Dans les écoles hôtelières
Le lycée Sainte-Thérèse de La Guerche-de-Bretagne accueille cette année trois jeunes malentendants. Ils suivent des cours de cuisine comme les autres élèves tout en bénéficiant de l'aide de traducteurs. Un bel exemple d'intégration dans la profession.
Depuis quelques années, les organismes spécialisés dans la formation des jeunes malentendants s'efforcent de placer leurs élèves dans des établissements dits "classiques" délivrant un enseignement général ou technique. Intégrés dans ces classes aux côtés d'élèves entendants, ces jeunes bénéficient ainsi d'une meilleure insertion et, réciproquement, les entendants apprennent à mieux connaître et à se familiariser avec ce handicap. En décembre, le lycée Sainte-Thérèse de La Guerche-de-Bretagne en Ille-et-Vilaine a signé une convention de partenariat avec l'Institut spécialisé Paul Cézanne afin d'accueillir en son sein plusieurs élèves malentendants. "L'institut Paul Cézanne à Fougères assure une formation cuisine mais, afin d'améliorer l'intégration des jeunes en entreprise, les dirigeants de l'institut ont souhaité qu'un lycée hôtelier s'ouvre aux jeunes malentendants, témoigne Joseph Le Gal, directeur au lycée Sainte-Thérèse. Au début, nous nous sommes posés quelques questions avec l'équipe enseignante et puis nous avons donné notre accord." Cette année, le lycée hôtelier accueille donc trois jeunes sourds en formation cuisine. Sandrine, Flavien et Noël viennent de quitter leurs cours à l'institut Paul Cézanne pour rejoindre les classes de première année de Bac et de BEP du lycée hôtelier.
Une écoute particulière
Même si ces élèves suivent les mêmes cours que les autres, ils demandent un entourage
particulier. Ainsi, "sept personnes de l'institut Paul Cézanne viennent ici pour
quelques heures de cours", explique Joseph Le Gal. Pour les heures de cuisine,
ces jeunes sourds suivent les explications du professeur au tableau ou en lisant sur ses
lèvres. Néanmoins, ils peuvent ne pas saisir la globalité du cours, le professeur se
déplaçant facilement et pouvant se retrouver derrière eux pour expliquer un point
précis. Ils bénéficient donc de l'aide d'un professeur de cuisine traducteur,
s'adressant à eux en LSF (Langue française des signes). "Nous avons également
besoin de l'appui d'un traducteur pour des matières telles l'nologie, afin
d'expliquer des particularités techniques, comme la vinification etc.", rappelle
Joseph Le Gal, lui-même professeur d'nologie. Mais s'ils bénéficient de l'aide
d'un traducteur, ils restent en général dans la même classe que les autres élèves,
excepté toutefois pour les mathématiques, le français, l'anglais etc. où les
enseignements sont assurés dans une classe à part. Pour le reste, ces jeunes vivent le
règlement de l'école à l'identique. "Ils respectent le règlement interne de A
à Z, vivent chez des familles d'accueil avec un entendant, précise le directeur.
La cohabitation avec les autres élèves se déroule parfaitement bien. Les jeunes
découvrent un monde qu'ils n'imaginaient pas et portent un regard différent sur le
handicap en général."
Quel avenir dans la profession ?
Reste à savoir si ces jeunes peuvent espérer un avenir dans cette profession. D'ores et
déjà, la formation en salle leur est quasiment inaccessible, on ne peut pas en effet
demander aux clients la compréhension ou la patience nécessaire. Ils s'orientent donc
vers la cuisine. Selon Joseph Le Gal, "difficile en effet de les imaginer dans de
grands gastros, ou dans de grandes brigades. Mais dans des collectivités ou dans des
restaurants n'assurant que des menus, c'est tout à fait envisageable". Deux
restaurateurs de la région, informés de leur présence au lycée, se sont déjà
manifestés. "Ce sont deux petites structures, en Mayenne et en Ille-et-Vilaine."
Et quel que soit leur avenir professionnel (faisons toutefois confiance à
l'établissement dont la devise est "une école, un métier, un emploi"), ils
effectueront en fin d'année leur stage en entreprise comme tout le monde.
Avant d'intégrer directement ces jeunes, le lycée hôtelier assurait déjà depuis
plusieurs années la fonction de centre d'examen pour jeunes sourds. "Le taux de
réussite de ces jeunes à l'examen est plutôt bon." A la rentrée prochaine, le
lycée devrait accueillir quatre nouveaux élèves malentendants. En attendant, le
directeur de l'institut Paul Cézanne se félicite de l'action du lycée hôtelier,
congratulant son directeur pour "l'acte citoyen dont vous faites preuve. Ces
jeunes ont besoin de vous, nous vous en remercions !" Présents lors de la
signature de la convention, Sandrine, Flavien et Noël semblaient tout à leur aise dans
leur nouveau lycée. Des élèves comme les autres, si ce n'est le petit appareillage
discret derrière l'oreille...
O. Marie
Lycée hôtelier Sainte-Thérèse
Rue du Four - BP 72
35130 La Guerche-de-Bretagne
Tél. : 02 99 96 39 39
Fax : 02 99 96 11 83.
L'HÔTELLERIE n° 2602 Hebdo 25 Février 1999