Micro-brasseries
Deux étudiants d'une école de commerce de la région parisienne, Paul Chantler
(Britannique) et Thor Gudmundsson (Islandais) devaient monter un projet pour leur
dernière année d'étude, en 1993. Ils se tournèrent vers la création d'une micro-
brasserie d'inspiration anglo-saxonne. L'objectif serait d'en faire le repère des
Britanniques dans la capitale. Il n'y avait pas grand-chose dans cet esprit à l'époque.
Leur idée, sur papier, fut tellement séduisante qu'ils décidèrent de la mettre en
pratique. Avec raison. Frog and Rosbif remporta très vite le succès escompté.
L'établissement se tient près des grands boulevards, rue Saint-Denis. 70 places assises
environ. Une belle hauteur de plafond, beaucoup de bois foncé et une déco faite de
nombreux tableaux, entre bières et sports. Quelques petites tables dans le centre de la
salle, une majorité de grandes tables ailleurs : "Les consommateurs se mélangent
plus facilement, même s'ils ne se connaissent pas." Autre caractéristique
propre aux pubs : le service au comptoir.
Humour anglais
"Au début, explique l'Ecossais Neil Stivey, directeur de l'établissement, nous
brassions des bitters et les servions tièdes", dans la pure tradition
britannique. "An ale of two cities" et "Brew Saint-Denis" n'existent
plus aujourd'hui. L'offre s'est rapprochée des goûts français avec des bières servies
plus fraîches. Si tous les Anglais de Paris sont venus au moins une fois au Frog and
Rosbif, depuis deux à trois ans, les Français représentent néanmoins une bonne partie
de la clientèle (autour de 60 %). "A l'exception des soirs de matches du Tournoi
des cinq nations", sourit Neil. Les bières produites sont la Dark de Triomphe
(une stout), la Frog natural blonde (une blonde), une bière ambrée et la Trente Wheat
(une blanche) vendue 38 F : gare aux jeux de mots, l'endroit en est friand. L'enseigne
s'inscrit d'ailleurs aussi dans l'humour : les Anglais appellent les Français des
"grenouilles", frogs dans la langue de Shakespeare. Et de notre côté, nous
leur rendons la pareille en les traitant de "rosbif". Jetez aussi un coup
d'il sur l'adage inscrit sur le sous-bocks : honni soit qui peu y boit. Osé ? Non.
Dans la bonne humeur simplement.
Comment expliquer l'engouement des Français pour l'enseigne ? Neil Stivey fait remarquer
: "Dans l'ensemble, les Français sortent moins que les Anglais mais ici, ils y
trouvent un dépaysement certain. Ils ne viennent pas que pour la bière, ils viennent
aussi pour l'ambiance." Pouvoir parler anglais avec le personnel est désormais
un atout. "Il y a pas mal de jeunes Français qui viennent ici pour rencontrer et
discuter avec des Britanniques, ajoute Neil. La clientèle évolue aussi beaucoup.
Quand j'ai démarré il y a un an, une table de six aurait commandé six bières.
Aujourd'hui, cette clientèle va préférer les big jugs (pichets). C'est ça l'ambiance
pub : partager."
Au chapitre prix : le verre de 25 cl est à 22 F, la pinte à 35/38 F, les bros de 2,3
litres à 120 F. Le happy hour sévit de 17 à 20 heures (avant, il était appliqué entre
18 et 19 heures mais le créneau ne fonctionnait pas). A midi, un menu à 69 F comprenant
entrée et plat ou plat et dessert est proposé. Compter sinon 80 F à la carte dans un
registre franco-indien. Le dimanche, le brunch tient promesse (sur fond de jazz) pour 95 F
(café, thé, toasts à volonté). Quant aux animations plus spécifiques, à la question
"Que faites-vous pour la Saint-Patrick ?" par exemple, Neil répond :
"On ouvre !" Sinon, tous les jeudis soirs, un magicien anglais passe de
table en table. Le dîner du lundi est un spécial "curry". Toutes les grandes
manifestations sportives sont reprises sur écran géant. La pinte est à 25 F pour les
étudiants le mercredi. Une soirée à thème est organisée toutes les six semaines avec
des marques d'origine anglo-saxonne. Une carte de fidélité est également offerte aux
habitués. "Ça plaît bien aux jeunes. Ça rappelle un peu la tournée du patron
: un coup de tampon par pinte achetée et quand la carte est terminée, nous offrons un
pichet de bière au choix."
Preuve de sa bonne santé, Frog se développe. Frog Princess dans le quartier de
Saint-Germain-des-Prés en octobre 1996 et Frog and Rosbif à Toulouse depuis avril 1998.
Une troisième enseigne Frog devrait voir le jour dans la capitale pour l'an 2000.
S. Soubes
Ambiance bois foncé à deux pas des grands boulevards.
Neil Stivey, écossais d'origine, est aux commandes du Frog and Rosbif de la rue
Saint-Denis à Paris.
Sous-bocks
Repères- Trois brassages par semaine |
L'HÔTELLERIE n° 2610 Spécial Bière 22 Avril 1999