L'autoroute à Cressensac (Lot)
La commune de Cressensac, entre Brive-la-Gaillarde en Corrèze et Souillac dans le Lot, compte deux hôtels-restaurants et un restaurant pour seulement 600 résidants permanents. Traversée depuis de longues décennies par la RN 20, axe historique Paris-Limoges-Toulouse dédié aux vacanciers, cette commune a pu avec cet apport de touristes conserver un tissu commercial bien structuré avec un supermarché de proximité, un boulanger, une pharmacie, un médecin, un dentiste, un coiffeur, diverses boutiques... Un équilibre aujourd'hui menacé par la récente ouverture du tronçon d'autoroute Brive-Souillac qui prolonge l'autoroute A 20. Une sacrée révolution pour la commune. "J'entends parler de cette déviation et de cette autoroute depuis 1968. Alors, on s'est préparé. Mais, incontestablement, les automobilistes vont devoir nous chercher et on se demande comment ils vont nous retrouver. A mon avis, nous allons perdre durant quelques mois une partie de la clientèle et il va falloir nous montrer prudents dans nos éventuels investissements. Nous nous acheminons vers une autre forme de travail, voilà tout", explique Gilles Treille, aux commandes depuis trente-six ans d'un Logis de France en bordure de la RN 20. Un hôtel comportant 12 chambres et un restaurant pouvant accueillir une cinquantaine de personnes.
Forcer sur la signalisation
Avec ses deux collègues de Poquet Hôtel et de l'Auberge de Cressensac, Gilles Treille
table sur une signalisation qui inciterait les automobilistes à quitter l'autoroute pour
faire une halte à la découverte de la gastronomie du Quercy. "Pour cela, nous
allons devoir monter en commun un projet solide que nous présenterons à la direction
départementale de l'Equipement. C'est au seul prix d'un effort collectif que nous nous en
sortirons", ajoute Gilles Treille. Pour éviter les mauvaises surprises, ce
dernier a déjà, depuis quelques mois, réduit sa vitesse de croisière en ne conservant
que douze chambres sur les vingt-neuf qu'abritait son établissement. Pourtant et malgré
ses incertitudes par rapport aux conséquences de l'ouverture du tronçon autoroutier,
Gilles Treille ne verse pas dans la nostalgie, conscient des opportunités que peut
compter cette nouvelle situation. "Depuis quelques années, le trafic poids lourd
n'a cessé d'augmenter d'environ 6 % par an. Et notre petite ville, traversée par la RN
20, a littéralement été tuée par les nuisances. A cause du bruit et de la pollution,
Cressensac a perdu une bonne partie de la clientèle de passage. Ceux qui restent sont des
fidèles", estime Gilles Treille qui emploie actuellement 4 salariés pour un
chiffre d'affaires de 2,3 millions de francs avec un ticket moyen au restaurant de 150
francs. "Si nous réussissons à nous adapter, à être une force de propositions,
nos petits commerces pourront subsister avec l'autoroute", conclut un de ses
collègues.
Finalement, cette situation en apparence désastreuse se révèle être une formidable
opportunité de se remettre en cause et d'innover.
L'HÔTELLERIE n° 2620 Hebdo 1er Juillet 1999