Théâtre du Rond-Point à Paris
En janvier 1992, le ministre de la Culture accorde
un contrat de concession à l'association le Rond-Point, dont le directeur est à
l'époque M. Cherif Khaznadar pour faire fonctionner le théâtre. A chacun son métier :
la partie restauration située à l'intérieur du théâtre est confiée à Jacqueline
Solvet, gérante de la société Exogène. Le contrat était prévu pour une durée
initiale de 2 ans et 3 mois, soit jusqu'au 1er janvier 1995. Ce contrat était
renouvelable dans les mêmes conditions jusqu'au 1er janvier de l'an 2000. Mais le contrat
prévoyait aussi le versement d'une indemnité en cas de non-renouvellement de la
sous-concession. Cette indemnité représentait 3 mois de chiffre d'affaires, le
remboursement des investissements effectués déduction faite des amortissements, ainsi
que le différentiel bancaire des emprunts.
Forte de ces garanties, Mme Solvet n'hésite pas à investir plus de 4 millions de francs
pour la rénovation et l'aménagement du restaurant qui avait été fermé pendant plus
d'un an. Elle embauche des salariés pour faire tourner le restaurant.
Mais au 1er janvier 95, le contrat de concession conclu entre l'Etat et l'association Le
Rond-Point ne fut pas renouvelé, et son directeur M. Khaznadar fut remplacé par Marcel
Maréchal. Ce dernier créa la SARL « Théatre du Rond Point-Compagnie Marcel Maréchal
» en remplacement de l'association, société avec laquelle le ministère de la Culture
conclut un nouveau contrat de concession.
Remise en cause du contrat d'exploitation
Ce nouveau partenaire remet en cause le contrat de sous-concession conclu précédemment
avec Mme Solvet. De nombreux entretiens furent organisés entre le ministère de la
Culture, la SARL Le Rond-Point et la SARL Exogène dans le but de parvenir à un accord
portant sur la conclusion d'un nouveau contrat de sous-concession et, à défaut, le
versement d'une indemnité d'éviction. Pendant tout le temps des négociations, la
restauratrice continue d'exploiter le restaurant en s'acquittant du loyer.
Les relations s'enveniment au point d'aboutir à des batailles judiciaires tant sur la
plan pénal, civil qu'administratif. Le 2 mai 1997, coup de théâtre : le tribunal
administratif ordonne l'expulsion de la société Exogène au motif qu'elle n'a ni droit
ni titre pour occuper les lieux. Cette décision était d'application immédiate. La SARL
Exogène doit rendre les clés au plus vite.
Dans ces conditions, la SARL Exogène convoquait, le 26 mai 1997, l'ensemble de son
personnel à un entretien préalable à un licenciement économique justifié par la
cessation d'activité en raison d'une décision d'expulsion.
Mais avant même d'avoir pu terminer la procédure de licenciement économique, quelle ne
fut pas sa surprise d'apprendre le 11 juin que le restaurant du théâtre était à
nouveau en activité.
Elle demande de l'aide à son syndicat
Jacqueline Solvet se voyait non seulement dépossédée de son outil de travail et ce sans
versement d'indemnités, mais en plus elle devait payer les indemnités de licenciement de
son personnel. Beaucoup de frais pour une même personne qui ne demandait qu'à continuer
à faire fonctionner le restaurant.
Membre du SNRLH, elle prend aussitôt contact avec son syndicat pour lui demander conseil.
Jacqueline Solvet se félicite de son choix : « Mon syndicat m'a soutenue tout au long
de mes tribulations juridiques, mais surtout m'a assistée devant le conseil des
prud'hommes en la personne de Franck Trouet, délégué du SNRLH, ce qui m'a permis de
gagner. » En effet, celui-ci lui précise qu'elle n'a pas à licencier son personnel,
puisque le restaurant continuait à être exploité et, par conséquent, le nouvel
exploitant devait reprendre tous les salariés.
Deux jours plus tard, elle écrit à l'ensemble de son personnel pour l'informer de la
réouverture du restaurant et l'inviter à s'y présenter afin de poursuivre leurs
contrats de travail conformément à l'article L.122-12 du Code du travail. En effet, cet
article prévoit qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur,
tous les contrats en cours au jour de la modification subsistent avec le nouvel employeur.
Les salariés se sont présentés au restaurant afin de reprendre leurs fonctions, mais le
responsable du théâtre Le Rond-Point leur opposait une fin de non-recevoir et les
renvoyait vers la société Exogène. Après divers échanges de courriers, un seul
salarié fut repris par la nouvelle société conduisant les 7 autres à saisir le conseil
des prud'
hommes de Paris.
Le conseil des prud'hommes a déclaré les dispositions de l'article L.122-12 du Code du
travail applicable aux contrats de travail des salariés de la société SARL Exogène,
qui étaient donc transférés à la société Le Rond-Point. Le conseil a déclaré que
la rupture des contrats était imputable à la SARL Le Rond-Point et constituait un
licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. En conséquence, cette société a
été condamnée à payer à chacun des salariés leurs indemnités de préavis et de
congés payés, des indemnités de licenciement ainsi que d'importants dommages et
intérêts pouvant aller jusqu'à 9 mois de salaire pour certains au titre du licenciement
sans cause réelle et sérieuse.
Affaire à suivre. Marcel Maréchal a fait appel de cette décision.
P. Carbillet
L'HÔTELLERIE n° 2601 Hebdo 18 Février 1999