Alors que l'on parle massivement des programmes spectaculaires de rénovations profondes de palaces parisiens, comme le George V ou le Meurice, où en est-on ailleurs ? Bien que moins médiatiques et surtout moins onéreuses, les rénovations touchent désormais toutes les catégories d'hôtels et deviennent plus sérieuses.
"Le marché de la rénovation a de beaux jours devant lui ", s'exclame
cet architecte d'intérieur. Alors
que parallèlement on ne construit moins plus d'hôtels neufs dans l'Hexagone, nombreux
sont les hôteliers qui entament des programmes de rénovation plus lourds qu'auparavant.
D'abord parce que la clientèle est demandeuse d'hôtels modernes et neufs. Egalement,
parce qu'après plusieurs années difficiles qui ont conduit les banquiers à accorder peu
de prêts, le parc hôtelier français a commencé à vieillir de façon dramatique. On
pense qu'il existe encore en France entre 3.000 et 4.000 établissements hôteliers
classés, qui seraient vétustes ou en mauvais état, même si les choses se sont bien
arrangées ces dernières années. " A priori, un hôtel est construit pour 10
ans, en comptant un rafraîchissement dans l'intervalle, avant d'entreprendre des
rénovations lourdes, explique une décoratrice d'intérieure. Cependant, des
écarts peuvent se produire en fonction du mix clientèles. Par nature, les groupes
maltraitent plus les installations que les clients individuels. " Car il faut
bien avouer que pendant des années les rénovations hôtelières se sont résumées à un
simple coup de pinceau, à de la cosmétique, pour donner l'illusion du neuf. Aujourd'hui
ce n'est plus possible, on en convient. L'esthétique ne suffit plus. Le rééquipement
fait partie des priorités du moment.
Ces derniers temps les rénovations de palaces comme le Georges V ou le Meurice ont fait couler beaucoup d'encre. Il faut dire que les budgets colossaux qui leur sont consacrés en font rêver plus d'un. Autour de un million de francs ramené à la chambre en moyenne, d'après Bruno Pouget, directeur d'Hotel Service International, une société spécialisée dans le rééquipement d'établissements hôteliers. Cela dit, en matière de rénovation, rares sont les hôteliers qui peuvent réaliser une réfection complète de leur établissement comme ils le voudraient. Des choix de priorités d'investissements sont généralement à faire. Actuellement on constate que la faveur est de plus en plus accordée au confort du client. Après les télévisions par satellite, les aménagements très professionnels de cabines de douches, les choix de literies efficaces, etc... la climatisation fait son apparition dans l'hôtellerie française. A titre d'exemple, plus de la moitié des hôtels de chaîne ayant des projets de rénovation d'ici 3 ans, interrogés dans le cadre du dernier Baromètre Energétique Gaz de France réalisé par Coach Omnium, mettent la climatisation en tête de leurs préoccupations. Par ailleurs, les normes de sécurité et d'hygiène à respecter étant drastiques, beaucoup d'hôtels construits il y a plus d'une vingtaine d'années doivent entamer des travaux afin de se conformer aux nouvelles règles. Enfin, les clients sont tout de même 42 % à penser que l'hôtellerie française devrait faire l'objet de sérieux travaux de rénovation. D'après eux, la priorité d'investissement revient à la salle de bains, à l'isolation phonique et à la literie, notamment.
Une fois la décision prise d'engager des travaux de rénovation, l'hôtelier est
confronté à un sérieux dilemme. Vaut-il mieux rénover l'ensemble de son établissement
mais de manière partielle ou bien attaquer une rénovation plus profonde, mais
échelonnée sur plusieurs années ? La réponse est dure à trouver. Cette angoisse se
présente régulièrement parce que les fonds manquent. Si les chaînes ont pour habitude
de provisionner chaque année entre 2 et 4 % de leur chiffre d'affaires au titre des
rénovations futures, la majorité des hôteliers n'ont pas cette tactique ou ne peuvent
se le permettre. Actuellement, le coût total d'une rénovation oscille entre 1,5 et 3,5
millions de francs et les hôteliers doivent souvent avoir recours à des emprunts.
Echaudés par des années de crise, la plupart d'entre eux craignent la durée du retour
sur investissement. Evidemment, le montant et le déroulement des travaux dépendent de
l'état de vétusté de l'établissement. A côté de ce problème, même si les clients
comprennent que les hôteliers ne peuvent pas engager des réfections massives, ils sont
de moins en moins tolérants concernant le rapport prix/prestation. Surtout lorsque l'on
sait que la plupart des clients qui fréquentent les hôtels sont mieux équipés chez eux
que le plus récent des hôtels (télévision 16/9ème, mitigeurs dans la salle de bains,
bonne isolation phonique, qualité de chauffage,...). En résumé, la situation est
difficile en soi pour les hôteliers mais peut malgré tout être porteuse d'espoir. 75 %
des clients d'hôtels estiment qu'un hôtel rénové incite à l'essayer. Et essayer,
c'est parfois adopter. D'ailleurs, la plupart des professionnels qui s'engagent dans
d'importants travaux de rénovation constatent, après coup, une augmentation
significative de leur taux d'occupation.
G. Floch
L'HÔTELLERIE n° 2606 Supplément Economie 25 Mars 1999