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A la loupe
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Philippe Bini

La folie des grandeurs

Le patron du Clos de La Ribaudière à Chasseneuil du Poitou s'offre le Château de Périgny à Vouillé. Objectif : faire du second l'égal du premier, en se donnant les moyens d'une ambition calculée.

Il le dit lui-même : la folie des grandeurs le guette. Philippe Bini, restaurateur-hôtelier installé dans le remarquable et réputé Clos de La Ribaudière à Chasseneuil (entre Poitiers et le Futuroscope) adore les vieilles pierres et la bonne table. Après avoir fait du Clos un établissement haut de gamme, passant de huit chambres à quarante-trois, il compte récidiver à Périgny en appliquant les mêmes recettes.

En reprenant le fonds et les murs de cette bâtisse du XIIIe siècle, implantée sur un parc de 35 ha, il tente un véritable challenge à un âge où d'autres songent déjà à leur retraite. "J'ai acheté Périgny 8,80 MF au total, précise-t-il. Un ancien Relais et Châteaux, devenu Château Hôtel de France, créé en 1972 par M. Brossard. L'établissement avait en son temps obtenu une étoile et conserve deux maisons au Michelin. Je vais investir 2 MF dans une première tranche de travaux, et deux autres millions plus tard."

Répertorié à 13/20 au Gault, classé dans les principaux guides, Périgny est l'équivalent de la Ribaudière, qui bénéficie des mêmes reconnaissances. Mais les bâtiments, obsolètes et vieillissant, ont besoin d'une rénovation complète pour devenir tout à fait l'égal du premier, ce qui motive le chantier en cours.

"Les 42 chambres vont être entièrement relookées, confirme Philippe Bini. Nous venons d'en terminer douze, nous en entreprenons douze autres, nous remettons la piscine en état, ainsi que les locaux techniques. Nous avons construit un local pour le sous vide, réaménagé la partie réservée au personnel, les douches, les réfectoires, etc." Les 16 emplois seront intégralement sauvegardés, le chef de cuisine n'étant pas encore désigné, mais il sera de toute manière d'un niveau identique à son confrère du Clos, Stephan Thomachot.

L'union fait la force

L'ambition affichée par Philippe Bini est tout simplement d'avoir en main deux structures qui auraient pu, à court terme, se concurrencer, éloignées l'une de l'autre de seulement dix-sept kilomètres. S'il ne s'était pas porté acquéreur de Périgny (le projet est en gestation depuis dix-huit mois), un autre l'aurait fait. Les deux châteaux ont donc une vocation de complémentarité, visant une clientèle identique à laquelle ils offriront les mêmes services.

"Nous entamons une démarche commerciale vers les dirigeants d'entreprise, via le Medef, avec qui nous avons des contacts, révèle le nouveau propriétaire. Nos deux hôtels-restaurants seront presque jumeaux, proches l'un de l'autre, donc faciles à gérer, avec une organisation commune."

Pour ce faire, il a créé une holding familiale drivant les deux SA (La Ribaudière, Périgny) avec des capitaux privés sur l'origine desquels il ne souhaite pas s'étendre. Il s'est entouré également de compétences. Au Clos, son propre gendre, William Migeon, a été nommé directeur, tandis qu'à Périgny Didier Broquerault, Meilleur maître d'hôtel 92 au Royaume-Uni, assume les mêmes responsabilités. Côté concurrence, seul le Relais et Châteaux de Curzay (20 km de Poitiers), propriété de Brigitte de Gâtine, patronne de SVP, pourrait le menacer, mais Philippe Bini envisage déjà d'en faire un partenaire plus qu'un adversaire.

Hôtelier atypique

Cet homme-là aura tout fait. Fils de maçon, autodidacte, garçon de course au quotidien local Centre Presse, dessinateur des Ponts et Chaussées, bâtisseur de projets, premier prix de conservatoire de saxophone, il commence son cursus hôtelier il y a plus de vingt ans. Il monte de toutes pièces à Chasseneuil son premier restaurant, qu'il baptise en toute simplicité Le Bini, devenu plus tard Le Richelieu. Puis ce fut le Clos de la Ribaudière, un ensemble qu'il regardait de ses fenêtres en rêvant d'en devenir un jour propriétaire.

"Je n'ai pas la grosse tête, se défend-il. Je suis pragmatique, malgré mes airs à la Géotrouvetout, comme disent mes confrères. Je compte donc rééquilibrer Périgny, trop cher en tarifs, en ramenant les prix dans des zones raisonnables, de 440 à 800 F la chambre. Et puis, mettre la table à la portée de tous, en offrant les premiers menus à 125 F. Les clients seront ainsi dans un véritable château, sans pour autant payer une note trop élevée. A partir de là, je compte en faire une entreprise rentable, comme l'est le Clos de la Ribaudière."

Adhérent des chaînes Châteaux et Hôtels Indépendants, Logis de France, Mijoteux, inscrit au Bottin Gourmand, au Champerard, et aux autres guides précités, le Clos reçoit, dans ses 5 salles de 15 à 250 couverts, la fine fleur des visiteurs du Futuroscope tout proche, installé sur la même commune. A 8 km de Poitiers, du TGV, de l'aéroport de Biard, il possède grâce à Jeanine et Philippe Bini les atouts d'une très grande maison. Périgny, plus ancien, et ses murs chargés d'histoire ne seront pas son annexe, mais, comme le dit son acquéreur, "un complément rentable". Pas si rêveur que cela.

J.-P. Gourvest


"Je suis pragmatique, malgré mes airs à la Géotrouvetout, comme disent mes confrères."

 
Château de Périgny.


L'HÔTELLERIE n° 2627 Hebdo 19 août 1999

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