Vous accueillez des stagiaires
L'esprit qui anime le stage,
sa philosophie, doivent en permanence sous-tendre la relation entre le professionnel et le
stagiaire. Le stage doit permettre au jeune de mettre en pratique ses connaissances, tout
en acquérant une expérience de l'entreprise. L'entreprise, quant à elle, ne doit pas
tirer profit du stagiaire, son rôle est au contraire de l'aider et le guider. Le
stagiaire est donc là pour apprendre et non pas, par exemple, pour remplacer un salarié
absent. Toutefois, et là réside la difficulté, il est également là pour apprendre un
métier, et ses conditions de stage doivent donc être les plus proches possibles des
conditions de travail. Cette proximité entre stage et contrat de travail est souvent la
source, sinon de procès, du moins d'altercations entre le stagiaire et son employeur.
Cette difficulté est également amplifiée par le fait que plusieurs cas différents
peuvent être regroupés sous le titre de stagiaire. Le cas le plus fréquent est bien
sûr celui de l'élève d'un établissement d'enseignement hôtelier qui bénéficiera
d'une convention pour effectuer un stage obligatoire dans le cadre de sa formation. Mais
il peut en plus exister des stagiaires qui ne bénéficient pas d'une telle convention et
qui ont effectué la démarche de recherche de stage de leur pleine volonté. On recense
également les cas de stages dits "d'observation" grâce auxquels un
professionnel se transporte chez un collègue afin de découvrir de nouvelles méthodes de
travail. Les stages dits "ANPE" sont quant à eux mis en place dans le cadre
d'un complément de formation des jeunes à la recherche d'un d'emploi. Enfin les stages
effectués par des étrangers répondent, eux, à des règles encore plus spécifiques.
Les entreprises qui ne tiennent pas compte strictement de l'ensemble des obligations nées
de la convention de stage et de la prise d'un stagiaire s'exposent à deux types de
risques : d'une part, elles risquent de voir le contrat qui les lie aux stagiaires se
transformer en contrat de travail à durée indéterminée, et d'autre part, les
entreprises qui accueillent des stagiaires de manière abusive risquent de se voir
poursuivre devant les tribunaux répressifs.
Le risque de requalification en contrat de travail
Lorsque la convention de stage (ou le contrat de stage pour un stage facultatif) n'est pas
scrupuleusement respectée, l'em-
ployeur s'expose à une requalification du contrat en contrat de travail. La plupart du
temps, c'est le stagiaire ou les organismes sociaux (l'URSSAF notamment) qui en font la
demande auprès du conseil de prud'hommes. Le stagiaire devra, pour que son contrat soit
requalifié en contrat de travail, apporter la preuve que les critères du contrat de
travail sont réunis : subordination juridique, (c'est-à-dire qu'il se trouvait sous la
direction et le contrôle de l'employeur), prestation de travail et rémunération.
Toutefois, le fait que le stage n'ait pas été (ou peu) rémunéré importe peu, le but
de l'action étant d'obtenir un rappel des salaires. Le stagiaire tentera donc d'établir,
par tout moyen, que rien ne l'a distingué des autres salariés de l'entreprise.
L'employeur quant à lui devra démontrer qu'il n'a pas tiré d'avantages indus de
l'activité du stagiaire, qu'il n'a pas dirigé le stagiaire, et qu'il lui a confié une
activité spécifique entrant dans le champ de ses études ou de ses compétences (c'est
la raison pour laquelle le respect scrupuleux des termes précis de la convention de stage
est nécessaire). En cas de requalification, le contrat prend l'ensemble des
caractéristiques d'un contrat de travail. Il est considéré comme un contrat de travail
à durée indéterminée à partir du premier jour du stage (et ce même si le contrat de
stage était à l'origine conclu pour une durée déterminée), et le salarié a donc
droit à l'ensemble des droits ouverts par le contrat de travail (rappel de salaires et
congés payés). En un tel cas, le stagiaire pourra également introduire une action en
justice afin de requalifier la fin du stage en licenciement sans cause réelle et
sérieuse.
Les risques étant importants, il convient donc d'être extrêmement prudent et de s'en
tenir strictement aux définitions de poste et d'activités décrites dans le contrat ou
la convention de stage.
Inspection du travail et délit d'exécution de travail dissimulé
Les textes réglementant les stages étant relativement limités, et la situation du
stagiaire au regard du droit étant relativement floue, l'inspection du travail s'en tient
pour l'instant à constater les abus opérés par certains professionnels. Ces abus
entraînent comme conséquence le dépôt d'une plainte devant les tribunaux répressifs
pour exécution de travail dissimulé.
Trois arguments juridiques servent de base aux inspecteurs du travail pour sanctionner les
établissements : l'inspection du travail vérifie l'encadrement des stagiaires (ou
plutôt, en ce cas, leur manque d'encadrement) et contrôle l'effectif de stagiaires par
rapport au nombre d'employés habituels de l'établissement : si un quart de l'effectif
est par exemple composé de stagiaires, on peut soupçonner l'abus. Les inspecteurs
comparent en outre le nombre de personnes recrutées en contrat à durée déterminée
pour remplacer les employés partis en congés payés ; si ce nombre est inférieur au
nombre de postes disponibles, cela signifie que l'établissement utilise les stagiaires
pour effectuer les remplacements, ce qui est interdit. Enfin, l'inspection du travail
vérifie les effectifs sur le long terme. S'ils constatent une stagnation des embauches
d'employés permanents alors que le nombre de stagiaires ne baisse pas, ils en déduisent
l'abus.
Les stagiaires ANPETous les jeunes de 16 à 25 ans à la recherche d'un emploi et inscrits à l'ANPE
peuvent compléter leur formation par des stages en entreprise. La particularité de ces
périodes de formation est qu'elles sont financées par l'Etat ou la Région. Une
formation théorique est prévue dans un organisme de formation, et est complétée par
une période de stage pratique en entreprise. En ce cas, et comme l'école pour les stages
conventionnés, l'organisme de formation est responsable du stagiaire, et c'est donc lui
qui fournit le contrat de stage. Le professionnel doit assurer un encadrement technique au
stagiaire en nommant un maître de stage qui assurera son complément de formation. Les
règles du Code du travail relatives aux conditions de travail, à l'hygiène et à la
sécurité sont bien entendu applicables au stagiaire. Il en est de même pour les règles
sur la durée du travail (les règles spéciales sur le travail des mineurs sont, là
encore, applicables). |
L'HÔTELLERIE n° 2616 Hebdo 3 Juin 1999