Les Corses savent pratiquer l'art du verbe et se mettre en scène avec un talent
incontestable. C'est certainement ce qui fait leur charme. De la disparition en fumée
d'une construction illégale en bord de mer, ils font une affaire d'Etat et semblent être
en mesure aujourd'hui d'avoir en main toutes les cartes pour rapidement légaliser la
situation de ces constructions parfaitement illégales tant sur le plan de l'urbanisme,
dans la mesure où les permis de construire n'auraient pas été délivrés, que par
rapport à la loi littoral qui, maintenant, interdit toute construction en bord de mer.
Les Corses se battront et gagneront peut-être, c'est de "bonne guerre" ose-t-on
ajouter. Mais ce n'est pas parce que la Corse est sous les feux des projecteurs qu'il faut
imaginer que cette situation est unique en France... partout, et principalement dans les
endroits les plus branchés et les plus fréquentés par des gens de pouvoir, il existe de
ces "cabanons" qui, au fil des temps, se sont vus prospérer, bétonnés et sont
aujourd'hui des adresses recommandées. Des situations sur lesquelles, depuis des années,
les autorités de toutes sortes, à l'image des autorités corses jusqu'à l'arrivée du
préfet Bonnet, ont préféré fermer les yeux. Attitudes qui se doivent d'être
dénoncées quand on sait que ces établissements se situent dans la zone de concurrence
d'autres restaurateurs qui, eux, ont respecté les lois avec tout ce que cela implique.
Des solutions de facilité choisies tant par les élus que par les administrations locales
afin de ménager pour certains quelques électeurs, pendant que les autres contournent les
difficultés et évitent ainsi les pressions. Parce qu'en pareille situation, les
pressions sont nombreuses et puissantes. Bien entendu, on se précipite pour mettre en
avant l'aspect économique de ces activités, sachant qu'en parlant d'emploi, on maîtrise
immédiatement les décisions. Il y a de toute évidence beaucoup d'hypocrisie dans
l'attitude des politiques de tous bords qui, tant sur le plan national que local, ont
toujours choisi de laisser faire, nonobstant les leçons de morale qu'ils savent donner à
travers leurs discours officiels. En la matière, pas plus en Corse qu'autre part, l'Etat
de droit n'est pas vraiment respecté. Les restaurateurs dans leur ensemble aimeraient
bien que tous soient traités de la même façon, quels qu'ils soient. Ceux qui respectent
les lois eux aussi représentent un poids économique important, toutes les distorsions de
concurrence que l'Etat tolère en faisant preuve de laxisme feront justement disparaître
les entreprises les plus légalistes bien avant les autres ! La France y perdrait beaucoup
!
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2613 Hebdo 13 Mai 1999