OPA d'Accor sur Red Roof Inns
"L'Amérique,
l'Amérique, je la veux et je l'aurai..." L'Amérique, Gérard Pélisson et Paul
Dubrule, cofondateurs du groupe Accor, l'ont toujours fortement désirée. Ils s'y sont
d'ailleurs risqués à maintes occasions notamment avec l'acquisition de la chaîne
d'hôtels économiques Motel 6 en 1990. Un achat, qui, s'il présentait un intérêt
stratégique certain pour le conglomérat français, fut néanmoins à l'époque beaucoup
décrié par la communauté financière. Les analystes jugeant alors en effet cette
opération inopportune et trop coûteuse.
Qu'à cela ne tienne ! Les deux patrons supportent durant plusieurs années les
conséquences de leur choix (une addition particulièrement salée qui pèsera lourdement
sur les comptes). Mais, mieux encore. Anticipant la reprise économique, ils prennent
assez vite la décision de lancer un vaste programme de rénovation outre-Atlantique.
Résultat : l'enseigne Motel 6, qui compte actuellement 790 unités (soit 85 375 chambres)
dans 48 états, reprend peu à peu du poil de la bête. Avec un taux d'occupation de 64,5
%, des prix moyens chambre en hausse de 6,3 %, le réseau parvient même à améliorer son
chiffre d'affaires de 4,1 % (à 654 millions d'euros) au terme de l'exercice 1998. Sans
oublier l'amélioration sensible de son image grâce à une importante campagne de
publicité.
Un redressement auquel Jean-Marc Espalioux, président du directoire d'Accor depuis plus
de deux ans, a bien sûr lui aussi largement contribué et dont, aujourd'hui, il tire
d'ailleurs pleinement profit pour renforcer la notoriété du groupe à travers le
territoire américain.
Complémentarité évidente des deux réseaux
L'annonce, lundi 12 juillet, d'une offre publique d'achat (OPA) sur la chaîne américaine
Red Roof Inns pour un montant de 7,2 milliards de francs ne survient de fait pas par
hasard. Accor, après avoir tout récemment mis la main sur le pôle hôtelier de la CGIS
(Libertel et Demeure Hôtel) et le tour-opérateur de la SNCF Frantour, s'engage en effet
maintenant dans une aussi importante opération de croissance externe parce que c'est le
bon moment.
Grâce à l'amélioration de la conjoncture économique et la politique de réallocation
des ressources menée par Jean-Marc Espalioux (plus de 15 milliards de francs d'actifs
immobiliers cédés au cours des dernières années), le groupe a tout d'abord les moyens
financiers de ses ambitions américaines. D'autant plus d'ailleurs, qu'avec l'arrêt des
avantages fiscaux réservés aux sociétés d'investissement hôteliers outre-Atlantique,
le secteur redevient abordable. Accor a en outre reçu l'engagement de la banque
d'affaires américaine, Morgan Stanley, et de certains autres actionnaires d'apporter 63,8
% du capital qu'ils détiennent dans Red Roof Inns.
De quoi prévoir une issue favorable à cette offre d'achat (ouverte du 16 juillet au 15
août) lancée au prix de 22,75 $ par action. Sachant, parallèlement, que sur le plan
stratégique cette acquisition paraît des plus logiques. La complémentarité des 790
Motel 6 et des 322 établissements Red Roof (dont 258 en propriété, 64 en franchise) est
effectivement "criante" tant sur le plan géographique (région Ouest et Est)
qu'au niveau des produits (0/1 étoile pour Motel 6 et 1/2 étoiles pour Red Roof) et de
la clientèle (la première chaîne étant plus axée vers le créneau loisirs, la seconde
vers les affaires).
1 100 hôtels économiques outre-Atlantique
Au terme de ce rachat, qui aboutira à la création d'une entité rassemblant les deux
marques Motel 6 et Red Roof (baptisée "Accor Economy Lodging"), le groupe
gérera donc quelque 1 100 hôtels et 120 000 chambres en hôtellerie économique aux
Etats-Unis. Une taille qui devrait à l'évidence permettre au conglomérat français
d'avancer à grand pas dans la réalisation de son "rêve américain" tout en
consolidant sa notoriété outre-Atlantique. D'autant qu'Accor est également présent au
pays de Georges Washington par le biais de ses enseignes Novotel et Sofitel. La chaîne
haut de gamme totalisera d'ailleurs 11 adresses (3 500 chambres) aux Etats-Unis dans 9
villes importantes (New York, Chicago, Dallas, Philadelphie...) dès le mois de décembre
2001. Sans compter sur son alliance dans le secteur du voyage d'affaires, avec Carlson
Wagonlit Travel dont Accor détient 50 % du capital.
En attendant, Accor ne se fait guère de souci quant à son investissement sur Red Roof.
"L'hôtellerie économique a d'excellentes perspectives dans les pays développés
et émergents. Elle dégage une forte profitabilité et offre moins de sensibilité aux
cycles conjoncturels que les autres secteurs de l'hôtellerie", a ainsi précisé
Jean-Marc Espalioux. D'ailleurs, selon les dirigeants du groupe, cette opération sera
profitable à Accor dès la première année. Grâce au rapprochement des deux enseignes,
d'importantes synergies se profilent en effet à l'horizon : économies sur les frais de
siège, amélioration de marges opérationnelles... Résultat : l'impact du rachat de Red
Roof devrait se traduire par une augmentation du RGO d'Accor de 244 millions de francs en
l'an 2000 et 469 millions en 2002. Quant à la part des Etats-Unis dans le chiffre
d'affaire consolidé d'Accor, elle va passer de 17 % à 22 %.
C. Cosson
Chiffre d'affaires | 375,3 |
---|---|
Résultat brut d'exploitation (RBE) | 149,3 |
Excédent brut d'exploitation (EBE) | 146,5 |
Résultat net | 34,1 |
Taux d'occupation | 73 % |
Prix moyen chambre | 46,80 $ |
L'HÔTELLERIE n° 2623 Hebdo 22 Juillet 1999