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Restauration
___________

Réflexions

Femme de chef : ir-rem-pla-çable !

Quand à Lyon, la "Grande Dame" invite quelques femmes de chef à un déjeuner convivial, cela donne à L'Hôtellerie l'occasion de se pencher sur ce... métier particulier et d'ouvrir le débat.

Comment les épouses conçoivent-elles leur rôle au restaurant et auprès de leur chef de mari ? Salle, cuisine, gestion de personnel, décor, fleurs, achats, carte des vins et des mets : où débutent et s'arrêtent leurs prérogatives ? Dans l'ambiance feutrée de la salle à manger des Terrasses de Lyon, autour des plats de Stéphane Gaborieau, nous avons posé ces questions à quelques femmes de chef...

Leur rôle

"Etre à l'écoute de mon mari et le seconder le mieux possible. Je travaille à l'ombre du chef"
(Sylvie Noguier)
"Je suis sa collaboratrice. L'un et l'autre avons notre rôle défini : je suis responsable de la salle, il gère sa cuisine et nous parlons beaucoup" (Josette Brouilly)
"La fée ! Il faut voir ce qui ne va pas, apporter un peu de diplomatie et de douceur dans les rapports. Coordonner la cuisine, le service et les clients et faire le tampon entre les trois... ce qui demande une grande force morale" (Nicole Marguin)
"Le trait d'union entre la cuisine et les clients. Je mets en valeur la cuisine du chef, j'en parle avec l'œil qui pétille pour susciter l'envie d'y goûter. C'est une passion commune et je ne travaille pas par obligation" (Véronique Alexanian)
"Un soutien important pour le chef. Je fais en sorte que les clients se sentent bien dans notre maison" (Marie-Claude Tournadre)
"Etre présente du matin au soir, faire tout ce que je ne peux pas déléguer. Nous sommes solidaires et notre présence commune est un appui moral pour l'un et l'autre" (Patricia Porteneuve)
"La cuisine pour le chef, la salle pour moi : les tâches sont clairement partagées. Il existe une réelle complémentarité, avec des décisions communes. Je suis un relais entre la clientèle et son travail. Je traduis sa cuisine et je vends son produit" (Martine Petit)

Leurs interventions

Embauche cuisine/salle ; gestion du personnel ; décor et fleurs ; vins et cave
L'épouse du chef a voix au chapitre dans tous ces domaines qui sont même parfois exclusivement féminins. L'embauche en salle et la gestion du personnel sont souvent le fait de l'épouse. Celle du personnel de cuisine restant l'apanage du chef. Le décor et les fleurs restent une affaire féminine. Le choix des vins et leur achat le devenant de plus en plus, les femmes assurent parfois ce service en salle.
"Pour le personnel je passe une annonce et reçois, sauf pour la cuisine, mais nous décidons ensemble. J'ai un sommelier et le vin est plutôt une affaire d'hommes" (SN)
"Je donne mon avis sur les vins, mais c'est plutôt l'affaire de Jean et Michel, le maître d'hôtel. Pour le personnel, la gestion se fait à deux. Jean embauche pour la cuisine et donne toujours son point de vue pour le reste. Les fleurs ? C'est mon domaine" (JB)
"Chez nous le vin reste une affaire d'hommes. La vaisselle et le décor résultent d'un choix commun, les fleurs d'un choix personnel" (NM)
"Les fleurs c'est moi, le décor résulte d'un travail commun avec une... décoratrice. Alain embauche et gère son personnel pour la cuisine, moi pour la salle. Même s'il donne son avis, je me charge de la prospection et de l'achat des vins que je propose aux clients" (VA)
"Les embauches se font sur avis commun, même si la cuisine reste le domaine du chef. Pour les vins, nous choisissons également à deux. Je ne suis pas du métier. J'ai dû l'apprendre et je l'ai fait avec intérêt" (MCT)
"Décor, vaisselle, mobilier, embauche : tout résulte de décisions communes et de concertations mutuelles. J'ai suivi des cours d'œnologie qui m'ont donné les bases suffisantes pour me charger de la gestion de la cave et de la carte des vins" (PP)
"Les embauches se font en général en commun. Le choix de la vaisselle se fait à deux puisque le chef travaille dans les assiettes. Les fleurs restent mon domaine, mais je peux déléguer au sein de l'équipe" (MP)

Accueil des clients, prise de commandes, service, additions.
Hormis parfois le service, c'est le rôle spécifique de l'épouse du chef de "vendre" au mieux la cuisine de son mari et de se faire l'écho des réactions en cuisine.
"Je conçois mon rôle comme celui d'une maîtresse de maison. Il faut être à l'écoute du client et lui apporter cette touche féminine qu'il attend en venant chez nous" (SN)
"Le maître d'hôtel est responsable du service, mais je peux donner la main en cas d'affluence. Tout le reste est de mon ressort" (JB)
"Il est important de faire le tour de la salle, d'aller au-delà du traditionnel "tout va bien ?" et d'établir le contact avec le client" (NM)
"Pour m'être vu refuser un poste en salle dans certains Relais et Châteaux lorsque j'y travaillais, je m'étais promis d'avoir un service exclusivement féminin. Alain est convaincu de la justesse de ce choix" (VA)
"Davantage que le service en lui- même, je vérifie que tout se passe bien en salle et je communique avec le client" (MCT)

Carte des mets, choix des plats, achats
Le domaine du chef, parfois même sa chasse gardée ! Certains choisissent de faire goûter leurs plats avant de les inscrire à la carte, d'autre pas. Certains les suppriment en cas d'avis défavorable de l'épouse, d'autres campent sur leurs certitudes...
"Le chef nous fait goûter, tester et tient compte de notre avis. Nous en parlons ensemble"
(SN, NM, MCT, PP)
"La carte reste l'affaire du chef, mais nous goûtons les plats deux fois par semaine" (JB)
"Le chef compose ses plats dans sa tête et nous découvrons la carte en servant le premier client. C'est son choix exclusif" (VA, MP)

Leur conclusion

Travailler à deux reste davantage un souhait de construire une maison en commun que le souci d'économiser une paye en faisant travailler l'épouse. L'harmonie et la complémentarité restent les règles de réussite d'une affaire.
"Le chef apprécie ma présence et les petits détails que je peux apporter. J'arrange, je peaufine et nous respirons le restaurant de la même manière. C'est notre vie et notre but" (SN)
"Jean est l'âme de la maison à laquelle il a donné son nom, mais je crois qu'il a besoin de ma présence. Nous formons une bonne équipe avec la même passion l'un et l'autre" (JB)
"Je travaille en famille avec mon mari et mes beaux-parents. Ce n'est pas toujours un avantage, mais si tout le monde sait être intelligent et faire des concessions, chacun se complète et c'est une bonne formule" (NM)
"La marche de la maison s'est construite à deux, par passion commune. Nous avons envie de partager avec un respect l'un de l'autre... même si travailler ensemble n'est pas toujours facile" (VA)
"Dans notre créneau de restaurant, il est indispensable de travailler en couple. Je n'étais pas du métier, mais je m'y suis mise au point que je me vois mal aujourd'hui travailler sans lui et... inversement" (MCT)
"Il y a toujours davantage de psychologie chez la femme, ce qui lui permet d'arrondir les angles. Nous nous consultons toujours sur la marche de l'affaire et nous savons que nous avons besoin l'un de l'autre" (PP)
"Travailler ensemble est très fort et il serait très compliqué que tout repose sur une tête. C'est une jouissance à deux avec des satisfactions ou des déboires que l'on partage" (MP)
Propos recueillis par Jean-François Mesplède


Nicole (à gauche) et Adrienne Marguin : "Travailler en famille n'est pas un problème."


Sylvie Noguier : "Etre à l'écoute de mon mari, le seconder le mieux possible."
Marie-Claude Tournadre : "Je me vois mal travailler sans lui et... inversement."


Véronique Alexanian : "Je ne travaille pas par obligation, c'est une passion commune."


Patricia Porteneuve : "Nous savons que nous avons besoin l'un de l'autre."

 

Les intervenantes

w Véronique Alexanian, Restaurant L'Alexandrin à Lyon (69). Travaille depuis 13 ans avec Alain.
w Josette Brouilly, Restaurant Brouilly à Tarare (69). Travaille depuis 37 ans avec Jean.
w Nicole Marguin, Restaurant Marguin aux Echets (01). Travaille depuis 5 ans avec Christophe.
w Sylvie Noguier, Ferme de l'Hospital à Bossey-St-Julien-en-Genevois (74). Travaille depuis 9 ans avec Jean-Jacques.
w Martine Petit, Le Clos des Sens à Annecy-le-Vieux (74). Travaille depuis 7 ans avec Laurent.
w Patricia Porteneuve, Auberge de la Vallée à Francheville (69). Travaille depuis 14 ans avec Gilles.
w Marie-Claude Tournadre, Restaurant Alex Chevallier à Lyon (69). Travaille depuis 8 ans avec Alex.


L'HÔTELLERIE n° 2612 Hebdo 6 Mai 1999

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