me
laissant responsable », explique-t-il.
A. Simoneau asimoneau@lhotellerie-restauration.fr
Au café La Futura Europa, tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire.
Alain-Philippe Feutré, président d'Hotrec : préserver la diversité et
d'abord la relation client-professionnel.
L'HÔTELLERIE n° 2585 Hebdo 29 Octobre 1998