Corse
Il en existe au total plus de
400, réparties le long des mille kilomètres de côtes de l'île. Nombre d'entre elles
sont "illégales", une douzaine devait être détruite sur ordre de la justice.
Les paillotes corses sont aujourd'hui affaire d'Etat. Elles ont provoqué la chute,
spectaculaire et unique dans les annales, d'un préfet de Région, Bernard Bonnet,
aujourd'hui incarcéré à la prison de la santé. Dès son arrivée il y a quinze mois,
Bernard Bonnet avait fait de la remise en état du littoral une priorité de l'état de
droit. Il n'avait pas réussi à faire détruire légalement les paillotes déjà
condamnées par la justice, il a tenté de le faire "illégalement". "Même
si nous ne pouvons que soutenir la notion de respect de l'environnement, les paillotes
sont devenues des institutions, nécessaires au développement touristique",
soulignait il y a un an déjà Roland Dominici de la coordination des industries
touristiques.
Le débat s'éternisait. Car l'existence même de ces paillotes relève d'un phénomène
à la fois simple et complexe. "Au départ, elles répondent à un besoin urgent,
précise Alain, propriétaire de l'Aria Marina (Air Marin) à Ajaccio. Il y a trente
ans, lorsque les touristes ont commencé à fréquenter assidûment nos plages désertes,
il a fallu réagir vite. Il n'était plus temps de demander des permis de construire pour
bâtir à la hâte des hôtels au bord de l'eau. Et mieux que la caravane, qui n'est pas
valorisante, les paillotes ont eu le vent en poupe."
Un enjeu économique
L'établissement Aria Marina, est celui qui, avant la désormais célèbre paillote Chez
Francis entièrement détruite le 20 mars, a été victime, le 7 mars dernier, d'un
incendie criminel qui l'a partiellement détruite. Incendie allumé par le patron de la
légion de gendarmerie en Corse lui-même !
Et chacun de ces établissements a une histoire propre : Chez Francis est à l'origine une
petite caravane achetée et installée par un pêcheur, le père d'Yves Ferraud, l'actuel
propriétaire. D'autres étaient au départ un cabanon familial, chaque année agrandi,
renforcé, et devenu au fil des ans, sous la pression touristique, un commerce plus ou
moins déclaré. Leur rôle économique est réel : avec la création de centaines
d'emplois saisonniers, les paillotes permettent également à de nombreux petits pêcheurs
d'écouler leur marchandise. Mais le problème vient du fait que la plupart de ces
structures ont été bétonnées et sont devenues parfaitement illégales lorsqu'a été
promue la loi littorale.
De sursis en délais, les paillotistes ont résisté à Bernard Bonnet. Mais, en
mobilisant de nombreux élus à leur côté, faisant de la survie de leurs établissements
une affaire politique, ils n'imaginaient certainement pas se retrouver au cur d'une
"affaire d'Etat"...
L. Peretti
L'établissement Aria Marina, avant la désormais célèbre paillote Chez Francis,
a été victime d'un incendie criminel le 7 mars dernier.
L'HÔTELLERIE n° 2613 Hebdo 13 Mai 1999