Réduction du temps de travail
Témoignages
Mission impossible pour
les indépendants
Les restaurateurs indépendants ne voient pas du tout comment réduire le temps de
travail. C'est vraiment irréaliste. La plupart n'ont pas fait les calculs pour mesurer
l'impact financier de cette loi, en tenant compte des exonérations de charges mais ils
savent qu'ils ne pourront pas engager de personnel supplémentaire. Leurs conditions de
travail deviendront alors totalement inconfortables. Ils devront eux-mêmes travailler
encore plus. Ce qui leur paraît difficile. Certains pensent fermer leur établissement
car pas question pour eux de sous-traiter certaines tâches ou de faire appel aux produits
de l'agroalimentaire.
D'autres envisagent de baisser les salaires en engageant du personnel à temps partiel,
d'autres encore pensent qu'il faut refuser cette loi et faire pression sur le
gouvernement. Si les 39 heures deviennent obligatoires en restauration, la restauration
traditionnelle, celle qui veut cuisiner des produits bruts, des produits frais, des
produits du terroir et non pas des produits élaborés par l'industrie agroalimentaire
tendra à disparaître. Si les 39 heures deviennent obligatoires en restauration, les
salaires baisseront et les jeunes se détourneront encore plus de la restauration
indépendante... Le progrès ne sera pas social.
Dossier réalisé par Bernadette Gutel et Marie Fournier
Claude Izard, L'Hostellerie du Parc
à Cordes, président du groupement des restaurateurs CNRH
« Les 35 heures, c'est
un scandale »
Avec les 35 heures, on est en train de
créer une société où le travail n'a aucune valeur et dans laquelle on dévalorise le
travail manuel. Les jeunes veulent de l'encadrement et des gens qui représentent un
idéal. Tout ceci fait l'affaire du monde industriel de plus en plus robotisé. C'est un
scandale. Pour m'adapter, je vais annualiser et fermer le soir pendant les quatre mois
d'hiver. L'Etat sera perdant, mon CA baissera donc je paierai moins de TVA, je paierai
aussi moins d'électricité... Mais ceci ne me permettra pas d'atteindre les 35 heures.
Cela me permettra tout juste de régler la question des deux jours de congé
hebdomadaires. Je pense que la restauration commerciale ne doit pas accepter les 35
heures. La restauration est un métier de service. 35 heures dans un métier de service
n'ont rien à voir avec 35 heures dans une industrie. Il faut donc que les syndicats
hôteliers, les Chambres de commerce et l'Union patronale des artisans se mobilisent pour
revoir les horaires (43 heures et non 35), les congés et les coûts salariaux de cette
profession. Mes salariés sont pour l'annualisation du temps de travail car ils y trouvent
des compensations. Mais quand je leur parle des 35 heures, ils sourient. Ils pensent
qu'une semaine de 43/44 heures,
c'est plus réaliste.
« 35 heures dans un métier de service n'ont rien à voir avec 35 heures dans une
industrie. »
L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998