Limoges
"Les 35 heures, en
restauration, c'est possible, et je le prouve !" Michel Poujol, le patron du Pont
Saint-Etienne, un restaurant implanté en bord de Vienne dans un des plus vieux quartiers
de la capitale porcelainière, est sans conteste le premier de la région Limousin à
tenter l'aventure. En signant l'accord avec son personnel, il pourrait être également
l'un des précurseurs nationaux de l'aménagement du temps de travail et de la réduction
des horaires, dans une profession où la plupart des experts reconnaissent les grandes
difficultés d'adaptation à la loi Aubry.
"Nous avons créé 3 emplois supplémentaires et nous maintiendrons les salaires
au niveau actuel durant les deux prochaines années, explique le restaurateur.
Notre objectif est de pérenniser notre entreprise par une démarche qualitative,
réfléchie, maîtrisée, s'inscrivant dans la durée. Les 35 heures sont une des
composantes de cette politique."
Dirigeant son établissement en compagnie de Mireille Manaranche, ce professionnel
bénéficie depuis longtemps d'une excellente image de marque, offrant des prestations
fortement appréciées des gastronomes limougeauds. Sa cuisine, composée de valeurs
naturelles, traditionnelles, est servie par une équipe jeune, motivée et solidaire.
Effective depuis le 1er janvier dernier, la mesure aura fait l'objet d'une étude
approfondie des possibilités d'application. Pour Michel Poujol, les 35 heures se
construisent en fonction des besoins, des ressources et des paramètres de
l'établissement, le principe ne pouvant être qu'évolutif au regard de ces derniers. Les
restaurants employant deux ou trois salariés ne pourront évidemment pas se conformer de
la même manière à la nouvelle législation.
A chaque établissement sa solution
"J'ai appliqué la loi à mon cas propre, précise-t-il. Dans notre
métier, la diversité des entreprises obligera bien entendu chaque restaurant ou hôtel
à s'adapter selon les circonstances, le personnel, les besoins. On ne peut faire entrer
notre métier dans un carcan limitatif. Tout doit donc se négocier, se discuter,
s'étudier."
C'est le cas du Pont Saint-Etienne, qui a construit son plan sur trois éléments :
l'annualisation du temps de travail (les semaines sont modulables entre 28 et 45 heures) ;
l'individualisation des horaires en fonction de l'activité du restaurant, avec un compte
horaire individuel ; l'organisation du travail des apprentis, sur des contrats en
alternance de 35 heures.
Employant 17 salariés (en réalité 17,67 personnes en équivalent plein temps), Michel
Pujol passe, grâce à la loi Aubry, à 20 (20,80 en EPT), embauchant 2 CDI à temps plein
et passant 2 temps partiels à temps complet.
"Il y a des incidences, conclut le patron du Pont, avec un coût financier
important, dans un secteur d'emploi traditionnellement difficile, mais ces coûts induits
seront compensés par les avantages de la formule : gains de productivité avec
l'annualisation (réduction des emplois saisonniers), réduction des charges sur cinq ans
avec l'aide de l'Etat, maintien des salaires durant deux ans, meilleure productivité due
à une meilleure organisation du travail. A terme, nous trouverons notre équilibre
financier en réalisant nos objectifs."
Le Pont Saint-Etienne est déjà une référence historique de Limoges. Dans la ville qui
a vu la naissance des Coopérateurs, celle de la CGT, les premiers grands mouvements
sociaux du début du siècle, devenir le premier à appliquer les 35 heures fait en
quelque sorte partie d'un héritage. Et on en parle sur Internet, car pour tous
renseignements, le Pont a son site : www.le-pont-saint-étienne.com.
J.-P. Gourvest
L'HÔTELLERIE n° 2616 Hebdo 3 Juin 1999