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"Touche pas à ma cantine"

Restaurateurs dans le doute

Personne ne contestera le fait que tous les restaurateurs considèrent comme un très lourd handicap le taux de TVA auquel leurs prestations sont soumises. Depuis 3 ans maintenant, ils demandent au gouvernement une baisse de ce taux sans jamais être entendus. Sur ce sujet pourtant, certains s'opposent.

Elu à la présidence de la FNIH en septembre 1997, André Daguin a promis de faire de ce dossier le point fort de son mandat ; ancien cuisinier-restaurateur, il a dès lors décidé de faire valoir la représentativité de la Fédération pour mettre à mal le gouvernement français vis-à-vis des instances européennes, dans la mesure où les ministres successifs s'étaient toujours abrités derrière la réglementation européenne pour refuser la baisse de la TVA aux restaurateurs. C'est donc en mettant en avant la dérogation de TVA dont bénéficie le secteur de la restauration collective en France que la FNIH a mené son combat, demandant ainsi au gouvernement une baisse de la TVA sur la restauration commerciale à 14 % (une baisse de 32 % du taux) et une taxation identique à 14 % pour la restauration collective, cette nouvelle taxation étant destinée à compenser, pour le budget de l'Etat, l'allégement de TVA de la restauration commerciale. Une demande accompagnée d'une étude chiffrée sur laquelle la FNIH a voulu s'investir très sérieusement puisque André Daguin a déclaré qu'elle avait coûté près d'un million de francs. Au-delà de Bercy, c'est à Bruxelles que la FNIH est intervenue en saisissant la Commission européenne pour demander un alignement du taux de la restauration collective sur celui de la restauration commerciale, mettant en avant la directive n° 6 qui dispose que dans un même pays, un seul taux de TVA doit être appliqué pour un même secteur. Un recours en Conseil d'Etat déposé par la FNIH va dans le même sens et demande donc à ce que restauration collective et commerciale relèvent du même taux.

La restauration collective bouc émissaire ?
C'est donc à la suite de cette procédure que n'a pas tardé à riposter le secteur de la restauration collective avec sa campagne "Touche pas à ma cantine", prévenant le public de la demande des restaurateurs de relever la taxation sur les repas pris en collectivité, mettant ainsi en avant la menace d'augmentation des tarifs des cantines scolaires, des prestations hospitalières, des maisons de retraite et bien sûr des restaurants d'entreprises. Une campagne qui ne semble pas du tout être du goût de tous les restaurateurs et encore moins de leurs instances syndicales et de leurs associations qui se voient ainsi montrés du doigt aux yeux de l'opinion publique. Une position qui les dérange d'autant plus qu'ils savent que restauration commerciale et collective touchent le même public : le client d'un restaurant gastronomique peut avoir ses enfants scolarisés qui mangent à la cantine et avoir déjeuné la veille au restaurant d'entreprises.
Autant dire que si aujourd'hui tous les restaurateurs persistent à demander un abaissement du taux de TVA sur leurs prestations, ils ne sont pas tous d'accord sur la méthode et certains font savoir, tant au sein de leurs associations que de leurs instances syndicales, qu'ils ne se reconnaissent pas dans la position de la FNIH : ils demandent une baisse de la TVA sur la restauration sans demander, en contrepartie, l'augmentation de la taxation sur la restauration collective. Ils le font savoir et certains courriers circulent entre associations et syndicats à ce sujet.

Opposition à la FNIH
Alain Grandchamp, président du Syndicat des restaurateurs de Paris-Ile-de-France, a fait parvenir au président de la FNIH un courrier dont voici quelques extraits :
"Quand on part en guerre, il faut choisir ses armes. Celles que vous avez prises en prônant une TVA égalitaire à 14 % pour toute la profession n'étaient pas bonnes.
Quand on part en guerre, il faut choisir les stratagèmes que l'on devra écouter. Vous avez choisi de faire réaliser une étude économique sur la restauration qui vous a coûté près d'un million de francs et dont les conclusions sont pour le moins hasardeuses. Ce qui est surprenant c'est que vous n'ayez pas eu la présence d'esprit de la critiquer ou même de la remettre en cause. Sûrement, une fois de plus, vous étiez trop pressé d'enfourcher votre cheval de bataille et de partir guerroyer l'hérétique non fédéré. A vouloir mener la guerre sur plusieurs fronts, ce sont des brèches dans vos propres flancs que vous vous êtes creusées.
Quand on part en guerre, il faut s'assurer de l'adhésion de ses alliés. Malheureusement, les autres centrales syndicales ne pouvaient pas partager votre point de vue. Elles vous l'ont dit, vous ne les avez pas écoutées, vous êtes parti seul sur un front dangereux.
Pendant ce temps, les autres organisations patronales, avec, en tête, la Confédération CFHRCD, demandent de ne supporter à la vente que 5,5 % sur les produits achetés 5,5 % et 20,6 % sur les produits achetés à 20,6 %.
Que l'Etat se charge lui-même de trouver les compensations budgétaires, vous ne croyez pas qu'il sait le faire tout seul ? Il n'est pas question de mettre d'autres activités économiques en porte à faux, comme la restauration sociale, la restauration rapide ou encore l'hôtellerie.
Vous avez fait le mauvais choix et quand on part en guerre, cela ne pardonne pas. Vous avez provoqué un préjudice grave à la restauration commerciale, cela est inexcusable."
De leurs côtés, les responsables des associations de cuisiniers qui s'impliquent de plus en plus sur les dossiers qui inquiètent la profession (TVA mais aussi et surtout réduction du temps de travail - lire page 2), souhaitent que le débat en la matière soit circonscrit à la seule restauration commerciale. Le SNLRH, en la personne de Didier Chenet (O!..Poivrier!), confirmait à la parution de la campagne "Touche pas à ma cantine" la même position, à savoir que la restauration commerciale se doit d'obtenir un allégement de ses charges ou une réduction du taux de TVA afin de pouvoir offrir au personnel salaires et conditions de travail de qualité, en rapport avec leur qualification et le travail fourni, et aux chefs d'entreprise, la rentabilité de leur travail et de leur investissement.

Instaurer un taux de TVA unique
De son côté, la FNIH espère voir la Commission européenne imposer au gouvernement français l'application de la fameuse directive n° 6, c'est-à-dire un même taux, dans le même pays, pour toutes les activités d'un même secteur. Si l'Etat français choisit d'aligner tout le monde à 20,6 %, André Daguin prévient que "ce sera une nouvelle révolution française", c'est pourquoi il mise sur l'autre option, l'alignement de la restauration commerciale à 5,5 %. Encore faudrait-il que le gouvernement accepte de perdre 22 milliards de francs. C'est pour cette raison que la FNIH avait fait une proposition à 14 %, toutes restaurations confondues : Bercy en avait estimé le coût à 9,3 milliards de francs. Bataille de chiffres ? Bataille d'experts ? Le secteur de la restauration collective ne veut pas être pris en otage, il se défendra. Comment celui de la restauration commerciale arrivera-t-il à faire entendre sa voix ? Espérons que l'agitation suscitée par cette offensive ne nuise pas, au-delà de leur image, aux restaurateurs les plus fragiles.
PLN


L'HÔTELLERIE n° 2614 Hebdo 20 Mai 1999

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