Dossier réalisé par Nadine Lemoine
Pour être sommelier, il faut "une sensibilité, une petite part de don,
mais surtout beaucoup de travail", prévient Philippe Faure-Brac, Meilleur
sommelier du monde 1992 et patron du Bistrot du Sommelier à Paris.
Aujourd'hui, la France compterait près de 1 000 sommeliers. Si cela semble peu, le marché de l'emploi n'est pourtant pas saturé, loin de là. De plus en plus de restaurateurs ouvrent leurs portes aux sommeliers et l'on parle même de pénurie de commis sommeliers. Parce qu'un bon sommelier ne coûte pas, il rapporte, revendiquent les professionnels. Un bon sommelier doit être capable de gagner son salaire et de dégager des bénéfices pour son employeur, assurent-ils. En termes de rentabilité, son travail (dans un établissement qui tourne bien avec une moyenne de 50 couverts) représenterait une hausse de 15 à 28 % du chiffre d'affaires ! Ensuite, à chacun de faire ses comptes...
Ses responsabilités
"Le sommelier est une personne qui, au sein d'un établissement de restauration,
que ce soit dans un établissement traditionnel, une salle à manger de direction ou
autre, a la charge de toutes les boissons. A la fois de la sélection, de
l'approvisionnement, de la conservation, du conseil et du service", explique
Philippe Faure-Brac, Meilleur sommelier du monde, patron du Bistrot du Sommelier à Paris
et président de l'Association des sommeliers de Paris.
Un vaste programme qui commence par la constitution de la cave, trouver et choisir les
vins et alcools qu'il mettra à sa carte. Le sommelier reçoit les représentants des
producteurs et parcourt les vignobles. De dégustations en dégustations, il crée,
renouvelle et fait évoluer la carte des vins. Une nécessité qui permet de découvrir de
nouvelles appellations, de mettre la main sur de petites merveilles... mais qui s'assimile
également à de la formation continue. Et dans ce métier, on n'arrête jamais de se
former. C'est indispensable ! Bien sûr, à l'issue de la dégustation, il faut faire son
choix et acheter est une lourde responsabilité. Le sommelier doit être au fait des
conditions du marché et savoir négocier au mieux. Ses achats relèvent d'une parfaite
adéquation avec le type d'établissement, la clientèle et la cuisine servie. Il a
véritablement un rôle de gestionnaire : la cave, les stocks, la comptabilité, la
recette quotidienne...
Le sommelier supervise les livraisons. Il doit vérifier sa commande, l'état des
bouteilles et leur étiquetage, le rangement en cave. Et il veille naturellement à la
bonne conservation de son précieux domaine réservé.
La conception de la carte des vins relève donc de ses compétences. Il y travaille en
collaboration avec le chef. Rechercher, respecter, créer, établir l'harmonie des mets et
des vins, c'est ce qui définit la qualité première d'un bon sommelier. Il goûte les
plats, les sauces et choisit le ou les vins à la recherche de l'alchimie idéale.
Et puis, il y a le travail en salle. Pour conseiller les clients, il doit être un fin
psychologue. Son rôle ne se limite pas à proposer des vins en fonction des plats
choisis. Il doit écouter, observer, analyser le client : ses attentes, ses goûts, son
budget... pour trouver les propositions adéquates. Etant en rapport avec la clientèle,
est-il besoin de préciser que la connaissance d'une ou plusieurs langues étrangères est
fortement recommandée.
Il assure ensuite le service des boissons dans les règles de l'art. "Sa prestance
et l'élégance de ses gestes contribuent à une forme de spectacle que les clients
apprécient", souligne Georges Pertuiset, président de l'Union de la sommellerie
française.
Il faut malgré tout préciser qu'il existe des différences notables de responsabilités
accordées au sommelier d'un restaurant à l'autre. "Dans une petite brigade, il
aide le patron dans les achats, se déplace de temps en temps dans les vignobles et
participe à des dégustations. Il a une fonction de conseil auprès du patron, explique
Philippe Faure-Brac. En revanche, dans une brigade plus étendue, il a des
responsabilités d'achat et une fonction de chef d'équipe responsable du personnel."
Les brigades peuvent compter de 2 à 12 sommeliers. Aujourd'hui, le plus souvent, elle est
constituée de 3 personnes : un chef sommelier, un commis et un apprenti.
"Passer des concours, c'est un moteur. Ça facilite la vie professionnelle
et ça peut ouvrir des portes", explique Georges Pertuiset, président de l'Union
de la sommellerie française.
Les concours
"Passer des concours, c'est un moteur. Ça facilite la vie professionnelle et ça
peut aussi ouvrir des portes. Mais un concours n'est pas une fin en soi, même s'il assure
la consécration, la reconnaissance par ses pairs, la fin d'un anonymat, la mise en
évidence de ses savoirs, rappelle Georges Pertuiset, président de l'Union de la
sommellerie française. Les concours valorisent également toute la profession par la
médiatisation." Aussi, l'UDSF participe et apporte son soutien à de nombreux
concours. Voici une sélection des plus renommés :
- pour les élèves en formation : concours du Meilleur étudiant sommelier en vins et
spiritueux de France, Grand Prix M. Chapoutier, concours du Meilleur élève sommelier en
vins du val de Loire, challenge des Cadets de la sommellerie des vins et spiritueux du
Sud-Ouest, concours du Meilleur sommelier en vins du Bordelais.
- réservés aux professionnels : Grand Prix international Sopexa du Meilleur sommelier en
vins et spiritueux de France, concours du Meilleur sommelier de France, concours Osborne
Master of Port, trophée Ruinart du Meilleur jeune sommelier de France (moins de 26 ans),
trophée Ruinart Europe, Prix Louis Meissonnier, concours du Meilleur sommelier du monde,
trophée du Meilleur jeune sommelier des vins et spiritueux du Sud-Ouest (moins de 26
ans).
Pour les sommeliers, il restait à conquérir et uvrer à la création d'un titre de
Meilleur ouvrier de France en sommellerie. C'est chose faite ! Lors du XXIe concours des
MOF en l'an 2000, les premiers titres MOF sommellerie seront décernés. Et l'on sait
d'ores et déjà que les candidatures affluent au comité d'organisation. "Voir
des sommeliers de métier avec 20 ou 30 ans d'expérience qui s'inscrivent à ce concours,
ça fait vraiment plaisir ! On voit qu'ils en veulent !", dit Georges Pertuiset
avec enthousiasme.
Il existe aussi des concours spécifiques pour les élèves sommeliers hors des
écoles.
Evolution
Le métier de sommelier a fortement évolué. Rincer les bouteilles, transporter les
tonneaux... c'est fini ! Le métier devient moins dur physiquement. Aussi, grâce à cela
et à l'évolution de la société elle-même, les femmes commencent à se faire une place
dans le métier. Elles sont bien sûr admises sans discrimination en formation, et petit
à petit, elles font leur entrée dans les brigades.
Si les postes de sommeliers restent l'apanage des restaurants gastronomiques, il n'en
reste pas moins que d'autres voies s'ouvrent aux professionnels. "Le sommelier
apporte une connaissance approfondie de l'harmonie mets-vins que le client recherche et
qui impose sa présence dans les caves. Par cave, l'on entend aussi bien le caviste de
quartier que la chaîne Nicolas, les rayons cave d'un grand magasin ou encore la grande
distribution. C'est le métier de sommelier-conseil", explique Philippe
Faure-Brac.
Et puis, à l'instar de tous les métiers de l'hôtellerie-restauration, les sommeliers
français sont très prisés à l'étranger. "Il y a une très forte demande, souligne
Jacques Boudin, sommelier et directeur de QV Formation, organisme de formation.
Dès lors que l'on maîtrise bien l'anglais." Pour les candidats au départ, les
destinations sont variées : Grande-Bretagne, Etats-Unis... et l'on parle même de la
Chine, un marché tout neuf aux belles perspectives pour les producteurs de vins et pour
les sommeliers.
Avec une expérience de sommelier ou sommelier-conseil, certains ouvrent leur restaurant,
deviennent vignerons pour créer leur propre vin, se transforment en acheteurs pour de
grandes sociétés, optent pour la fonction de consultant ou se lancent dans la formation.
Les débouchés sont multiples et l'avenir apportera son lot de nouvelles pistes.
Formation
Aujourd'hui, deux diplômes sanctionnent les études en sommellerie.
Mention complémentaire sommellerie
Cette formation est une année de spécialisation au cours de laquelle, outre des
stages de vinification et en restauration, l'étudiant étudie les vins et boissons :
nologie, connaissance des vignobles, analyse sensorielle (dégustation des vins),
législation. A l'issue de cette année, il est capable d'intégrer une équipe et de
participer à la commercialisation et au service des boissons.
Conditions d'accès : CAP restaurant, BEP hôtellerie-restauration dominante restaurant,
Bac pro restauration, Bac techno hôtellerie, MC employé barman ou justifier de trois ans
de pratique professionnelle.
48 établissements de formation en France proposent la MC sommellerie.
Le titulaire de la MC sommellerie peut ainsi accéder aux fonctions d'employé de
restaurant spécialisé dans la commercialisation des vins, de commis sommelier, ainsi
qu'aux emplois existant dans les chaînes de distribution et dans les magasins
spécialisés (cavistes...). Après quelques années de pratique professionnelle, il peut
accéder au Brevet professionnel sommelier.
Brevet professionnel sommelier
Le BP sommelier forme véritablement au métier de sommelier en intégrant les
notions de gestion, d'achat, de direction d'équipe. Toujours au programme bien sûr, la
connaissance approfondie de l'élaboration des boissons, l'utilisation et l'entretien de
matériel et d'équipements spécifiques, la législation...
Après deux ans d'expérience professionnelle et un diplôme de niveau V en poche, vous
pouvez préparer le BP sommelier. Cette formation est organisée à temps partiel (sur 9
mois au moins), soit au cours de stages à temps plein. En pratique, on peut le passer en
un ou deux ans.
Ce diplôme de niveau IV permet, en théorie, de postuler, selon la taille de
l'entreprise, à un emploi de sommelier, assistant chef sommelier ou chef sommelier. En
pratique, quelques années d'expérience professionnelle s'avèrent nécessaires.
Ses qualitésPour être sommelier, il faut "une sensibilité, une petit part de don, mais
surtout beaucoup de travail", prévient Philippe Faure-Brac qui dresse ici le
portrait idéal du sommelier : Rémunération Turn over |
Où préparer le Brevet professionnel sommelier ?Greta de Beaune CFA de l'école méditerranéenne de tourisme et d'hôtellerie Lycée Albert Bayet CFA de la chambre des métiers du Var CFA de la CCI d'Avignon et du Vaucluse |
Pour plus de renseignements sur les diplômes et filières de formationOnisep : l'Office national d'information sur les enseignements et les professions a édité un cahier (N° 15) sur les métiers et les formations en hôtellerie-restauration-tourisme. Vous pouvez le consulter dans votre CIO (Centre d'information et d'orientation) ou l'acheter par correspondance : Onisep-VPC, BP 86 Lognes, 77423 Marne-la-Vallée CEDEX 2. Vous avez également à votre disposition un serveur minitel (3615 Onisep) et un site web (www.onisep.fr) pour vous renseigner sur les filières de formation et les diplômes. Formation continueEmployeurs ou salariés, vous souhaitez trouver des stages ou des formations pour vous former ou vous perfectionner en sommellerie. Voici quelques adresses utiles : AFPA : L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, sous la tutelle du ministère du Travail et des Affaires sociales, propose un stage de "perfectionnement en commercialisation des vins". Renseignements : M. Dominique Bouzou au 01 49 44 39 95. Minitel : 3614 AFPA. Asforest : cet organisme de formation propose plusieurs stages de perfectionnement en nologie et sommellerie pour les professionnels : Mieux connaître les vins, Découverte des vins du terroir, Harmonie mets et vins. Ce sont des stages de courte durée. Ils sont animés par David Ridgway, responsable de la formation nologie/sommellerie et surtout chef sommelier de La Tour d'Argent à Paris. Asforest : 4 rue de Gramont. Tél. : 01 42 96 09 27. Centre INFFO : Centre pour le développement de l'information sur la formation permanente, il vous propose un service téléphonique et un serveur minitel ainsi qu'une documentation (sur place) présentant les offres de formations au niveau national. Centre INFFO : Tour Europe, 92049 Paris La Défense. Tél. : 01 41 25 22 22. Minitel : 3615 INFFO. Fafih : le Fafih, Fonds national d'assurance-formation de l'industrie hôtelière, peut prendre en charge tout ou partie des frais engagés pour une formation destinée aux employés ou aux employeurs. Il remplit également auprès des professionnels une mission d'information : chaque délégation régionale du Fafih édite une brochure vous conseillant des organismes de formation. En téléphonant au siège du Fafih à Paris, on vous donnera les coordonnées pour votre région. Fafih : 3 rue de la Ville L'Evêque, 75008 Paris. Tél. : 01 40 17 20 20. Gretas : Dans toute la France, l'Education nationale a organisé des groupements d'établissements (CFA, lycées...) permettant de répondre aux besoins des adultes en matière de formation continue. Ces groupements ou gretas mettent en place des stages et des formations pour vous permettre d'acquérir de nouvelles compétences, de passer des diplômes et de vous perfectionner. Ils s'adressent aussi bien aux salariés qu'aux demandeurs d'emploi. Pour vous aider dans votre projet et vous orienter vers le Greta qui dispense la formation que vous recherchez, adressez-vous aux DAFCO (Délégations académiques à la formation continue), une trentaine en France. DAFCO Paris : permanence téléphonique de 9 h 30 à 12 h au 01 40 46 23 18. DAFCO Lyon : 04 72 19 80 80. DAFCO Aix-Marseille : 04 42 93 88 60. DAFCO Bordeaux : 05 56 84 41 00. DAFCO Dijon : 03 80 52 03 52. DAFCO Rennes : 02 99 25 11 60. DAFCO Strasbourg : 03 88 23 36 00. Coordonnées intégrales sur Minitel : 3615 Edutel et sur internet : http://www.education.gouv.fr Association : Union de la sommellerie française (UDSF)Cette association, la seule en France à regrouper les professionnels de la
sommellerie, est particulièrement active. Ses membres se retrouvent fréquemment pour des
dégustations et autres manifestations. Ils défendent leur profession bien sûr et
s'intéressent de très près à l'enseignement de la sommellerie. Pour tout renseignement
concernant la formation des sommeliers ou le métier tout simplement, vous pouvez écrire
à : Catherine Doré, secrétaire générale de l'UDSF, Les Hameaux du Suzon, 12 rue Paul
Delouvrier. 21000 Dijon. Fax : 03 80 71 62 11. |
Quelle est l'origine du mot sommelier ?"Le nom de sommelier est issu de l'ancien français sommerier, lui-même dérivé de somier ("bête de somme"). En ancien français, sommelier désigne un conducteur de bêtes de somme et l'on relève soumelière (1299) pour la femme de ce conducteur. Puis le mot se spécialise pour désigner l'officier chargé du transport des bagages dans les voyages de la cour (1316) et par restriction, la personne qui avait soin du linge, de la vaisselle, des provisions et de la cave. Avant 1690, le sommelier devient à la cour le nom de l'officier qui mettait le couvert et préparait le vin (alors que l'échanson le servait). Ce n'est que vers 1812 que le mot sommelier désigne enfin la personne chargée des vins dans un restaurant", explique Georges Pertuiset, président de l'UDSF. |
L'HÔTELLERIE n° 2608 Supplément Formation 8 Avril 1999