Stratégie
Propos recueillis par N. Lemoine
L'Hôtellerie :
Les résultats du groupe pour 1998 sont nettement supérieurs aux prévisions.
Comment expliquez-vous cette bonne surprise ?
Jean-Paul Brayer :
En 1998, il y a eu une poussée de consommation. Il n'y avait pas la guerre au
Kosovo et nous avons connu un regain de confiance chez les Français. A cela viennent
s'ajouter des festivités comme la Coupe du Monde de Football ou le Mondial de
l'automobile. Dans ce contexte-là, les gens sortent un peu plus et vont donc plus au
restaurant. Il y a eu aussi de très bonnes sorties de films et sur Paris, c'est
significatif, on en a vu l'impact sur la fréquentation des restaurants.
L'H. :
Pour 1999, vos prévisions (+ 10 % du CA et + 15 % du résultat net) sont plus mo-
destes. Quels éléments modè-
rent votre optimisme ?
J.-P. B. :
Il faut être lucide. Le monde de la restauration de chaîne et de la restauration
en général ne connaît pas de croissance constante. Fin 97 et durant les premiers mois
de 98, on a vécu une reprise de caractère exceptionnel. 10 % de croissance, c'est
réaliste, c'est même un objectif assez ambitieux. Il faut garder à l'esprit que le
groupe Flo a grandi en 98 d'environ 250 MF de chiffre d'affaires. Quand on prévoit 10 %
pour 1999, ça représente quand même 160 MF de chiffre d'affaires. En plus, cette
année, on n'a pas de Coupe du Monde et très peu d'événements sont prévus.
Et en matière de consommation, je ne suis pas certain que cette période de forte reprise
immobilière que nous vivons actuellement ait un impact favorable sur la restauration.
Quand on achète un appartement, il est budgété. Mais en général, on change aussi le
mobilier, le frigidaire et ça, ce n'est pas prévu. Alors, on assiste à une
réallocation des ressources du foyer. Il y a un choix à faire et on se dit qu'on ira
moins au restaurant ce mois-ci. Un deuxième effet, de type Kosovo. La population, surtout
en Europe, est peu encline à faire la fête en période d'incertitudes politiques.
L'H. :
Grâce au rachat des 10 Batifol, Christian Picart vient d'ouvrir 10 restaurants
Buffalo Grill à Paris. Vos unités parisiennes Hippopotamus ont-elle enregistré une
baisse de chiffre d'affaires avec l'arrivée de ce concurrent direct ?
J.-P. B. :
Lorsque les gens vont manger chez un concurrent, ils ne peuvent pas manger le même
jour chez vous. Il y a nécessairement un impact mais il faut le mesurer en face à face.
On a trois établissements dans cette situation et dans les premières semaines, on a
enregistré entre 5 et 10 % de baisse en nombre de couverts. Mais c'est en train de se
réguler. Je pense qu'il y a un marché pour lui et un marché pour nous.
L'H. :
N'est-ce pas le même marché ?
J.-P. B. :
Il est 20 % moins cher. On a une clientèle différente et si on est 20 % plus
cher, c'est parce qu'on offre 20 % de mieux que lui. Mais je respecte ce concept qui est
très fort. Dans un marché, il y a un haut et un bas de segment. Il a sa place et on a la
nôtre. Même s'il y a une petite frange de clientèle qui varie de l'un à l'autre.
Je pense que c'est un marché qui n'est pas totalement structuré et qu'il y a une
croissance naturelle du segment de la grillade. Le nombre d'intervenants de qualité est
limité. En dehors de Courtepaille, il n'y a que lui et nous. Donc, on a tous les trois
notre place et si on fait tous notre travail, c'est un marché qui va encore grandir.
Peut-être au détriment de petits intervenants. Mais la structuration des chaînes va se
faire comme ça.
L'H. :
La structuration des chaînes doit-elle se faire au détriment des indépendants ?
J.-P. B. :
Les marchés vont se structurer et ça va affecter les petits. Mais ça fait
avancer les choses. La photo de la restauration aujourd'hui et celle d'il y a 20 ans, ça
n'a rien à voir. Est-ce qu'il y a eu des morts ? C'est possible, mais il y a eu aussi des
gens qui ont créé des emplois, il y a eu des vivants. En tout cas, c'est incontournable.
La restauration est l'un des derniers secteurs économiques non structurés en France.
Je pense que les indépendants vont être amenés, pour certains d'entre eux, à se poser
la question de se raccorder ou non à une chaîne existante. Pas forcément dans la
grillade, aussi bien à d'autres types de chaîne, pour pouvoir bénéficier d'économies
d'achat. Mais il y aura toujours le restaurateur indépendant avec une structure familiale
qui se maintiendra.
L'H. :
Pour Hippopotamus, votre objectif affiché est une centaine d'établissements d'ici
2005 contre 30 actuellement détenus en propre. Votre développement en province est plus
que jamais à l'ordre du jour ?
J.-P. B. :
On n'a pas encore entamé notre processus de développement en province. Pour
l'instant, nous n'avons que 4 unités en province. Buffalo Grill et Courtepaille en ont
chacun plus de 100. Quand je propose de grandir de 70 unités d'ici 2005, tous n'étant
pas prévus pour la province, ça veut dire une soixantaine d'établissements
supplémentaires en propre, soit une dizaine par an. Pour 1999, nous ouvrons 9
Hippopotamus en France : Strasbourg, Villabé (91), Nogent-sur-Marne (94),
Bonneuil-sur-Marne (94), Poitiers, Soisy-sous-Montmorency (95), Viry-Châtillon (91), La
Vigie (près de Strasbourg). On ouvrira également un Hippopotamus à Barcelone en
septembre. C'est un test mais ça doit marcher. La chaîne a maintenant acquis une taille
qui lui permet d'avoir des velléités à l'extérieur. On sait que c'est un concept
gagnant.
L'H. :
Et la franchise ?
J.-P. B. :
Je ne souhaite pas dépasser le seuil des 20 % d'établissements en franchise (6
franchisés Hippopotamus actuel-
lement). Vous savez, le plus souvent, quand on a recours à la franchise, c'est qu'on n'a
pas de capacité financière ou par philosophie de départ. Nous, on n'a ni problème de
financement ni cette philosophie. La franchise a un intérêt si le partenaire possède le
bon emplacement dans la ville. Là c'est intéressant ! Mais je ne souhaite pas dépasser
20 % en global en franchise parce qu'il faut toujours prévoir le pire et quand il y a des
problèmes, il faut prévoir des sorties. La sortie, elle n'est que financière par le
rachat des franchisés. Lorsque le poids de la franchise est trop important par rapport à
l'en-
semble, vous n'avez pas les moyens d'en sortir et ce sont des problèmes juridiques
inextricables. On ne veut pas rentrer là-dedans. Jusqu'à 20 %, ça va. Au-delà, il faut
avoir une raison très forte. On ne l'a pas. Et dernier élément, il y a le problème du
contrôle du concept. En franchise, il faut un partenaire hors pair qui sache ce qu'est un
concept et qui soit capable de le développer. C'est très dur à trouver. La franchise,
c'est un moyen extraordinaire pour se développer et tout aussi extraordinaire pour
échouer. C'est un vaste débat !
L'H. :
Vous comptez 17 brasseries Adresses de Jean-Paul Bucher en France (12 à Paris, 5
en province) et vous en annoncez 35 à l'horizon 2005. Quel type d'établissements
convoitez-vous ?
J.-P. B. :
On ne va pas acheter 15 brasseries parisiennes. On ne veut que des institutions et
elles ne sont pas nombreuses. En fait, ce chiffre comprend également le potentiel de
développement en Chine. Il y a une ouverture qui va avoir lieu en septembre prochain en
Chine et si ça marche bien, on va en développer d'autres au titre de la franchise.
L'H. :
Toujours sur le segment des brasseries, mais au ticket moyen inférieur (TM : 150
F, capacité : 90 places assises), votre enseigne Petit Bofinger devrait connaître un
développement encore plus spectaculaire pour parvenir à 30 ou 40 unités en 2005. Quels
sont les points forts de cette future grande chaîne ?
J.-P. B. :
Il y en aura 9 à la fin de l'année à Paris, puis 3 ou 4 par an. C'est un
développement de chaîne et le principe de franchise ne change pas. En fait, c'est la
reconstruction de ce qui existait il y a 20 ou 30 ans, c'est-à-dire tout un tas de
restaurants de quartier qui ont été remplacés par des pizzas, de la restauration à
domicile, des fast-foods. Quand vous faites le tour de Paris en voiture, vous voyez qu'il
y a un grand nombre d'établissements, si on se remet 20 ou 30 ans en arrière, qui ont
disparu parce que le patron a pris sa retraite, parce qu'ils marchaient moyennement à
cause du développement du fast-food, etc. Je pense qu'il y a le besoin d'une qualité de
restaurants de proximité où l'on va voir le patron et lui serrer la main. Ce côté
chaleureux a un petit peu disparu du paysage parisien. Il y a encore des indépendants qui
font ça ! Nous, on souhaite le faire sur la même base car le besoin existe. C'est un
projet Paris et région parisienne et il peut y avoir des villes de province où cela a
aussi un sens.
Avec Petit Bofinger, dans la mesure où l'on se réfère à Bofinger, c'est qu'on va
garantir une qualité du niveau de l'enseigne. Bien sûr, la carte est plus courte, mais
nous n'utilisons que des produits frais, avec une entrée, un plat et un dessert qui
changent tous les jours. Pour un ticket moyen de 150 F tout compris, c'est pas cher.
Techniquement, c'est quelque chose de plus difficile à faire qu'à dire. On joue sur le
fil du rasoir en termes de rentabilité. Donc il s'agit d'avoir de bons emplacements et
d'être performant. Mais nous sommes convaincus qu'il y a un potentiel consommateurs
autour de ça.
Jean-Paul Brayer, directeur général du groupe Flo : "Le groupe Flo a
grandi en 98 d'environ 250 MF de chiffre d'affaires. Quand on prévoit 10 % pour 1999, ça
représente quand même 160 MF de chiffre d'affaires."
Rainforest Café à Disneyland ParisC'est dans l'avenue qui mène au parc de Disneyland Paris, à Marne-la-Vallée, que
Flo a inauguré le 16 juin le premier Rainforest Café français. "On a
l'exclusivité de la franchise", précise Jean-Paul Brayer. En rodage depuis
début mai, le restaurant (ex-Key West) ouvre ses portes sur un impressionnant décor qui
vous plonge au cur de la forêt équatoriale : une jungle civilisée et ludique avec
plantes géantes et animaux sauvages factices. |
Etablissements en propre | 31.12.98 | 31.12.99 | 2005 | ||
---|---|---|---|---|---|
Hippopotamus | 30 | 39 | 100 | ||
Petit Bofinger | 3 | 9 | 30-40 | ||
Restaurants Flo | 20 | 21 | 35 | ||
(brasseries + TSF) | |||||
Source : Flo |
L'HÔTELLERIE n° 2621 Hebdo 08 Juillet 1999