Paroles de jeunes
Propos recueillis par Nadine Lemoine
Originaire de Caen (Basse-Normandie).
Assistant concierge de nuit à l'hôtel Raphaël
Pourquoi avez-vous choisi cette voie ?
Mes parents avaient déjà travaillé pour l'hôtel Normandy. Ils font de la décoration
intérieure et de la sellerie automobile et avaient déjà quelques contacts avec M.
Feuillie, chef concierge de l'hôtel Normandy à Deauville. Un jour, il a pris rendez-vous
avec mes parents à titre professionnel à un moment où je cherchais du travail dans
l'hôtellerie. Je l'ai donc rencontré et il m'a demandé pourquoi je ne voulais pas faire
concierge puisque je parlais plusieurs langues étrangères, dont le japonais. Je ne
savais pas ce qu'était la fonction de concierge. Il m'a tout expliqué et c'est lui qui
m'a conseillé de faire l'lnternational Concierge Institute.
Quelle est votre formation ?
J'ai un bac littéraire avec philosophie et langues pour dominantes. Puis j'ai fait la
faculté d'histoire de Caen, niveau Bac + 2. J'ai été déçu et je suis parti sur un
coup de tête en Australie, où j'ai suivi un an de cours d'anglais à l'université de
South Australia à Adelaïd. J'avais aussi enseigné le français dans un collège. J'ai
également travaillé dans le bâtiment pour arrondir mes fins de mois. Ensuite, je suis
rentré en France pour faire l'armée puis je suis parti à nouveau à l'étranger, mais
cette fois à Tokyo. J'y ai passé neuf mois pendant lesquels j'étais enseignant de
français le matin, étudiant en japonais l'après-midi et barman le soir. C'est lors de
mon retour en France que j'ai rencontré M. Feuillie et en suivant j'ai postulé à l'ICI
(International Concierge Institute). Je lui en suis vraiment reconnaissant et je lui dois
tout.
Présentez-nous l'ICI ?
L'International Concierge Institute forme les jeunes au métier de concierge de palaces.
C'est une formation payante. Il y a 4 écoles dans le monde : Paris, Toronto, Miami et
Budapest. La formation dure une année, d'octobre à mai, avec stages le matin dans les
hôtels et cours théoriques l'après-midi. Il faut un niveau Bac + 2 pour pouvoir passer
l'examen d'entrée.
N'est-ce pas un handicap de n'être pas passé par un lycée
hôtelier ?
Oui, totalement. Dans ma promotion, sur les 16 élèves, 4 n'avaient aucune formation
hôtelière. Nous étions complètement paumés. Nous avons dû travailler d'arrache-pied
pour se mettre juste à niveau afin de pouvoir au moins démarrer le stage. C'était
vraiment très dur.
Etes-vous satisfait de l'enseignement que vous avez reçu à
International Concierge Institute à Paris ?
Dans l'ensemble oui. Les cours théoriques sont importants, mais, pour moi, ce sont
vraiment les stages qui m'ont tout appris.
Parlez-nous de votre premier travail. Quelle est votre
fonction exacte aujourd'hui ? Quelles sont les tâches et responsabilités qui vous sont
confiées ?
Je suis assistant concierge de nuit à l'hôtel Raphaël, 4 étoiles Luxe, à Paris. Mon
premier job, c'était un poste de tournant de hall (concierge de nuit et voiturier) à
l'hôtel Radisson SAS de Nice. C'était un contrat saisonnier. Puis, en suivant, l'hôtel
Raphaël m'a proposé un contrat à durée indéterminée. J'étais très content, car
j'avais suivi un stage de deux mois au Raphaël pendant ma formation et c'était vraiment
le top de mes stages. La loge du Raphaël, c'est comme une famille.
Mon travail consiste à accueillir les clients à l'entrée de l'hôtel, les diriger soit
vers les salons, bars, restaurant ou la réception. Après leur check-in, on est chargé
de les emmener à leur chambre et leur présenter les services de l'hôtel : téléphone,
coffre-fort, minibar... On s'occupe du standard téléphonique, mais aussi des
réservations pour les restaurants, les trains, les avions, voyages organisés. On fait
tout pour que le client soit bien et n'ait pas de souci. Je travaille de 19 heures à 7
heures du matin, une semaine 3 jours, une semaine 4 jours. Ce qui me fait au minimum trois
jours de repos par semaine. Une semaine 36 heures, la suivante 48 heures.
Entre la formation et la réalité du monde du travail,
avez-vous senti un grand décalage ?
Non, parce que j'ai eu la chance de faire des stages pendant ma formation. Bien sûr, je
ne travaillais pas 8 heures par jour et il y avait toujours quelqu'un avec nous pour
rattraper nos erreurs et nous conseiller.
Avez-vous fait des découvertes sur le terrain ? Des surprises
?
Pas vraiment, parce que déjà, à l'école, des concierges viennent nous avertir des
problèmes que l'on peut rencontrer. Le plus surprenant, ce sont les personnalités
connues qui nous parlent en toute simplicité, qui se confient.
Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?
La chose la plus importante, c'est aimer le contact avec les gens. Il faut toujours avoir
le sourire et faire abstraction de ses propres problèmes. Il faut être toujours positif
et créer une atmosphère conviviale. Il faut savoir parler au moins deux langues
étrangères. Il faut aussi être sérieux et avoir la tête sur les épaules. On est
entouré de luxe et de gens connus, c'est facile de perdre la tête. Du sérieux, de la
rigueur... Un client qui loupe son vol, parce qu'on ne l'a pas réveillé en temps et en
heure, peut rater un contrat par notre faute. Le client se confie à nous, nous fait
entièrement confiance, on n'a pas le droit de faillir.
Quels sont les points positifs de votre métier ? Ce qui vous
plaît ?
Les contacts avec les gens, leur rendre service. Quand je vois un client heureux qui me
remercie, je trouve ça formidable. C'est pour ça que j'exerce ce métier.
Quels sont les points négatifs ? Des déceptions ? Des
difficultés ?
L'hôtellerie, c'est spécial. Il ne faut pas choisir cette voie pour l'argent et pour
avoir ses week-ends. Il ne faut pas non plus avoir l'il sur la montre. Les horaires
fixes, ça n'existe pas dans l'hôtellerie. Pour moi, la difficulté c'est de travailler
la nuit. Pas facile de récupérer la journée, le sommeil n'est pas aussi bon. Le
décalage avec les autres, aller au travail alors que les autres en reviennent... Mais
j'ai plus de jours de récupération que mes collègues qui travaillent la journée.
A quel poste aimeriez-vous accéder à court terme ?
Passer assistant-concierge de jour.
Et l'avenir à plus long terme ?
Vu ce que j'ai traversé dans ma vie, je préfère ne pas penser au long terme. J'aime mon
métier, j'ai trouvé ma voie et je ne me pose pas trop de questions pour l'instant. C'est
vrai que ça bouge beaucoup dans le métier. Mais quand on trouve un hôtel où on est
bien, il faut faire la part des choses avant de décider de quitter sa place. Chaque
hôtel a une atmosphère différente et on ne peut pas être à l'aise partout.
Aucun regret ?
Pour l'instant non. Je ne suis dans le métier que depuis 11 mois et tout va bien.
L'HÔTELLERIE n° 2608 Supplément Formation 8 Avril 1999