On estime qu'à l'heure
actuelle, 40 % de la population française ne part jamais en vacances. Le manque de moyens
financiers serait le premier motif de non départ pour 17 % des Français. Dans ces
conditions, on comprend mieux le succès que connaissent les Chèques-Vacances depuis leur
création, il y a maintenant 17 ans. Cette formule est, en fait, partie d'une idée simple
: permettre le départ en vacances des salariés les plus défavorisés ainsi que de leur
famille, afin de réduire les inégalités devant le droit aux vacances pour tous. Basé
sur le même principe que celui des titres restaurants, l'employeur se procure ces bons de
paiement auprès de l'Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), établissement
public chargé de gérer les titres. Ces derniers existent sous la forme de coupures de
50, 100 et 200 francs et sont destinés au seul paiement des dépenses de services
(transport, hébergement, restauration, loisirs culturels et sportifs). Les
Chèques-Vacances ne peuvent donc pas être utilisés pour acheter des biens de
consommation (essence, matériel de sport, produits alimentaires). A noter également
qu'ils ne sont valables que sur le territoire national et dans les Dom-Tom, pour
l'instant.
Actuellement plus de 90.000 professionnels du tourisme, soit environ 135.000 points
d'accueil, acceptent ce mode de paiement. Certains d'entre eux offrent même des avantages
supplémentaires aux porteurs de Chèques-Vacances : la SNCF, par exemple, accorde une
réduction de 50 % sur le billet de congé annuel ; une réduction de 100 F sur les vols
bleus du réseau domestique est également attribuée chez Air France...
Promotion des prestataires
Il faut dire que pour les prestataires de services, le réseau Chèques-Vacances constitue
un véritable moyen de promotion. Il permet en effet d'accroître leur volume d'affaires
avec une sécurité de paiement maximale, puisque les Chèques-Vacances sont prépayés.
Le prestataire accepte en fait cette "monnaie" au même titre que tout autre
moyen de paiement et se fait rembourser directement auprès de l'ANCV, moins une
commission de 1 %. En 1998, plus de 4 milliards de francs de Chèques-Vacances (+ 39 % par
rapport à 1997) ont été distribués à plus de 1 million de salariés, ce qui a aidé
environ 4 millions de personnes à partir en vacances. Des estimations révèlent que ce
système induit une dépense touristique trois fois supérieure au volume de chèques
émis, soit plus de 12 milliards de francs pour 1998. Véritable réussite économique, le
Chèque-Vacances n'en oublie pas pour autant sa mission sociale puisque 67 % des foyers
bénéficiaires de chéquiers ont un revenu inférieur à 15.000 F. Par ailleurs, il y
aurait un tiers des porteurs qui déclareraient qu'ils ne pourraient prendre de vacances
sans le chèque.
Le succès commercial du Chèque-Vacances permet en outre à l'ANCV d'investir dans le
tourisme social et de renforcer parfaitement son aide aux plus défavorisés.
Conformément à la mission qui lui a été donnée, l'Agence consacre depuis 2 ans plus
de 80 % de ses profits à des programmes "d'aide à la personne" et "d'aide
à la pierre". En 1997, l'ANCV a investi 22,7 MF pour financer la rénovation
d'équipements touristiques à vocation sociale. Depuis 1994, ce sont au total 57 MF qui
ont été dépensés pour la rénovation de 193 équipements (villages de vacances,
campings, maisons familiales). "Nous aidons beaucoup les petites structures
touristiques en zone rurale afin de créer des emplois et de développer le tourisme",
explique Sylvia Ceriani, chef du service de l'action sociale à l'ANCV. L'aide aux
personnes, quant à elle, passe par l'attribution de "bourses-vacances".
L'Agence récupère chaque année le produit des Chèques-Vacances périmés qui n'ont pas
été utilisés par les bénéficiaires, pour en faire profiter des familles, des jeunes
ou des personnes handicapées. En 1997, l'ANCV a ainsi récupéré 6,1 MF et 18 organismes
sociaux ou caritatifs ont pu remettre des "bourses-vacances" à leurs membres.
La hausse des bénéfices liée au succès des Chèques-Vacances a permis à la dotation
en "bourses-vacances" de passer de 4,1 MF en 1992 à 7,9 MF en 1997.
Les grands défis à venir pour l'Agence seront le passage à l'Euro et à l'an 2000. Pour
se faire, l'ANCV a lancé en janvier 1999 de nouvelles coupures de 200 F présentant un
visuel plus moderne et une sécurité fiduciaire renforcée. Ceci dit, comme dans la
plupart des établissements publics, la politique du "ni-ni" sera employée
jusqu'au bout puisque le passage à l'Euro ne s'effectuera pas avant 2001. De nouveaux
partenariats avec des organismes similaires à l'ANCV, agissant en faveur du tourisme
social dans d'autres pays européens, sont également envisagés. L'autre challenge
concerne l'extension des Chèques-Vacances au secteur du commerce et de l'artisanat.
Réservé en effet aux employés des entreprises de plus de 50 salariés et aux
administrations, les Chèques-Vacances "oublient" encore quelque 7,5 millions de
salariés des PME.
L'extension des chèques vacances
Pour y remédier, Michelle Demessine, Secrétaire d'Etat chargée du Tourisme, a rédigé
une proposition de loi qui devrait très prochainement entrer en application. Si ces
nouvelles dispositions permettent sans doute à l'ANCV d'accroître ses revenus, elles
profiteront également largement au secteur du tourisme. Un grand nombre d'hôtels, de
restaurants et de campings verront en effet leur clientèle augmenter. Pour l'instant, les
Chèques-Vacances sont gérés par la collectivité publique. Mais, tout le monde sait que
quelques grands groupes d'hôtellerie et de restauration, qui développent déjà des
titres-services, attendent avec impatience le moment où l'on annoncerait la
"privatisation" de ces bons de paiement. Le gâteau est trop beau pour rester
derrière une vitrine. Pour l'heure, les Chèques-Vacances sont un succès, rapportent de
l'argent, satisfont les professionnels du tourisme et sont surtout un instrument politique
opportun pour promouvoir l'action sociale. On peut parier qu'aucun gouvernement ne voudra
lâcher ce bijou de sitôt.
G. Floch
Source : Agence Nationale pour les chèques-Vacances
Résultats de l'année 1997
Source : Agence Nationale pour les chèques-Vacances
L'HÔTELLERIE n° 2621 Supplément Economie 08 Juillet 1999