Baux commerciaux
Certains pourraient être
spoliés en cédant leur fonds pour un prix trop faible ou en acquérant un nouveau fonds
à un prix trop élevé.
D'autres, sans doute plus nombreux et pêchant par optimisme se font "des
illusions" sur la valeur de leur fonds et ne trouveront pas rapidement d'acquéreur
au prix qu'ils demandent.
Cette étude a pour objectif de donner quelques méthodes d'évaluation permettant une
première approche objective de la valeur d'un fonds de commerce.
Par ailleurs, lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail, il est tenu de verser
au locataire existant une indemnité d'éviction. Pour l'essentiel, cette indemnité
correspond à la valeur de la perte du fonds, et nous l'aborderons donc en deuxième
partie de cette étude.
Evaluation d'un fonds de commerce
Un fonds de commerce est constitué d'une part d'éléments corporels comprenant :
l les
agencements, installations et aménagements
l le mobilier,
matériel et outillage
l le stock
D'autre part d'éléments incorporels incluant :
l la clientèle
et l'achalandage
l le droit au
bail
l le nom
commercial, l'enseigne
l les licences
de restaurant ou débit de boissons, les marques, brevets, dessins et modèles attachés
au fonds.
L'évaluation du fonds de commerce englobe la valeur de l'ensemble de ces éléments,
à l'exception du stock de marchandises, qui fait l'objet d'une évaluation séparée.
Il existe différentes méthodes d'évaluation d'un fonds de commerce :
l différentes
méthodes de mathématiques financières assez complexes et en réalité peu utilisées
l des méthodes
empiriques fondées soit sur une évaluation d'après les bénéfices, soit d'après le
chiffre d'affaires, soit d'après la valeur du droit au bail.
En matière de CHR, la méthode la plus couramment utilisée actuellement est celle qui
est déterminée d'après le chiffre d'affaires réalisé.
D'après cette méthode d'évaluation, la valeur du fonds de commerce représente soit un
pourcentage du chiffre d'affaires annuel réalisé, soit un multiple de ce chiffre
d'affaires, soit encore un multiple de la recette journalière.
Afin d'atténuer des disparités qui peuvent être artificielles ou conjoncturelles, on
retient généralement la moyenne du chiffre d'affaires réalisé au cours des trois
dernières années.
Ainsi, pour une entreprise ayant réalisé respectivement un chiffre d'affaires de :
1 250 000 F en 1996
1 400 000 F en 1997
1 500 000 F en 1998
on retiendra pour base de calcul :
4 150 000 F : 3 = 1 383 333 F
(chiffre d'affaires moyen)
Pour ce qui est de la détermination de la recette journalière, on considère d'usage
qu'une année de chiffre d'affaires représente 300 recettes journalières.
En reprenant comme hypothèse un chiffre d'affaires moyen de 1 383 333 F, la recette
journalière sera de : 1 383 333 F : 300 = 4 611 F
Les cafés-bars
Habituellement, les fonds de commerce de cafés-bars-limonades (débits de boissons
"purs") sont évalués d'après la recette journalière dans une fourchette
comprise entre 500 et 1 000 fois cette recette journalière, la "fourchette"
moyenne équivalant environ à 650 fois la recette journalière.
Tribunal de grande instance de Paris du 19/01/1995 : 500 fois la recette journalière pour
un café se situant dans le XVe.
TGI de Paris du 24/01/1995 : 650 fois la recette journalière pour un café se situant
dans le VIe.
TGI de Paris du 15/09/1995 : 1 000 fois la recette journalière pour un café se situant
dans le VIIIe.
Les variations à l'intérieur de cette fourchette d'évaluation dépendent de la
situation géographique du fonds, de l'intérêt de son emplacement, de la consistance et
de l'aménagement des lieux, de sa notoriété...
Les brasseries et restaurants
Les fonds de commerce de brasseries-restaurants sont quant à eux évalués d'après un
pourcentage du chiffre d'affaires annuel moyen.
La fourchette d'évaluation est comprise entre 60 % et 100 % de ce chiffre d'affaires.
Cour d'appel de Paris du 27/03/1997 : 60 % du chiffre d'affaires pour un restaurant situé
dans le Ier arrondissement.
Cour d'Appel de Paris du 16/05/1995 : 75 % du chiffre d'affaires pour un restaurant situé
dans le VIIe arrondissement.
TGI de Paris du 15/12/1998 : 100 % du chiffre d'affaires pour une brasserie située dans
le Ier arrondissement.
Les hôtels
Pour les hôtels, l'évaluation du fonds représente un multiple du chiffre d'affaires
annuel moyen.
La fourchette s'établit actuellement de 2 à 4 fois ce chiffre d'affaires.
Cour d'appel de Paris du 27/06/1996 : 2 fois le chiffre d'affaires pour un hôtel meublé
préfecture situé dans le IIe.
TGI de Paris du 30/06/1998 : 3 fois le chiffre d'affaires pour un hôtel de tourisme 2
étoiles situé dans le VIIe.
Cour d'appel de Paris du 12/09/1996 : 4 fois le chiffre d'affaires pour un hôtel meublé
préfecture dans le XVIIIe.
Lorsque le fonds de commerce comporte plusieurs branches d'activité, café-restaurant,
hôtel-restaurant etc., chacune de ces branches d'activité fait l'objet d'une évaluation
particulière en ventilant le chiffre d'affaires global réalisé dans chacune des
branches d'activité.
TGI Paris du 08/09/1995, pour un hôtel meublé-bar-restaurant situé dans le XXe :
l partie bar :
600 fois la recette journalière
l partie
restaurant : 60 % du chiffre d'affaires annuel moyen
l partie hôtel
: 2,8 fois le chiffre d'affaires annuel moyen.
TGI Paris du 19/11/1996, pour un café-brasserie situé dans le VIIe :
l partie café
: 625 fois la recette journalière
l partie hôtel
: 75 % du chiffre d'affaires annuel moyen.
L'évaluation par la valeur du droit au bail
Dans les hypothèses particulières où le fonds de commerce périclite ou n'est
pratiquement plus exploité (exploitant partant à la retraite, fonds de commerce
recueilli en succession...), la valeur du fonds de commerce se borne à la valeur du droit
au bail.
Cette valeur correspond selon la méthode la plus courante à la différence entre le
loyer plafonné effectivement payé et la valeur locative réelle des locaux, affectée
d'un coefficient multiplicateur dépendant de l'intérêt de l'emplacement.
La valeur locative réelle correspond au prix du marché, c'est-à-dire au loyer que le
bailleur pourrait obtenir en consentant une nouvelle location pour les mêmes locaux.
Les coefficients actuellement utilisés sont :
l 3 pour un
emplacement sans commercialité
l 4 pour un
emplacement de commercialité moyenne
l 5 à 6 pour
un emplacement bien situé
l 7 pour un
emplacement très bien situé
l 8 à 9 pour
un emplacement exceptionnel
Exemples : pour un fonds bien situé, dont le loyer est de 70 000 F et dont la valeur
locative au prix du marché serait de 115 000 F, la valeur du droit au bail sera de
(115 000 - 70 000) x 5 = 225 000 F
Il est à noter que cette méthode ne peut être utilisée pour un fonds de commerce
d'hôtel, dans la mesure où, s'agissant d'un local monovalent, il n'est pas soumis à la
règle de plafonnement du loyer, celui-ci étant censé déjà correspondre de ce fait à
la valeur locative.
Evaluation de l'indemnité d'éviction
Principe
Selon les dispositions de l'article 8 du décret du 30 septembre 1953, le bailleur peut
refuser le renouvellement du bail ; à charge pour lui de payer au locataire une
indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
D'après les termes du même article, cette indemnité comprend :
l d'une part
une indemnité principale représentant la valeur marchande du fonds de commerce ;
l d'autre part,
des indemnités accessoires telles que : les frais et droits de mutation à payer pour un
fonds de même valeur (qualifiées de frais de remploi), l'indemnisation du trouble
commercial, les indemnités de licenciement du personnel, les frais de déménagement et
de réinstallation.
Indemnité principale
Il s'agit purement et simplement de l'évaluation du fonds de commerce, telle qu'elle a
déjà été abordée en première partie.
Indemnités accessoires
l les frais de
remploi :
Ils sont généralement évalués de 16 % à 18 % de la valeur du fonds, ou par
tranches de cette valeur, par exemple 10 % jusqu'à 500 000 F et 16 % au-delà ou 10 %
jusqu'à 700 000 F et 18 % au-delà.
l l'indemnité
pour trouble commercial :
Elle est généralement fixée à 3 mois de bénéfice ou de résultat d'exploitation
ou de marge brute d'autofinancement.
l les frais de
déménagement :
Ils sont retenus sur la base des devis justificatifs produits.
l les
indemnités de licenciement du personnel :
Elles peuvent éventuellement être retenues sous réserve d'être justifiées.
E. Duroux, avocat à la cour
TGI Paris du 21 mai 1992, pour un hôtel préfecture du XVe arrondissement de 39 chambres :
Valeur du fonds 4 fois le CATTC Frais de remploi 18 % Trouble commercial 3 mois de bénéfice Indemnité d'éviction |
3 551 456 F 639 262 F 74 782 F __________ 4 265 500 F |
TGI Paris du 30 juin 1998, pour un hôtel de tourisme 2 étoiles de 36 chambres, VIIe arrondissement :
Valeur du fonds 3 fois la recette annuelle Indemnité de remploi 13 % Trouble commercial Autres frais : déménagement Frais divers Indemnité d'éviction |
5 130 207 F 666 926 F 85 000 F 10 000 F 30 000 F __________ 5 922 133 F |
Cour d'appel de Paris du 10 juin 1998, pour un restaurant situé dans le VIIIe arrondissement :
Valeur du fonds 90 % du CA annuel Indemnité de remploi 10 % sur 500 000 F et 16 % au-delà Trouble commercial Autres frais Indemnité d'éviction |
1 279 800 F 254 768 F 13 000 F 10 000 F __________ 1 557 568 F |
Cour d'appel de Paris du 7 mai 1998, pour un café-bar-restaurant situé dans le VIIe arrondissement :
Valeur du fonds pour le café 650 fois la
recette journalière sur la base de 300 jours d'ouverture par an Pour le restaurant, 80 % du CA Indemnité de remploi 10 % jusqu'à 700 000 F et 18 % au-delà Trouble commercial 3 mois de résultat d'exploitation Autres frais Indemnité d'éviction |
1 137 714 F 144 026 F 174 713 F 27 750 F 20 000 F __________ 1 360 321 F |
L'HÔTELLERIE n° 2631 Hebdo 16 Septembre 1999