Des vacances de plus en plus longues, des durées de transports qui se réduisent, des concepts d'hôtels-club qui explosent, l'hôtellerie de loisirs en France est en mutation. Pour capter le vacancier, les hôteliers doivent se couvrir avec de nouvelles casquettes d'organisateurs de séjours.
Si on admet que la France puisse être un grand pays touristique et si on ajoute que le taux de départs en vacances des Français est de l'ordre de 75 %, cela fait beaucoup de personnes à la recherche d'un toit pour dormir. Environ 14 % des nuitées touristiques se déroulent dans les hôtels. Toutefois, la physionomie de la demande change peu à peu. Les hôteliers se heurtent à une clientèle légère, qui a du mal à rester en place, et la durée moyenne des séjours des vacanciers dans les hôtels en France s'amenuise. Enfin, les professionnels doivent faire face à la montée en puissance des destinations lointaines affichant des prix hors normes. D'où une fuite de la clientèle qui, pour des tarifs quasiment identiques, préfèrent s'offrir une semaine de vacances voire plus sous le soleil des tropiques plutôt qu'en France, réservant les courts séjours à la découverte de l'Hexagone.
"Dès qu'ils peuvent prendre plus d'une semaine de vacances, les Français veulent à tout prix quitter le territoire. Pourtant, je suis sûr qu'ils ne connaissent pas toutes les richesses cachées de chacune de nos régions", se lamente Pierre Lallemant, hôtelier breton. "En fait, ils partent loin parce qu'ils ont l'illusion de s'ennuyer quand ils sont près de chez eux. " Les hôteliers qui travaillent avec une clientèle de loisirs doivent à présent faire de plus en plus preuve d'ingéniosité et d'inventivité. Cette dernière a beaucoup changé depuis quelques années. Elle est devenue de plus en plus dépendante et attend une plus forte prise en charge par l'hôtelier qui l'héberge. "C'est la faute du Club Med ", dit Martine Michaud, hôtelière dans le Var. Avec le développement des formules tout compris, les activités sportives à gogo et autres soirées à thème, les personnes en vacances ne veulent plus se soucier de rien. Les formules club ont éduqué le public à demander de la prestation complète partout ailleurs. Les mauvaises habitudes sont les plus dures à perdre. Nouvelles Frontières ne s'y est pas trompé. Quand le tour-opérateur a voulu développer son pôle hébergement, ce sont essentiellement vers des hôtels-club qu'il s'est tourné. Sur le tourisme de loisirs, l'hôtel seul, le produit sec comme on dit, n'a plus d'avenir.
Aujourd'hui, il paraît évident qu'il n'est plus concevable que l'hôtelier ne fasse que tendre les clés d'une chambre. Les professionnels du secteur ont dû revoir leur copie dans la définition des prestations à fournir à la clientèle. "L'hôtelier est devenu en quelque sorte l'annexe des offices du tourisme. Idéalement, il doit prévoir tous les samedis matin une demi-heure pour expliquer à ses occupants tout ce qu'il est possible de faire dans la région. Il doit pouvoir renseigner sur les horaires et les prix de chaque activité, qu'elle soit culturelle ou sportive", explique Jean Louis Gelos, président de la Fédération nationale des professions hôtelières saisonnières, affiliée à la FNIH. De nombreux hôteliers de montagne organisent des excursions à ski et accompagnent leurs clients. Bien des professionnels à la campagne emmènent leurs hôtes à la cueillette aux champignons, à la pêche ou en randonnée. Mais, malgré cette prise en charge très appréciée, le client ne veut pas être captif. Il n'est plus envisageable d'imposer la pension et la demi-pension. La liberté doit être clairement laissée aux clients. L'hôtelier, qui peut aussi être restaurateur, doit être capable d'envoyer certains soirs ses clients chez un restaurateur " concurrent " à proximité. Dur dilemme. Il ne peut plus vivre en autarcie et se montre ambassadeur de son pays. "L'un des points forts de la France, pour les étrangers, c'est la diversité de chaque région. Elles ont toutes une particularité et un charme distinct les unes des autres. C'est pour cela que nous sommes le pays le plus visité. L'accueil et la personnalité de chacun aidera la clientèle à trouver son bonheur, ce qui l'incitera à rester", argumente François Effling, président du groupement des saisonniers, affilié à la Confédération.
En termes d'aménagement, l'hôtellerie de vacances n'a pas eu à subir de
transformations notables, si ce n'est de suivre l'évolution de l'équipement des foyers.
On ne lui demande pas des aménagements extraordinaires, mais seulement des équipements
adaptés aux séjours de plusieurs jours. Question de bon sens. Car aller à l'hôtel
durant les vacances est encore une fête où les hôtes ne veulent pas souffrir d'un
confort inférieur à celui qu'ils ont chez eux. L'hôtellerie traditionnelle de loisirs a
été poussée dans ses retranchements en raison du développement faramineux des
nouvelles propositions de vacances. Si, il y a quelques années, bien des
hôteliers-restaurateurs de longs séjours quittaient volontiers par passion et par envie
leurs fourneaux pour jouer les gentils organisateurs, pratiquement tous sont condamnés à
cette option, pour laquelle ils n'ont pas été formés. Guy Lavendrine, hôtelier dans le
Périgord, ne s'y oppose pas : " C'est un nouveau métier que je pratique à
côté de mon métier d'hôtelier. Mais, pourquoi pas. J'y prends goût et surtout du bon
air. "
M. L. Estienne
L'HÔTELLERIE n° 2606 Supplément Economie 25 Mars 1999
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