Si les restaurateurs sont souvent la cible de bien des détracteurs, qu'ils se rassurent : leurs clients les aiment et aiment fréquenter leurs établissements. Mais, qui aime bien, châtie bien. Les consommateurs ont des reproches à faire, notamment sur le personnel de salle et sur les prix de l'eau et du vin.
Les clients au restaurant compliquent la tâche des restaurateurs, tant ils sont changeants et incernables. Pour mieux comprendre ce qui se trame dans les cerveaux embrouillés de ces consommateurs, Coach Omnium vient de réaliser une grande étude quali-quantitative auprès de 601 clients de restaurants. Elle avait pour but de connaître leur avis et leur perception de la restauration et des restaurateurs. Au départ, à la lecture des nombreux courriers de lecteurs des magazines et des articles des critiques gastronomiques qui traitent des expériences dans les restaurants, on pourrait penser que la restauration a une mauvaise image auprès du public. Il n'en est rien. Les clients de la restauration sont plutôt satisfaits des professionnels. Ils sont 80 % à penser que les restaurateurs font plutôt bien leur métier et 91 % se sentent plutôt les bienvenus dans les restaurants qu'ils fréquentent. Cela rassure. La restauration est une activité que le public aime. Elle l'attire, l'intrigue, se fait admirer et se montre parfois magique. La médiatisation des grands chefs, mais aussi des petites maisons de charme, en est en partie la cause. Et puis, la nourriture est une valeur refuge. Mais, quand les restaurateurs croient devoir donner du rêve à leurs clients, ces derniers ne réclament que du plaisir, un peu de bonheur et de bons moments à passer. Ils voudraient que le fait d'aller au restaurant, même le temps très court d'un repas pressé, soit une évasion, une rupture avec le stress du quotidien et un "petit morceau de vacances". D'où le succès de beaucoup de formules à thème.
On constate que les Français vont relativement souvent au restaurant. Si 93 % disent y aller au moins une fois par an, 40,9 % les fréquentent de une à plusieurs fois par semaine, même si un grand nombre de repas dépendent surtout du contexte professionnel. 56 % y vont souvent dans le cadre du travail, essentiellement au déjeuner ou au dîner lors de voyages d'affaires. 90 % s'activent dans les restaurants dans un cadre privé. Du coup, les clients de restaurants sont de vrais experts, capables de choisir une table avec quelques critères précis, et susceptibles de voir ce qui va et ce qui ne va pas d'un coup d'il. Leurs goûts et leurs attentes sont simples : schématiquement une cuisine honnête (67 % y sont sensibles), un cadre chaleureux pour 31 % des clients et un prix raisonnable pour 69 % des personnes. Le type de cuisine est le premier critère de sélection d'un restaurant, avant le prix et le cadre. On va au chinois, à la pizzeria, à la brasserie, etc... Ces clients de restaurants sont malgré tout des consommateurs "gentils" et tolérants. Ils se plaignent finalement rarement et quand ils sont déçus, ils ne reviennent pas, simplement. Ce qui fait que beaucoup de professionnels n'ont pas toujours les moyens de savoir ce qui peut aller mal chez eux. Les clients s'expriment peu en direct. Ils sont aussi, de manière inattendue parce qu'on les accuse de zapping, des "multi-fidèles" qui fréquentent plusieurs restaurants mais souvent les mêmes. 59 % s'estiment attachés à un ou à plusieurs restaurants. Les gros utilisateurs sont plus fidèles aux mêmes établissements que les occasionnels.
La multifidélité est contradictoire. D'un côté les consommateurs veulent vivre des expériences différentes ; et de l'autre, il ne veulent pas prendre de risques en changeant constamment de restaurants. Justement, les clients vagabondent dans toutes les formes de restauration sur un éventail large, selon les tranches de la population et selon leurs revenus, bien sûr. Même s'ils sont peu attirés par les restaurants d'hôtel durant leurs déplacements, ils vont en temps normal dans les chaînes de restaurants (46 % disent les fréquenter occasionnellement ou régulièrement), chez les indépendants traditionnels, dans les cafés-brasseries, dans les fast-food, etc... Mais, là où les professionnels veulent voir de la concurrence entre la restauration rapide et la restauration traditionnelle, par exemple, les clients ne voient que des formes différentes d'établissements servant des repas. Au contraire, cette diversité dans les formes de restauration leur convient tout à fait. A chaque envie ou à chaque occasion correspond une formule.
Le repas composé de trois plats a la vie dure en France, même si la tendance, déjà observée, confirme qu'on s'oriente de plus en plus vers les repas à un ou deux plats. Cet allègement et cette déstructuration des repas ont plusieurs causes : le souci de moins manger pour la forme et la santé, le développement accéléré du grignotage (les gens ont moins faim quand ils arrivent au moment des repas), la désacralisation des repas et la banalisation du restaurant. Ceci explique aussi en partie pourquoi les additions stagnent depuis ces dernières années. Cependant, plus on a affaire à un repas de fête ou d'exception (à une grande table par exemple), et plus le menu est riche en quantité de plats. Au dîner, alors qu'il s'agit d'un moment de détente où le temps compte moins et où il peut y avoir également plus de laisser-aller, les repas sont plus structurés que lors des déjeuners. Mais, même les déjeuners professionnels ont pris le pli de la simplicité avec un moins grand nombre de plats. Il y a une façon nette de départager les tendances de consommation selon les typologies de clientèles. Ainsi, les femmes sont plus adeptes des repas composés d'un plat unique que les hommes. Les clients qui vont le plus souvent au restaurant sont également ceux qui délestent le plus leurs repas. En revanche, les plus âgés s'offrent plus facilement au restaurant des repas avec les trois plats traditionnels. Enfin, les travailleurs manuels et les classes populaires consomment habituellement des repas de restaurant avec entrée, plat et dessert. Ils attendent aussi que les portions soient plus copieuses que chez les autres catégories de la population.
Les clients de restaurants sont aussi des donneurs de pourboires (3/4 en donnent plus ou moins souvent : entre 10 et 25 francs) et aiment le vin bouché et même l'apéritif (surtout le soir), alors que les digestifs n'ont plus la cote. Ils apprécient aussi particulièrement la gastronomie régionale et la cuisine du terroir, notamment quand ils voyagent. Pour sélectionner un restaurant que l'on ne connaît pas, le bouche-à-oreille est le premier moyen utilisé par les clients (78 % en contexte privé et 58 % en contexte professionnel). La devanture du restaurant est décisive pour pousser ou non la porte du restaurant pour 20 % des consommateurs. Les clients utilisent relativement souvent les guides gastronomiques quand ils voyagent pour trouver un restaurant et se laissent attirer, outre par la devanture, par un porte-menu efficace. A noter que l'impact de la publicité est en général faible : environ 2 % de clients seulement disent être allés dans un restaurant après avoir vu une publicité. Les titres-restaurants dont bénéficient 13 % de personnes, les incitent également à fréquenter davantage les restaurants. A noter aussi que 42 % des consommateurs ne réservent jamais une table au restaurant, sauf dans les grandes occasions ou auprès des établissements souvent complets, bien sûr. Mais, l'obligation de réserver en fait fuir beaucoup.
Si globalement la clientèle aime les restaurants, tout n'est pas toujours si rose, car
les consommateurs font également beaucoup de reproches ici et là. Ils aimeraient que les
professionnels apportent la preuve qu'ils développent une véritable valeur ajoutée dans
leur art culinaire et dans leur devoir de proposer un cadre et une ambiance sympathiques,
où l'on se sent bien. On est surtout mécontent du personnel de salle, que l'on trouve
souvent pourtant accueillant. 66 % des clients croient par exemple qu'il est inefficace,
40 % pensent qu'il n'est pas professionnel, 65 % déplorent son manque d'esprit commercial
et 57 % se plaignent qu'il n'est pas assez disponible. Si les montants des additions
semblent normaux pour 76 % des personnes, 59 % déclarent qu'ils trouvent l'eau minérale
trop chère et 51 % sont du même avis pour le vin servi au restaurant. S'ils comprennent
que faire la cuisine, même modestement, demande un savoir-faire, ils ne voient pas où
est la valeur ajoutée à seulement déboucher (ou décapsuler) une bouteille. Les clients
regrettent aussi qu'il n'y ait pas plus de vin en demi-bouteilles. Enfin, 29 % des
consommateurs détestent attendre au restaurant (première cause de mécontentement) et 16
% râlent contre le manque de place et contre les nuisances, telles que le bruit, les
fumées de cigarettes ou encore les téléphones portables. Cette étude, qui ne porte
volontairement que sur la demande, les attentes et le comportement d'achat de la
clientèle de la restauration, confirme, quantifie, explique de nombreuses tendances que
les professionnels ont pu observer sur les changements des modes de consommation en
restauration depuis ces dernières années. Et ce n'est pas fini.
M. Watkins
Méthodologie et échantillonCette étude originale a été réalisée du 27 novembre et 11 décembre 1998. 601 clients de restaurants ont été interviewés en face-à-face : 59,2 % d'hommes et 40,8 % de femmes. 33 % d'habitants de la région parisienne et 67 % de provinciaux. Cette étude a permis de recueillir près de 46.000 données sur 85 items portant sur la restauration. |
LA STRUCTURE DES REPAS | ||||
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Plusieurs réponses possibles | % sur répondants | |||
le midi | le soir | |||
l un plat unique | 27 % | 9,2 % | ||
l un plat et un dessert | 27 % | 26,1 % | ||
l une entrée et un plat | 20,4 % | 16,9 % | ||
l une entrée, un plat et un dessert | 32,3 % | 58,2 % | ||
Source Coach Omnium | ||||
LES BOISSONS CONSOMMÉES HABITUELLEMENT AU RESTAURANT | ||||
Plusieurs réponses possibles | % sur répondants | |||
le midi | le soir | |||
l aucune/carafe d'eau | 5,3 % | 5,8 % | ||
l apéritif | 5,8 % | 26,7 % | ||
l vin bouché | 38,1 % | 70,5 % | ||
l vin pichet | 13,6 % | 13 % | ||
l eau minérale | 51,5 % | 38,7 % | ||
l café, déca | 79,3 % | 54,4 % | ||
l bière | 4,5 % | 4,5 % | ||
l autre (sodas, thé, jus de fruit, cidre) | 4 % | 5,8 % | ||
Source Coach Omnium |
L'HÔTELLERIE n° 2606 Supplément Economie 25 Mars 1999