Cafetiers
Par Cyril Pouant et David Bouchet
Peut-on pratiquer des tarifs différents au bar, en salle et
en terrasse ainsi qu'avant et après 22 heures ?
Vous êtes nombreux à pratiquer des tarifs différents selon que la consommation est
prise au bar, en salle ou en terrasse. En effet, dans les lieux touristiques ou simplement
agréables, la terrasse affiche régulièrement complet en journée. De la même façon,
le soir c'est dans la salle que l'ambiance bat son plein. Parce que le service demande
plus de personnel et parce que le soir les consommateurs restent souvent plus longtemps,
vous majorez vos tarifs. Souvent, les clients n'apprécient pas cette tarification
variable et vous prennent à partie en contestant la légalité de cette mesure. Là
encore, le principe de la liberté des prix autorise cette pratique. Rien ne vous interdit
donc d'avoir des tarifs différents selon l'endroit et l'heure mais vous devez l'afficher
et prévenir le consommateur qui ne doit pas être mis au pied du mur au moment de payer.
Mais on ne saurait trop vous conseiller de ne pas abuser de telles mesures qui sont en
règle générale peu appréciées de vos consommateurs. C'est donc à vous de voir si la
mesure sera véritablement rentable.
J'ai un "point phone" dans mon établissement.
Puis-je en réserver l'utilisation à la clientèle ayant consommé ?
D'un point de vue juridique, et contrairement à l'usage des toilettes, il n'y a pas lieu
de réserver l'usage du téléphone à la seule clientèle ayant consommé. En effet, lors
de chaque communication passée grâce à l'installation téléphonique, une partie de la
somme est reversée à l'opérateur téléphonique, et le reste vous est attribué.
L'utilisateur du téléphone vous paye donc automatiquement le service que vous lui avez
fourni en mettant l'appareil à sa disposition. Pour cette raison, il n'y a pas lieu de
subordonner l'utilisation du téléphone à la consommation d'une boisson ou d'un plat.
Dans le cas contraire, vous vous exposeriez à des poursuites judiciaires sur le fondement
de la vente jumelée. Vous risquez ainsi, sur le fondement de l'article L 122-1 du Code de
la consommation, une amende de 10 000 francs par infraction constatée (20 000 francs en
cas de récidive).
Peut-on interdire l'accès de ses toilettes à un simple
passant ?
L'usage gratuit de vos toilettes n'est absolument pas un dû pour le simple passant. Ce
n'est pas parce que les établissements reçoivent du public que leurs toilettes
deviennent des lieux publics. Ces équipements sanitaires sont une commodité mise à la
disposition des clients. Vous pouvez également très bien décider que l'usage de ces
toilettes sera payant en installant sur la porte un monnayeur. Là aussi, comme lorsque
vous faites payer un verre d'eau, c'est à vous de voir si vos clients ne vont pas
préférer aller ailleurs. De façon plus pragmatique, vous pouvez fermer à clef vos
toilettes et ne donner la clef qu'aux consommateurs qui vous la réclament.
Peut-on tenir deux tarifications différentes, l'une pour les
habitants de la commune et l'autre pour les touristes ?
Cette pratique, qui est heureusement de moins en moins d'actualité, est absolument
prohibée ! En effet, et c'est également une simple règle de bon sens, les consommateurs
sont tous égaux devant le commerçant ! Il n'y a aucune raison valable de faire payer au
touriste un café plus cher qu'il n'est facturé au client régulier. Ce genre de
discrimination, fondée sur l'origine géographique, tombe sous le coup de sévères
sanctions pénales : l'auteur de ce délit risque en effet une peine de deux années de
prison et de 200 000 francs d'amende.
Suis-je tenu d'ouvrir les bouteilles de jus de fruits devant
les clients ?
Vous êtes en effet tenu d'ouvrir les bouteilles de jus de fruits et de jus de légumes
devant vos clients. En effet, c'est là encore une mesure de protection du consommateur
contre les fraudes qui vous y oblige : l'article 5 du décret du 23 novembre 1978 pose en
effet que dans les débits de boissons, les bouteilles de jus de fruits d'une contenance
inférieure à 40 centilitres doivent être ouvertes ou décapsulées devant le
consommateur. En ce qui concerne les jus de légumes, c'est le décret du 1er octobre 1938
qui pose le même principe. Dans le cas de bouteilles (jus de fruits ou de légumes) d'une
contenance supérieure à 40 centilitres, celles-ci peuvent être ouvertes au comptoir,
mais doivent impérativement être servies devant le consommateur.
Peut-on augmenter les tarifs des consommations durant la
saison touristique ?
L'une des règles fondamentales du commerce dans notre pays étant la liberté des prix
des biens et des services, vous pouvez tout à fait décider d'augmenter les tarifs des
consommations durant la saison touristique pour les baisser une fois celle-ci terminée.
Toutefois, vous devez satisfaire aux règles d'affichage des prix, et donc modifier vos
cartes et vos panneaux extérieurs afin d'être totalement en accord avec les dispositifs
réglementaires. A partir du moment où vous aurez satisfait à cette exigence, rien ne
pourra vous être reproché.
Peut-on refuser de servir un verre d'eau ?
Le problème de l'eau du robinet revient régulièrement dans nos colonnes. Cela démontre
une incompréhension entre les professionnels, qui ne sont pas là pour offrir de l'eau à
longueur de journée, et le public qui pense bénéficier d'un droit à ce sujet. Cette
mésentente s'explique par les différents textes qui ont trait à ce problème. En fait,
il faut distinguer deux situations bien différentes.
* Le verre d'eau pris au comptoir :
Il n'existe pas de loi ni de texte obligeant un débitant de boissons à offrir un verre
d'eau à un passant ou à un consommateur. Cependant, il est vrai que cette habitude est
largement répandue. Rien ne vous interdit de vendre ce verre d'eau. Vous êtes débitants
de boissons et vous payez à la fois l'eau et le travail de la personne qui sert cette
boisson. Si vous optez pour cette solution, vous devez afficher clairement le prix de ce
verre comme n'importe quelle consommation. Bien évidemment, commercialement, cela peut
avoir des répercussions importantes et pousser vos clients à aller prendre leurs
consommations dans un bar où on ne leur fera pas payer "l'eau du robinet", mais
légalement on ne pourra rien vous reprocher.
* L'eau consommée au cours du repas :
Le problème est différent pour le restaurateur. Ce dernier fournit à ses clients des
repas et l'article 4 de l'arrêté du 8 juin 1967 précise que "le couvert
comporte obligatoirement : outre le pain, l'eau ordinaire, les épices ou ingrédients,
l'ensemble des produits ou articles tels que vaisselle, verrerie, serviette, etc.".
Aussi, toute prestation de repas doit être, gratuitement, accompagnée de ces services.
Dans ce cas, il ne saurait être question de faire payer "l'eau du robinet" aux
clients d'un restaurant.
Peut-on refuser un client qui ne viendrait consommer qu'un
simple café ?
Vous êtes commerçant, et êtes donc à ce titre tenu de respecter un certain nombre de
règles posées par le Code de la consommation. Parmi celles-ci, il est notamment interdit
à un professionnel de refuser de vendre un bien ou un service à un consommateur (article
L 122-1 du Code de la consommation) lorsque aucun texte ne prohibe cette vente. A partir
du moment où vous proposez à la vente un produit ou un service, vous ne pouvez pas, pour
des raisons de rentabilité par exemple, refuser de servir un client qui vous en ferait la
demande. Il est ainsi interdit de refuser de servir des consommateurs sous prétexte
qu'ils n'occupent pas la totalité des places disponibles à une table ; en un tel cas
(une table de huit occupée par deux personnes par exemple), il est de toute manière
beaucoup plus commercial de demander au couple de se déplacer que de refuser de les
servir. Vous ne pouvez pas non plus contraindre un client à consommer dans un endroit
précis de votre établissement : la cour d'appel de Paris a en effet condamné un
cafetier qui avait refusé de servir un croque-monsieur à une table au motif que cette
consommation n'était servie qu'au bar (cour d'appel de Paris, 24 septembre 1991). A
partir du moment où vous proposez un service dans votre établissement, ce service doit
être accessible dans n'importe quel point dudit établissement (il vous est néanmoins
possible de prévoir un supplément pour le service).
Bien entendu, il existe des cas pour lesquels votre refus de vendre ne pourra pas vous
être reproché : c'est notamment le cas lorsque le produit demandé est indisponible (si
vous êtes en rupture de stock de jus d'orange par exemple), lorsque la loi vous
l'interdit (vous devez refuser de vendre de l'alcool à un mineur de moins de 14 ans) ou
lorsque le client est de mauvaise foi (s'il est mauvais payeur par exemple) ou si sa
demande est anormale.
Sachez que si vous refusez de vendre un produit à un client, vous risquez une amende
pouvant aller jusqu'à 10 000 francs par infraction constatée (20 000 francs si vous
récidivez).
L'HÔTELLERIE n° 2628 Hebdo 26 août 1999