Il est plus facile de proclamer l'égale dignité des
voies de formation que de la réaliser. Campagnes de communication, discours, visites
officielles dans les lycées professionnels ne suffiront jamais à contrebalancer la force
de résistance des mentalités des parents et des enseignants. C'est en effet à ce
niveau-là que les problèmes se posent : de par les projections qu'ils font sur leurs
enfants, les parents privilégient toujours les filières générales, universitaires, et
vivent comme une fatalité tant la médiocrité des résultats de leurs enfants que leur
manque d'intérêt au cursus choisi. Question d'image, question d'honneur, ils vivront
mieux l'allongement d'études littéraires en université qu'une formation de 2 années en
BTS même si elle permet une intégration rapide à une vie professionnelle pleine
d'avenir pour un jeune motivé et convenablement formé. Une réaction qui n'est que le
résultat de l'attitude des enseignants envers les formations techniques. Des formations
qu'ils méconnaissent et qu'ils rejettent, aussi bien pour leurs élèves que pour
eux-mêmes. Il suffit d'observer les contorsions auxquelles ils se livrent quand, nommés
dans un lycée technique, ils cherchent un changement d'affectation dans n'importe quel
établissement pourvu qu'il permette d'intervenir dans le cadre d'un enseignement
général. Il suffit d'évaluer la portée des propos tenus aux élèves médiocres, voire
mauvais, pour qui la menace permanente est une orientation vers le technique ou
l'accablement des enseignants face à un bon élève, motivé par une formation technique,
à qui l'on recommande systématiquement de prendre du temps afin de changer de filière
le plus tard possible ! Combien d'adolescents, pas assez mauvais élèves, ont rêvé
d'être cuisinier, pâtissier ou serveur et s'ennuient aujourd'hui au comptoir d'une
banque faute d'avoir pu intégrer une école hôtelière ou d'être entrés en
apprentissage du fait du refus des parents et des enseignants. Aujourd'hui, les filières
techniques sont trop souvent celles que l'on réserve aux élèves en situation d'échec
scolaire, des filières où les élèves manquent de motivation pour intégrer un secteur
professionnel tel que celui de l'hôtellerie-restauration, exigeant et prenant. Un secteur
qui nécessite une motivation forte pour, à son tour, satisfaire les besoins d'évolution
de ses acteurs. Au-delà des déclarations d'intention politiques, la formation
professionnelle, pour mieux remplir sa mission, implique un réel mouvement en sa faveur.
Certains imaginent un passage obligatoire de tous les enseignants une année tous les 10
ans dans une entreprise, en responsabilité. L'idée est à creuser.
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2604 Hebdo 11 Mars 1999