Pauvres bistrots ! Enfin les médias tiennent les coupables de tous les maux de la
société, du chômage, de l'insécurité, du racisme, du "mal de vivre" des
"jeunes" des "quartiers difficiles". Ainsi, le triste fait divers de
Vauvert, qui a mis en ébullition la petite cité gardoise la semaine dernière, est
révélateur de la façon, ô combien commode, dont les événements furent expliqués. Un
simple rappel de l'engrenage qui s'est terminé par la mort d'un jeune homme et cinq
blessés dont un dans le coma : le substitut du procureur de Nîmes ne trouve rien de
mieux que de relâcher un voyou de la ville, multirécidiviste violent de 23 ans, et
simplement "convoqué" devant le tribunal correctionnel au mois de septembre
pour avoir sévèrement passé à tabac un policier municipal qui faisait son travail. Le
voyou, qui ne manque pas d'amis ni d'admirateurs parmi les oisifs de la ville, saisit
cette opportunité pour revenir parader dans le centre de Vauvert, ce qui n'est pas
forcément du goût de tous les habitants de la bourgade. Ainsi jusqu'à l'enchaînement
tragique du week-end, prévu, hélas, par le maire, Guy Roca (PS), qui avait porté
plainte contre le magistrat dès le retour de l'encombrant prévenu dans les rues de sa
commune. Après les provocations probablement partagées dans une région où les paroles
dépassent souvent une pensée moins "chaude" que le verbe, il fallait trouver
quelques explications.
Certes, M. Chevènement, ministre de l'Intérieur, de passage à Nîmes, a su trouver
des mots susceptibles de calmer les esprits, expliquant que si "la guerre
d'Algérie, c'est fini" (apparemment pas pour tout le monde hélas), il
s'étonnait que "l'auteur d'une agression contre un policier puisse revenir sur le
lieu de son méfait quelques heures après". Certes. Mais, à la télé
régionale, dans les journaux, on ne s'embarrasse pas de nuances : si trois bistrots de la
ville ont été saccagés, c'est normal puisque les patrons sont des "racistes".
D'ailleurs,
un journaliste du Parisien a constaté (on aimerait bien savoir comment) "le
regard soupçonneux du gérant du PMU quand un Maghrébin vient valider son billet".
Et d'en remettre une couche en interviewant une "victime" des "exactions
racistes" de ces galeux de cabaretiers, épiciers ou autres, qui expose : "Les
jeunes, ça les énerve. Alors, ils provoquent les commerçants." Et bien sûr,
un commerçant "provoqué" est un commerçant coupable, vous l'avez bien
compris.
Il est temps pour la profession de réagir à cette culpabilisation qui a atteint son
paroxysme avec le drame de Vauvert. L'auteur de ces quelques lignes peut témoigner :
fréquentant souvent les petites villes du Languedoc, il peut affirmer ne pas déceler de
traces de racisme, de haine, de rejet de la part d'une communauté vis-à-vis d'une autre.
En revanche, dès que l'autorité, ce fameux Etat de droit, n'existe plus, chacun essaie
de se protéger. Mais c'est à l'autorité publique d'accomplir sa mission fondamentale
qui est de garantir l'ordre et la loi, de ne pas laisser les voyous imposer la leur. Dans
ce cas, ça finit forcement mal.
L.H.
L'HÔTELLERIE n° 2615 Hebdo 27 Mai 1999