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Un développement difficile

Phénomène assez nouveau, les chaînes hôtelières volontaires commencent à trouver de moins en moins facilement des hôteliers conformes à leurs exigences. Elles vivent aujourd'hui une concurrence ardue venant des chaînes intégrées, mais subissent surtout le manque de stabilité de leurs membres.

Pour une chaîne hôtelière, comme pour tout réseau, du nombre d'adresses dépend en partie l'importance de la notoriété de l'enseigne. De sa notoriété dépend en partie son attractivité auprès de sa clientèle et donc par prolongement, le bonheur de ses membres. Le développement est donc vital, tout en gardant les bonnes proportions. Comme leurs cousines chaînes intégrées, elles n'y ont pas échappé : les chaînes volontaires commencent sérieusement à rencontrer de plus en plus de difficultés à recruter de nouveaux adhérents. Si la situation n'est pas encore dramatique, la plupart d'entre elles vivent un véritable émoi, car le frein au développement s'accentue de manière inéluctable. On se rend aujourd'hui pleinement compte de cette situation alors que les regroupements d'indépendants parviennent seulement à calmer le jeu des entrées et des sorties massives d'adhérents. En effet, jusqu'ici, chaque année, le recrutement de nouveaux membres ne servait qu'à combler les trous laissés par les hôteliers partants. Aujourd'hui, les professionnels semblent être devenus plus raisonnables en prolongeant leur durée de "séjour" dans les réseaux, mais c'est encore une affaire fragile. "Pour un oui ou pour un non, un hôtelier peut encore démissionner : il suffit d'une rumeur sur la chaîne, d'un conflit entre un dirigeant et l'hôtelier, parfois d'une lettre de relance, mal acceptée, pour le paiement de la cotisation annuelle... pour que l'adhérent mette les voiles", commente un patron de chaîne volontaire.

La fin des chaînes fourre-tout
A présent, comme pour les chaînes intégrées, le nombre d'hôtels susceptibles d'entrer dans les regroupements d'indépendants s'est appauvri, bien qu'il existe près de 13.000 hôtels classés qui sont isolés, donc potentiellement disponibles. Il est de plus en plus difficile de trouver des établissements offrant une capacité, des particularités et les qualités minimales qu'impose chaque réseau. "Nous recevons en moyenne une centaine de candidatures spontanées par an pour entrer chez Inter Hôtel. Malheureusement, une grande majorité des hôtels ne correspondent pas à nos critères pour des raisons de taille, de qualité ou d'exclusivité territoriale", explique Jean-Pierre Mansoux, qui dirige la chaîne. Car, les enseignes volontaires ont admis qu'il ne fallait plus recruter au chalut, en acceptant n'importe quelle candidature, histoire de garnir leur guide et de remplir la caisse. "Pour un réseau, l'embauche tous azimuts d'hôtels et les chaînes fourre-tout, c'est dépassé. Cela a trop décrédibilisé les chaînes volontaires. Il faut faire dans la qualité, maintenant", s'exclame un professionnel. On veut à nouveau des membres qui, a défaut d'être triés sur le volet, offrent au moins des garanties dans la prestation et possèdent une image conciliable avec la chaîne.

Sortir du dilemme
Plus fort, les principales chaînes volontaires ont pris conscience qu'elles se devaient de ne plus être des associations au service de leurs adhérents, mais bien des entreprises commerciales, avec un but lucratif, au service de leurs clients. "C'est aux hôtels de suivre la chaîne et non plus l'inverse", assène un consultant. Toutes doivent surmonter un dilemme d'une grande complexité : faire croître leurs moyens financiers pour pouvoir s'offrir plus de promotion, en augmentant notamment le nombre de cotisants, sans pour autant nuire à la cohérence du réseau. Pour certaines marques, la solution envisagée pour offrir le meilleur à leur clientèle est de limiter le nombre de membres, ce qui suppose alors d'augmenter les cotisations individuelles. Mais, les chaînes qui sont tentées par cette solution, quand elle ne correspond pas à une stratégie d'origine, voient dans la plupart des cas les hôteliers refuser devant la hausse des redevances. "Il est presque impossible de faire admettre des hausses importantes de cotisations à des hôteliers, même si on leur promet de grandes actions promotionnelles en contrepartie. Chacun pense qu'il ne profitera pas à l'échelle de son établissement des retombées collectives", se lamente un président de groupement d'indépendants.
Si les chaînes volontaires vivent la raréfaction d'une hôtellerie conforme à leurs attentes, l'action des chaînes intégrées, qui s'intéressent de plus en plus aux mêmes hôtels, est un caillou de plus dans leur chaussure. "Les groupes hôteliers ont lancé de nouvelles marques, comme Clarine, Bleu Marine, etc... qui nous concurrencent directement. Ils chassent sur nos terres", dit Jean-Pierre Mansoux. D'ailleurs, un professionnel qui possède un bel hôtel, bien placé en centre ville, reçoit facilement chaque année une demi-douzaine de sollicitations pour entrer dans un réseau volontaire ou intégré. Rien de plus facile pour lui, ensuite, de négocier ferme sur les droits d'entrées et autres redevances, s'il lui prend l'envie d'intégrer une chaîne. Parallèlement, pour pouvoir attirer les hôteliers encore réfractaires, la plupart des franchiseurs d'aujourd'hui ont beaucoup assoupli le contenu de leurs contrats de franchise (sortie sans indemnité après 5 ans, baisse des redevances,...). Cela a fait que le mariage entre indépendants et chaînes intégrées ne fait plus aussi peur qu'avant, alors que la souplesse d'adhésion était jusqu'ici un argument de choc que seules les chaînes volontaires savaient mettre en avant.

Suppression des clauses d'exclusivité
Paradoxalement, le frein au développement des chaînes volontaires peut également venir de l'intérieur. Ainsi, si quelques réseaux ont accordé historiquement des clauses d'exclusivité à leurs adhérents, d'autres, bien qu'il n'y ait pas de contrat écrit, hésitent à accepter un nouvel hôtel s'il est géographiquement trop proche d'un membre déjà inscrit. "Chez Relais du Silence, nous avons essentiellement deux handicaps à notre développement : nous refusons tout hôtel de qualité qui ne serait pas au calme et dans un environnement agréable, et nos membres bénéficient d'une exclusivité à 20 kilomètres à la ronde", explique Pierre Monthulé, président international de la chaîne. "Nous allons proposer au réseau de supprimer la clause d'exclusivité qui limite trop nos possibilités de développement." L'interdiction de la multi appartenance - à l'instar de la décision de Relais & Châteaux et qui sera suivie prochainement par d'autres enseignes -, malgré ses avantages notamment pour la sauvegarde de l'image, va probablement écarter également de nouveaux trains d'adhérents. Ceci représentera une difficulté supplémentaire à la croissance de chaque parc sous enseigne, essentiellement au détriment des réseaux les moins représentatifs et les moins forts sur le marché. Bien qu'il existe aujourd'hui une trentaine de chaînes volontaires dans le paysage de l'hôtellerie française, un hôtelier, selon la gamme dans laquelle il se situe et ses caractéristiques, ne trouvera réellement que deux à trois enseignes pouvant éventuellement lui convenir. Le choix n'est donc pas si large, d'autant que la tendance va probablement aller vers de plus en plus de fusions-absorptions de réseaux, comme cela existe du côté des groupes hôteliers intégrés. Cette concentration, avec une réduction du nombre d'enseignes, enlèvera des possibilités aux hôteliers et pourra être très frustrant pour eux. Mais, à l'opposé, elle est très certainement du goût des grands opérateurs. "Chez Best Western, nous sommes quasiment les seuls dans notre catégorie à pouvoir intéresser des hôteliers 3, voire 4 étoiles, désireux de trouver une clientèle internationale. Du coup, nous ne souffrons pas d'un déficit de candidatures", défend Antoine de Bouchony, directeur de la chaîne coopérative.

De moins en moins de nouvelles chaînes
Malgré ces prémices dans les achats de réseaux existants par d'autres réseaux, il s'est encore créé quelques marques durant ces dernières années, avec Elysée West Hotels ou les Hôtels Unis de Paris, et plus récemment, avec le dernier venu "Esprit de France". Mais, cela devrait relever de l'exception, car le lancement de nouvelles chaînes volontaires devient de plus en plus coûteux, difficile et au succès aléatoire, parce que le public ne peut pas assimiler trop de nouveautés dans ce domaine. Du coup, les essais de diversifications ne sont plus forcément d'actualité non plus. Ainsi, Logis de France a sagement rangé dans un tiroir son projet de Logis de ville et d'Auberges de France, pour mieux se consacrer à une requalification de son réseau et à l'enrichissement de ses moyens. "Nous nous concentrons sur la promotion de trois nouveaux labels internes : Logis de caractère, Logis nature et Logis enfants/famille. Par ailleurs, nous renforçons de façon musclée notre centrale de réservations qui génère déjà plus d'une centaine de réservations par jour", argumente Dominique Boitel, directeur des Logis de France.

Un problème de discipline
Il paraît évident que les chaînes volontaires, qui ressentent le besoin d'élargir leur présence sur le territoire, vont devoir se doter de moyens de plus en plus importants. La mobilisation d'un responsable du développement, comme chez Best Western, n'est pas encore chose courante et les actions de recrutement consistent surtout à traiter les demandes reçues des hôteliers candidats. Mais, quelques enseignes font aussi paraître de temps en temps des annonces dans la presse professionnelle pour encourager les hôteliers indépendants à les rejoindre. D'autres n'hésitent pas à faire du démarchage téléphonique en approches directes. Cependant, tant que les chaînes volontaires n'auront pas obtenu de leurs adhérents qu'ils s'impliquent davantage dans le réseau, qu'ils participent aux actions promotionnelles et qu'ils s'engagent contractuellement pour une durée minimale raisonnable (3 à 5 ans ?), elles ne parviendront probablement jamais à trouver leur sérénité et une pleine efficacité, malgré les efforts de développement qu'elles feront. La suppression de la multi appartenance génèrera sans doute une plus grande mobilisation des troupes (qui auront en principe choisi l'adoption d'une seule marque et ne se disperseront plus), mais cela ne sera pas suffisant pour que les réseaux marchent comme un seul homme. Dans un avenir proche, on devrait assister à un changement dans les pratiques des chaînes volontaires qui se donneront plus un rôle actif de "moniteur" destiné à aider leurs membres à devenir encore meilleurs, pour abandonner le rôle un peu passif qu'elles jouent actuellement. Il ne sert donc à rien de chercher constamment à se développer si on n'admet pas qu'il faut fidéliser ses équipes. Tout en respectant l'indépendance de leurs membres, les chaînes volontaires qui attireront les hôteliers demain seront celles qui auront réussi à fédérer leurs hôteliers autour d'un projet commercial commun et d'un concept fort. Et dans la discipline...
M. Watkins


Logis de France.


Relais du Silence.

Nombre de départs et d'arrivées d'hôtels dans les chaînes hôtelières volontaires

  Départs Arrivées Solde
En 1993 - 522 + 515 + 3
En 1994 - 105 + 128 + 23
En 1995 - 330 + 92 - 238
En 1996 - 129 + 96 - 33
En 1997 - 406 + 408 +2
En 1998 - 485 + 564 + 79
Source Coach Omnium ­ La Revue

L'HÔTELLERIE n° 2621 Supplément Economie 08 Juillet 1999

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