Bordeaux
Dans un département ou la hausse du nombre de tués sur les routes atteint de tristes records, + 36 % en 1998, soit 58 tués de plus sur un total de 220 morts sur les routes, personne ne peut rester indifférent. "Nous savons que l'alcool n'est pas seul en cause. Néanmoins, faire prendre conscience aux jeunes conducteurs que l'imprégnation d'alcool favorise grandement le risque d'accident est un premier pas contre ce fléau." Le préfet délégué à la sécurité en Gironde, Jacques Gérault, l'a dit le 9 février, en préambule de la signature des deux chartes signées par les trente-sept professionnels de la nuit regroupés au sein de l'Association des commerçants et riverains de la place de la Victoire et au sein du GIE de Paludate.
La fête c'est bien, le retour ça craint !
Concrètement comment ceci devait fonctionner ? En entrant à partir de 23 h 30 dans l'un
des 24 établissements signataires de la place de la Victoire par exemple, le client
volontaire remet ses clefs de voiture au barman qui lui donne en contrepartie un badge
(pour qu'il puisse les récupérer), une boisson gratuite non alcoolisée, (son second
verre, toujours non alcoolisé, lui sera facturé 10 F seulement), et un tract intitulé :
"La fête c'est bien, le retour ça craint."
Ce document l'informe, croquis à l'appui, des équivalences entre les différentes
boissons alcoolisées et du temps nécessaire pour ne pas dépasser les 0,5 g d'alcool qui
pourrait lui valoir, au mieux, de sérieux ennuis en cas de contrôles routiers - un
éthylotest est à sa disposition dans l'établissement. Enfin il sera informé de
l'existence de la navette de la CGFTE (transports en communs de la communauté urbaine de
Bordeaux), mise en place à titre expérimental du jeudi au samedi soir entre 0 h 20 et 2
heures du matin entre le quai de Paludate, la Victoire et le campus universitaire, axe
privilégié des noctambules estudiantins. D'autres engagements ont été pris comme de ne
plus servir d'alcool avant 11 heures du matin, augmenter le prix de la bouteille d'alcool
de 50 F à partir de 23 h 30, proscrire l'alcool au mètre... Bref ne pas pousser à la
consommation.
Dans la pratique, force est de constater que certains engagements ont du mal à se mettre
en place. Quand la foule se presse jusque sur le trottoir, l'affiche sur la porte de
l'établissement indiquant l'opération est impossible à voir, et les serveurs n'ont pas
le temps, ni les moyens, d'informer le consommateur. "La signature de la charte
s'est faite un peu dans la précipitation, reconnaît l'un de ces patrons de bar. Il
nous faut un peu de temps pour trouver des solutions réalistes. Mais notre volonté reste
entière." Et tout le monde à intérêt que cela marche ! Car si la préfecture
demande aux professionnels de la nuit de s'engager, de son côté elle compte faire
respecter la loi, toute la loi. Il s'agit par exemple de rappeler aux associations
d'étudiants qu'elles n'ont pas le droit d'organiser plus de quatre soirées par an,
soirées qui échappent aux bars bordelais. Ceci pourrait changer. On le voit, seuls des
intérêts convergents et bien compris peuvent faire avancer une noble cause.
B. Ducasse
Le client volontaire remet ses clefs de voiture au barman qui lui donne en contrepartie
un badge, une boisson gratuite non alcoolisée et un tract intitulé : "La fête
c'est bien, le retour ça craint.".
"On ne veut pas porter le chapeau"Interrogé sur l'initiative de la préfecture, Serge Pétoin, président de la Fédération girondine de l'industrie hôtelière, s'est montré critique : "On le sait, 15 % de l'alcool est consommé hors des foyers. On veut nous faire porter le chapeau. C'est un mauvais procès." Et de préciser : "D'une part, nous n'avons pas été contactés pour signer cette charte, d'autre part nous comptons tout de même mener des actions, notamment en liaison avec Entreprise & Prévention, le groupe de réflexion et d'initiatives des producteurs de Boissons." |
L'HÔTELLERIE n° 2608 Hebdo 8 Avril 1999