Congrès Euro-Toques
Reconnue officiellement par la présidence de la Commission européenne de Bruxelles, l'association Euro-Toques défend depuis 12 ans les valeurs d'authenticité et le terroir avec méthode et opiniâtreté. «Dans le monde agroalimentaire de cette fin de siècle, a rappelé Bernard Fournier, président national Euro-Toques France, le scientifique dépasse souvent la matière et joue au quotidien avec la vie des consommateurs. Ainsi, en dehors de la maladie de la vache folle qui nous a appris à nous méfier, citons par exemple les poissons d'aquaculture dont la production se développe pour faire face à la diminution des réserves naturelles des poissons dans les mers. Ces poissons nourris avec des granulés sont de moins bonne valeur nutritive et organoleptique que les poissons "sauvages". Et bien qu'un projet soit en cours d'étude, rien n'oblige un poissonnier à indiquer la provenance ou l'origine des poissons qu'il commercialise.» Bernard Fournier a aussi mis l'accent sur la qualité des fruits et légumes. «Après avoir tenté d'uniformiser les couleurs et les formes, souligne-t-il, les agronomes semblent surpris que les consommateurs soient lassés de fruits parfaits mais insipides.» Les Hollandais sont passés maîtres dans ce type de maraîchage puisqu'ils louent des hectares de désert en Afrique du Nord pour implanter leurs serres. En fait, ils louent du soleil tropical pour faire pousser des tomates avec de l'eau de mer dessalée. «Plus pervers encore, ajoute Bernard Fournier, on a vu apparaître voici une dizaine d'années, de délicieuses petites tomates "en branches" importées de Sicile. Maintenant, ces tomates sont produites en culture intensive sous serre. Nos joyeux agronomes ont tout simplement reproduit l'apparence de cette variété et ont renforcé l'arôme des tiges.» Ces tomates attractives mais sans goût de tomate sont proposées à prix fort sur les étals. «Le consommateur, assure Bernard Fournier, a le droit de savoir ce qu'il mange ; le chef celui de savoir ce qu'il achète et le devoir d'être informé. Nous avons donc décidé d'agir plutôt que de subir.»
OGM : dangers
Euro-Toques lutte donc activement contre les OGM ou Organismes génétiquement modifiés.
«Et que dire, souligne Bernard Fournier, de la production d'hybrides, ces semences
miraculeuses qui entraînent la dépendance des agriculteurs envers les producteurs ?
Comment savoir à moyen terme si notre organisme peut dégrader normalement ces nouvelles
protéines qui n'appartiennent pas à la chaîne naturelle de l'évolution ?» Même
aux États-Unis où sont déjà vendus une dizaine de végétaux transgéniques, on
reconnaît qu'on ne peut aujourd'hui prévoir le potentiel allergologique des nouvelles
protéines. Et si le Parlement européen a prévu l'étiquetage des produits
transgéniques, il ne prévoit rien de particulier pour les produits dérivés. Bon nombre
des aliments que nous consommons (chocolats, produits lactés, plats cuisinés...)
contiennent des OGM. Mais les consommateurs ne sont pas systématiquement informés (voir
encadré). Etienne Vernet, Ecoropa France*, invité à ce congrès, n'a pas manqué de
dénoncer les risques pour la santé humaine qu'entraîne la consommation d'OGM au travers
des gènes de résistance aux antibiotiques et des gênes de tolérance aux herbicides.
Non, aux antibiotiques et aux viandes aux hormones
Alain Dutournier, commissaire adjoint Euro-Toques France aux produits et lois
alimentaires, a rappelé les dangers de l'utilisation des antibiotiques et des hormones
dans la production des animaux. «Il a été prouvé, précise-t-il, qu'une
personne dans l'un des pays de la CEE est décédée suite à la consommation de produits
alimentaires traités avec des antibiotiques. L'utilisation d'antibiotiques pour
accélérer la croissance des animaux et le rendement de la viande constitue l'un des
risques les plus sérieux pour l'avenir de la race humaine. Par ailleurs, certains pays
qui font partie ou non de l'Union européenne, permettent l'emploi d'hormones de
croissance pour la production des animaux. L'indication de l'utilisation d'hormones de
croissance ainsi que leurs effets négatifs sur la santé de l'homme devraient être
précisés aux consommateurs.» La mondialisation du commerce autorise même les
Etats-Unis au nom du libre échange à faire pression pour l'introduction dans l'Union
européenne de leurs viandes traitées par au moins cinq hormones. Les scientifiques
s'accordent pour affirmer que les doses administrées ne présentent aucun danger pour la
santé mais ils rejettent la responsabilité des dérapages déjà constatés chez les
éleveurs qui ne respectent pas les normes autorisées.
Un logo européen
Pour éviter les problèmes de santé, le mieux est de ne consommer que des produits du
terroir, des produits de saison, des produits AOP, IGP ou AB. Christian Bréchet, expert
de l'unité B14 politique de qualité à Bruxelles, a profité de ce congrès pour
présenter à tous les membres Euro-Toques le nouveau logo européen d'identification de
ces produits. Depuis 1992, date de la mise en place des signes de qualité européens, 501
produits ont été référencés en Europe. Le 502e est le fromage de Rocamadour, ville
d'accueil du congrès.
Oui, à l'information et l'éducation des consommateurs
Tous les membres de l'association Euro-Toques s'engagent à refuser tout OGM, tout produit
contenant des hormones ou des antibiotiques. «Nous devons, précise Bernard
Fournier, le dire à nos clients. Nous devons aussi les informer sur l'origine des
matières premières que nous achetons et cuisinons. Nous devons indiquer sur nos cartes
d'où proviennent les produits, s'ils sont AOP, IGP, AB. Nous ne devons pas hésiter à
inscrire les noms de nos fournisseurs. Nous devons être en mesure ainsi que notre
personnel de salle de parler à nos clients des produits et fournisseurs, de leur raconter
des anecdotes...» Grâce à cette volonté de défendre la qualité des produits
alimentaires et la santé des consommateurs, Euro-Toques reçoit le soutien de Mme
Demessine, ministre du Tourisme. C'est ainsi que M. Mathis, représentant régional du
ministre du Tourisme, a mis en avant à l'occasion de ce congrès l'intérêt de Mme
Demessine pour cette association. «Mme Demessine, explique-t-il, est consciente
de la nécessité d'une lutte contre la banalisation des goûts et de la mondialisation
des modes de vie.» «Je retiens tout particulièrement, a conclu Bernard
Fournier, le rôle et le soutien de l'Etat au sein des délégations régionales
d'Euro-Toques, ceci dans l'optique d'un progrès européen à venir, d'autant plus que le
ministère du Tourisme est tout à fait demandeur du professionnalisme des chefs et qu'il
sollicite leur présence dans les CDAT.»
B. Gutel
*Ecoropa, fondé en 1976, est un réseau européen de réflexion et d'action écologique. Il fonctionne grâce à un réseau mondial de correspondants qui partagent leurs analyses sur la crise de société industrielle.
Les membres d'Euro-Toques France sont venus nombreux au dernier congrès national
qui s'est déroulé à Rocamadour.
Pour en savoir plus sur les OGMEn collaboration avec l'Institut européen d'écologie, association privée fondée
par le professeur Jean-Marie Pelt en 1971, et Sciences frontières qui propose une
approche transdisciplinaire et vulgarisée de la science, Ecoropa* a publié un ouvrage
intitulé Le Génie génétique. Dans cet ouvrage, différents chercheurs de
L'INRA, du CNRS et d'universités françaises ou étrangères font le point des
connaissances sur les OGM, évaluent leur impact sur notre environnement et notre santé. |
Enquête des fraudesEtiquetage des produits contenant du maïs ou du soja |
Le Maïs Novartis devra attendreEuro-Toques France, associée à Ecoropa* France et défendue par Maître Corinne Lepage, ancien ministre de l'Environnement, se félicite de la décision du Conseil d'Etat rendue en décembre dernier. Le moratoire sur le maïs transgénique Novartis ordonné par le Conseil d'Etat en septembre dernier est maintenu. Euro-Toques France demande à ce que ce moratoire soit étendu au niveau européen. |
L'HÔTELLERIE n° 2600 Hebdo 11 Février 1999