A coups de pleines pages dans les quotidiens nationaux, les représentants de la
restauration collective ont employé les grands moyens pour défendre leur cause face à
la proposition d'augmenter la TVA sur leurs prestations afin de compenser une éventuelle
baisse du même impôt sur la restauration commerciale.
Nous voilà loin des "frappes chirurgicales", mais face à un matraquage
médiatique sans précédent, où la profession est directement visée : "Pour
défendre des intérêts catégoriels, certains groupes de pression de la restauration
commerciale exigent la suppression de l'exonération de la TVA dans la restauration
collective."
Comment en est-on arrivé là, et quelles chances cette guerre ouverte laisse aux
restaurateurs pour obtenir gain de cause sur une revendication jugée prioritaire ?
La fiscalité est un sujet à manier avec précaution, discrétion et doigté. Chaque
proposition de baisse d'une recette de l'Etat est forcément accueillie avec la plus
grande circonspection, voire avec une franche hostilité de la part des pouvoirs publics
pourtant sûrs de leur fait, puisque, constitutionnellement, aucune baisse de recettes ne
peut être effectuée sans une compensation équivalente. C'est sans doute ce dispositif
qui a conduit à émettre l'hypothèse d'une augmentation de la TVA sur la restauration
collective pour compenser une baisse sur la restauration commerciale. Pas besoin d'être
expert pour supposer que la "cible" désignée de la hausse allait forcément
réagir. Le contraire eût d'ailleurs été surprenant : imaginez que les syndicats des
entreprises de restauration collective suggèrent d'accroître la taxation de la
profession des CHR en échange d'allégements fiscaux en leur faveur !
Après une discrétion des premiers mois, la réaction est violente, et les hostilités
ouvertement déclarées. Il fallait s'y attendre, et il faut aujourd'hui espérer que les
initiateurs de ce combat ont prévu les moyens de défendre leur cause autrement que par
de vaines incantations.
Néanmoins, le problème reste en l'état et même si politiquement le terrain était
miné (quelle idée de s'en prendre à l'économie sociale, quelle que soit la couleur du
gouvernement), il est indispensable de fonder une argumentation solide afin d'obtenir que
les pouvoirs publics prennent en considération le poids dissuasif de la TVA sur les
entreprises de restauration commerciale. En tout cas, il vaudra mieux éviter de réclamer
des hausses fiscales pour des tiers, le procédé ayant montré les limites de son
efficacité.
Ce faux pas ne doit pas conduire la profession à baisser les bras sur un dossier jugé
prioritaire. D'autres moyens sont à sa disposition pour étayer ses arguments, tant au
niveau du temps de travail, de l'emploi, de la stabilité des prix ou du développement
des entreprises. Un discours moderne et volontariste a de meilleures chances d'être
écouté qu'une revendication corporatiste qui vient de se retourner contre ses
initiateurs.
L. H.
L'HÔTELLERIE n° 2612 Hebdo 6 Mai 1999