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Restauration l Eléments du succès des restaurants

Les restaurateurs soignent leur décor

L'arrivée des chaînes et des restaurants à thème a donné une toute nouvelle importance aux décors. Au plus grand bénéfice des clients. Le design n'est néanmoins pas l'apanage des géants puisque même les restaurants indépendants et surtout les lieux branchés des grandes villes jouent sur la décoration pour se faire un nom.

Le succès d'un restaurant ne se limite plus à la personnalité de son patron et de sa cuisine. Le cadre est devenu un élément clef pour exciter les foules. La dernière étude sur la restauration réalisée par Coach Omnium confirme ainsi que "le public réclame du plaisir, un peu de bonheur et de bons moments à passer. Il veut que le fait d'aller au restaurant soit une évasion. Un restaurant est un tout, au-delà de la seule table". Le client ne va plus simplement au restaurant pour se sustenter, il veut aussi un cadre et une ambiance chaleureuse et réconfortante. Le restaurateur doit savoir être original, différent et créatif. "Le restaurant doit avoir un look. Et le décor est pour cela un passage obligé", déclare Patrick Derdérian, créateur de plusieurs formules à succès. Selon Coach Omnium, 31 % des clients de restaurants affichent un intérêt majeur pour le décor. Et pour plus d'un tiers des consommateurs, le décor constitue le premier élément qui les incite à pousser la porte.

Un décor doit être le fruit d'une réflexion

Les dés sont jetés. Dans les restaurants de chaîne, la décoration est primordiale car elle participe à la notoriété et à l'identification de la marque. Les restaurants thématiques misent essentiellement sur le cadre et l'ambiance, qui sont une des bases de l'expression d'un concept. Le restaurateur ambitieux ne s'y trompe pas et sait qu'en misant sur le décor il décuple ses chances de réussite. La Grande Armée, l'Alcazar, le Buddha Bar, le Bermuda Onion, pour les plus récents, la Coupole, le Procope et bien d'autres parmi les anciens, se caractérisent par un cadre original et dont la manifestation n'est pas le fait du hasard mais bien le résultat d'un acte réfléchi.
L'éclosion d'un décor doit être pensée dans le cadre d'une véritable démarche conceptuelle. Le "look", dont parle Patrick Derdérian, se décline dans le décor mais également à travers tous les éléments constitutifs de la restauration. Pour un concept homogène, il faut harmoniser décor, tenues vestimentaires et gastronomie. "Le décor et l'ambiance doivent se confondre avec le thème général mis en place par un établissement, tant au niveau des saveurs que du personnel recruté. Il doit ressortir un ensemble harmonieux", explique Thierry Bégué, qui a lancé le Buddha Bar. A l'image de la tendance outre-Atlantique en matière de restauration, le Rainforest, qui doit ouvrir ses portes sur le site de Disneyland Paris dans les prochains mois, décline son thème à foison, de la tenue vestimentaire, au décor, en passant par l'animation. "Au Rainforest, la décoration est tout à fait stupéfiante, on croise des animaux automates dans une végétation luxuriante, des orages éclatent toutes les 30 minutes, c'est du jamais vu", raconte un client de retour de Londres, encore impressionné de cette nouvelle expérience. Mais, l'exemple de Rainforest demeure aujourd'hui marginale en France où on joue la thématique à notre niveau, avec plus de sobriété. " Alors que les Américains développent souvent des décors animés et actifs, les concepts français sont encore passifs et statiques. Le décor ne bouge pas et une fois peint, il est là une fois pour toute ", explique un consultant.

Une affaire de spécialistes

Le décor recherché et la mise en place d'un concept représentent un véritable créneau pour les indépendants qui peuvent trouver là le moyen de se distinguer. "L'originalité de notre concept, l'association du livre et de la restauration, qui se traduit dans le décor et l'animation, est la base de notre succès", confirme le responsable de la Fourmi Ailée, un restaurant littéraire à Paris. En revanche, "la chaîne de restaurant Batifol, qui a envisagé la recherche conceptuelle avec trop de légèreté, a dû changer d'adresse", remarque un observateur. Un décor ne s'élabore pas à la légère. "Les Américains ont été les premiers à savoir qu'il fallait faire appel à des professionnels pour le look", déclare Patrick Derdérian. "Là bas, ils ont un spécialiste pour chaque aspect de la restauration." Architectes, designers, décorateurs... sont très souvent sollicités.

Un surcoût à l'investissement

En France, les restaurateurs sont de plus en plus nombreux à faire appel à ces concepteurs. Pour la plupart des chaînes, c'est devenu une nécessité. Hippopotamus travaille ainsi en permanence avec deux architectes-décorateurs, la Brioche Dorée est également en relation avec trois cabinets spécialisés. Architectes, décorateurs ou designers se cachent, par ailleurs, derrière tous les concepts à succès. Patrick Derdérian pour le Zébra Square, Oh!..Poivrier! et le Bermuda Onion entre autres, Andrée Putman pour Lô Sushi, Terence Conrad pour l'Alcazar, etc. Certaines chaînes ont même intégré des spécialistes au sein de leur siège. La Criée a un service décoration, qui réunit notamment un aquarelliste et un spécialiste de l'encadrement, et au sein duquel le décor est un sujet permanent de réflexion. Pour ces professionnels de la restauration, le décor n'est pas un élément figé, mais doit au contraire évoluer avec l'air du temps afin de rester le plus possible en accord avec la clientèle. Mais pour les indépendants, la création d'un concept et la mise en place du décor qui en découle est un sujet épineux car coûteux. "Tout le monde ne peut pas se permettre de faire le grand saut." En effet, selon Patrick Derdérian, il faut compter 10.000 francs du m2 pour les frais d'honoraires et les travaux d'aménagement intérieur, ce qui correspond à près de 15 % d'un investissement global. D'une manière générale, un décor particulier enrichi d'accessoires, de niches, d'un mobilier original, de matériaux nobles... coûte en moyenne de 15 à 30 % plus cher qu'un décor " classique " de restaurant.

Vers une politique sérieuse du décor

En matière de décor et de rénovation, la chaîne de restauration rapide, Quick, dispose d'une stratégie d'anticipation. Un nouveau décor apparaît ainsi tous les deux ou trois ans, grâce à un bureau de design intégré à l'entreprise, qui se charge de l'aspect intérieur des établissements. Les rénovations sont planifiées 3 ans à l'avance : la chaîne se base notamment sur les rythmes normaux prévus et l'observation du marché par les exploitants. Tous les cinq ans, les établissements de l'enseigne Brioche Dorée sont remis au goût du jour. Les couleurs très "flashantes" des premiers points de vente ont été abandonnées pour des coloris et des matières plus chaudes. Trois générations de Brioche Dorée se sont succédé en 18 ans. La politique d'Hippopotamus est différente. Ses dirigeants ont choisi de faire évoluer les exploitations tout en douceur. "Il faut faire en sorte que lorsqu'on regarde dans le détail, on voie l'évolution, que l'on s'étonne d'éléments nouveaux mais que, globalement, Hippopotamus reste le même", explique Pierre Cassagne, directeur général de l'enseigne. Approche contraire, en 15 ans d'existence, le décor de l'enseigne Oh!..Poivrier! n'a jamais évolué. " Le concept est si fort que retoucher à un de ses éléments peut tout faire tomber ", y explique-t-on. Et aujourd'hui, la chaîne est confrontée au vieillissement de ses établissements. Mais, Patrick Derdérian met en garde le restaurateur : "Si le décor doit évoluer, il faut veiller à en conserver la moelle, l'essence même." D'où l'importance de chercher à imaginer l'évolution future d'un concept au moment même de sa conception initiale. Très fort.

La qualité, pas seulement dans l'assiette

" Je n'ai pas les moyens de m'offrir un décor "cheap" ", déclare Pierre Cassagne. De plus en plus, les professionnels de la restauration s'orientent vers l'utilisation de matériaux nobles. " La qualité dans le décor, notamment, a toujours été un souci permanent chez Hippopotamus, car c'est le moyen le plus sûr de se pérenniser ", ajoute le responsable de la chaîne. "A La Criée, nous faisons appel à de vrais artistes et à des artisans pour la réalisation de nos toiles et de nos maquettes", s'enorgueillit à juste titre Sophie Damour, responsable de la décoration. A Rennes, le Museum Café offre à sa clientèle une collection d'objets rares dans un décor somptueux. Ce principe n'est pas l'apanage des restaurants de luxe, puisqu'un établissement McDonald's, implanté récemment sur le site de Disneyland Paris, s'est doté de fauteuils et de banquettes de velours. Aujourd'hui, la clientèle est très attentive et ne se satisfait plus des décors de toc.

La richesse est dans le métissage

Néanmoins, cette surenchère de la qualité n'est pas toujours synonyme de surenchère déraisonnable dans le décor. Les thématiques fortes à la Planet Hollywood ne valent que pour des restaurants branchés, qui s'adressent à une clientèle très ciblée, et dont la fréquentation ne peut être qu'occasionnelle. "Il faut adopter la décoration à ses objectifs : pour un restaurant que l'on souhaite reproductible, il faut un décor de qualité, mais au caractère plus classique que marginal", analyse Pierre Cassagne. Il ne doit pas y avoir un type de décor unique mais plusieurs. Les clients ne veulent pas être mis dans un même moule. Ils tiennent à leur indépendance et veulent pouvoir choisir eux-mêmes parmi une multitude de possibilités. En plus, le consommateur apprécie le changement. Les professionnels l'ont bien perçu et savent qu'il faut de la place pour tout le monde. En matière de décor de restaurant, il ne peut y avoir une, mais plusieurs tendances : le décor peut être minimaliste, tropical ou ethnique, du moment qu'il participe à créer une ambiance et engendre le bien-être de ses visiteurs. Si l'on devait préférer une tendance, ce serait celle de la mondialisation. Car elle est plurielle, multiple et en mouvement perpétuel. Nombreux sont les restaurateurs qui ont compris qu'il faut puiser son inspiration au-delà de nos frontières. La Criée a trouvé une source d'inspiration dans les pays nordiques, Hippopotamus ou Buffalo Grill se sont inspirés des Etats-Unis, le Zébra Square de l'Afrique, Lô Sushi du Japon, etc. Au Buddha Bar, on parle même de l'ère du métissage. Si son décor est essentiellement d'inspiration asiatique, sa cuisine réunit plusieurs traditions culinaires dans un même plat, en l'occurrence des saveurs françaises et asiatiques.
A. Vallée


« Le restaurant doit avoir un look », déclare Patrick Derdérian, créateur du Zébra Square.


La Criée, ou l'alliance du décor et de la cuisine de la mer.


L'HÔTELLERIE n° 2606 Supplément Economie 25 Mars 1999

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